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Le ménage n'est pas terminé à la SAAQ, laisse entendre Geneviève Guilbault

«C'est une organisation qui est en crise dans une période critique. Ça prend une personne qui la gère en conséquence.»

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Le PDG de la SAAQ Éric Ducharme remercié Le PDG de la SAAQ Éric Ducharme remercié

Pour la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, il était évident  qu'un changement de garde à la tête de la Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ) était devenu nécessaire. C'est pourquoi le président-directeur général de la société d'État, Éric Ducharme, a été congédié mercredi, comme il a d'abord été rapporté par les médias de Québecor.

«C'est une organisation qui est en crise dans une période critique. Ça prend une personne qui la gère en conséquence», a-t-elle martelé lors d'un point de presse, mercredi après-midi. Pour elle, le climat des rencontres avec M. Ducharme était parfois teinté d'une certaine «indolence».

C'est l'actuelle vice-présidente aux Services aux assurés de la SAAQ, Annie Lafond, qui le remplacera comme PDG par intérim. Celle-ci a affirmé qu'elle avait le sentiment d'avoir les coudées franches dans son mandat, qui est à durée indéterminée pour le moment.

Geneviève Guilbault a d'ailleurs soutenu que le «ménage» n'était pas encore terminé à la SAAQ et a promis que d'autres gestes seraient posés prochainement. Elle a assuré partager «l'insurrection des Québécois» au cours des séances de la Commission Gallant sur le virage numérique raté de la société d'État. 

Le nom d'Éric Ducharme a justement été évoqué plusieurs fois depuis le début de la commission. M. Ducharme est arrivé en poste en avril 2023 en remplacement de Denis Marsolais qui avait été remercié dans la foulée du fiasco SAAQClic. 

On apprenait le mois dernier que trois vérificateurs de la SAAQ ont démissionné coup sur coup en 2024, déçus du peu d'intérêt démontré par le président-directeur général Éric Ducharme pour leur travail.

«C'était l'équivalent de me faire cracher dessus», avait confié l'ex-vérificatrice interne Marie-Line Lalonde lors de son témoignage devant la commission Gallant chargée de lever le voile sur le fiasco. Mme Lalonde a expliqué que son département a dû attendre neuf mois avant d'obtenir une rencontre avec M. Ducharme.

Pendant ce temps, les vérificateurs internes continuaient de relever de nombreux problèmes liés à la nouvelle plateforme SAAQclic, par exemple concernant la perception de certains droits et taxes. 

Or, lors de la rencontre tant attendue avec M. Ducharme, qui s'est tenue le 24 janvier 2024, le nouveau PDG était «assis dans sa chaise, les deux bras croisés», s'est entre autres remémorée Mme Lalonde.

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Dans les derniers mois, le premier ministre François Legault et Geneviève Guilbault n'avaient pas voulu réitérer publiquement leur confiance en M. Ducharme. 

Toutefois, M. Legault avait laissé entendre qu'il attendrait le rapport Gallant qui est attendu au plus tard le 15 décembre 2025 avant de poser des gestes. Outre la commission Gallant, des enquêtes sont en cours à l'UPAC, à l'Autorité des marchés publics et au ministère des Transports. 

Visiblement, il a changé d'avis: Mme Guilbault a plaidé mercredi que le gouvernement «ne peut pas se permettre d'attendre le rapport, parce que ça fait déjà longtemps qu'il y a une situation qui perdure» à la SAAQ.

C'est la vice-présidente aux Services aux assurés de la SAAQ, Annie Lafond, qui remplacera M. Ducharme sur une base intérimaire, selon les informations d'abord diffusées par Le Journal de Québec, puis confirmées par Geneviève Guilbault.

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Avant de se joindre à la SAAQ il y a quatre mois, Mme Lafond était vice-présidente à la transformation numérique et à l’expérience client chez Beneva. Elle n'a pas voulu dire, mercredi, si elle souhaitait le poste de PDG de la SAAQ à long terme.

En conférence de presse, Mme Guilbault s'est d'ailleurs félicitée que sa nouvelle PDG provienne du secteur privé des assurances. «Mme Lafond a le profil idéal, quant à moi, pour prendre les rênes de la SAAQ. Je la remercie d'avoir accepté», a-t-elle dit. 

Double aveu d'échec, dit l'opposition

M. Ducharme est le deuxième PDG de la SAAQ à avoir été nommé par le gouvernement Legault, puis congédié par ce même gouvernement. Un «double aveu d'échec», selon le porte-parole libéral en transports, Monsef Derraji.

«On tente de faire le ménage à la tête de l'organisation, mais la responsabilité politique ne peut pas être balayée sous le tapis», a-t-il déclaré dans un message transmis à La Presse canadienne, mercredi.

«Rien ne va plus et Mme Guilbault doit cesser de blâmer les autres et assumer ses responsabilités», a-t-il renchéri.

«Après des mois d'improvisation, il est légitime de se demander si elle est encore la bonne personne pour regagner la confiance de la population», a également réagi sur X la porte-parole de Québec solidaire, Ruba Ghazal.

Mme Guilbault s'est défendue devant les journalistes de ne pas prendre ses responsabilités, disant avoir toujours été «extrêmement présente hebdomadairement auprès de la SAAQ».

«On est en rencontre sans arrêt avec la SAAQ pour que les choses s'améliorent, a-t-elle affirmé. Ultimement, ma responsabilité, c'est de changer (le PDG) si ça ne fonctionne pas.»

De son côté, le député péquiste des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau, a souligné en entrevue que l'annonce du congédiement de M. Ducharme survient en «plein été, alors que les gens débutent les vacances».

«La reddition de comptes viendra un jour ou l'autre, et je pense que les Québécois porteront un jugement très sévère envers la CAQ pour l'ensemble de son œuvre, mais particulièrement quant à la gestion de ce fiasco», a-t-il déclaré. 

Au Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), on parle tout de même d'un «bon premier pas pour assainir la gestion» de la société d'État.

«Le ménage doit aussi être fait dans les contrats de sous-traitance responsables du fiasco SAAQclic», a affirmé dans un communiqué son quatrième vice-président, Daniel Goyette.