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Le premier budget de Mark Carney pourrait pointer vers une nouvelle direction

Ce budget sera composé de premières pour le gouvernement fédéral.

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Le premier ministre Mark Carney plaisante avec le ministre des Finances et du Revenu national, François-Philippe Champagne, lors d'une annonce à Ottawa, le 10 octobre 2025. Le premier ministre Mark Carney plaisante avec le ministre des Finances et du Revenu national, François-Philippe Champagne, lors d'une annonce à Ottawa, le 10 octobre 2025. (Justin Tang/La Presse canadienne)

Le gouvernement libéral de Mark Carney doit présenter mardi le prochain budget fédéral, le plus grand événement politique de l'année, juge déjà un expert.

Le premier budget sous la direction du premier ministre Mark Carney doit distinguer les dépenses de fonctionnement courantes de celles stimulant les investissements en capital des secteurs public et privé. Il s'agit d'une première au fédéral, mais c'est une pratique déjà reconnue au Royaume-Uni et dans d'autres pays.

Sahir Khan, le vice-président exécutif de l'Institut des finances publiques et de la démocratie, croit que cette approche permettra au gouvernement fédéral de convaincre les Canadiens que c'est en luttant contre la dette qu'on rendra l'économie plus productive.

«Les enjeux sont importants, souligne-t-il. Les Canadiens sont en position d'attente. Ils pourront voir comment le gouvernement s'occupe de l'anxiété qu'ils ressentent à propos de plusieurs sujets vraiment importants pour eux et leurs familles.»

Mais le bilan fiscal du gouvernement est déjà sous la pression d'une économie faible et les engagements à atteindre les cibles de défense de l'OTAN. Une majorité d'experts s'attendent à une hausse considérable du déficit dans le prochain budget.

M. Khan dit que le véritable test pour le gouvernement sera de constater si son plan visant à diversifier les partenaires commerciaux du pays contribuera à une croissance suffisamment rapide de l'économie pour que les revenus dépassent les dépenses au cours des prochaines années.

Toutefois, comme ils sont minoritaires, les libéraux devront tenter d'obtenir l'appui de députés des autres partis pour adopter ce budget, à moins que certains élus de l'opposition ne s'abstiennent ou s'absentent lors du vote.

Déjà, les conservateurs accusent M. Carney de dépenser sans compter et réclament un plafonnement de la taille du déficit. Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a indiqué que son parti était peu susceptible d'appuyer le budget. Le chef du NPD, Don Davies, a déclaré que son parti était «profondément préoccupé» par la perspective d'un budget d'austérité qui réduirait radicalement les services essentiels.

Le gouvernement présente traditionnellement son budget au printemps.

Il a déjà prévenu que ce budget automnal pourrait devenir la norme à l'avenir. Le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, a expliqué en octobre qu'une telle présentation aidera les provinces à mieux comprendre les programmes fédéraux avant de lancer leur propre cycle budgétaire. Cela permettra aussi un meilleur alignement avec la saison de la construction.

Autre nouveauté importante: la présentation du déficit annuel, soit le montant que le gouvernement ajoute à sa dette au cours d'une année.

Le directeur parlementaire du budget par intérim, Jason Jacques, et d'autres experts en économie ont affirmé que le gouvernement fédéral inclut trop de choses dans sa définition d’«investissements en capital». Elle pourrait notamment faire passer certaines dépenses de fonctionnement comme un investissement.

Le gouvernement a déjà promis d'équilibrer le budget de fonctionnement d'ici trois ans. Après cette période, tout emprunt sera réservé à des projets d'investissement.

Pour M. Carney, il s'agit de «dépenser moins et d'investir plus».

 

M. Khan croit que les dépenses d'infrastructure peuvent réduites ou accrues d'une année à l'autre, mais les coûts de fonctionnement, qui comprennent les salaires des fonctionnaires et les prestations aux Canadiens, sont plus difficiles à maîtriser. Emprunter pour financer des dépenses de fonctionnement crée une dette qui sera vraisemblablement passée aux générations futures, dit-il. 

Dans son énoncé économique présenté à la fin de 2024, soit avant le déclenchement de la guerre commerciale par le président américain Donald Trump, le gouvernement prévoyait un déficit de 42,2 milliards $ pour cet exercice financier. L'Institut des finances publiques et de la démocratie prédit qu'il s'élèvera plutôt entre 75 milliards $ et 90 milliards $. D'autres économistes parlent d'un chiffre légèrement inférieur ou légèrement supérieur à cette grande fourchette.

La taille du déficit n'affecte pas les Canadiens de manière significative, souligne M. Khan. C'est plutôt l'accumulation de ces déficits au cours des années et de l'augmentation des paiements sur l'intérêt qui devraient convaincre les gouvernements de faire une pause.

Si la dette s'accroît plus rapidement que la croissance économique, le remboursement des intérêts pourrait obliger le gouvernement à réduire d'autres services.

M. Khan dit que le gouvernement de Mark Carney devra répondre à une importante question dans ses prochains budgets: fera-t-il croître l'économie à un rythme plus élevé que ses dépenses ?

«Tant que cet écart augmente, si l'économie croît juste un peu plus rapidement que les dépenses, on peut moins emprunter l'année suivante. On peut rembourser éventuellement la dette. C'est alors qu'on est fiscalement viable.»

Craig Lord

Craig Lord

Journaliste