Un nouveau rapport du Centre canadien de politiques alternatives indique que la fonction publique fédérale pourrait perdre près de 57 000 emplois au cours des quatre prochaines années, alors qu’Ottawa cherche à réduire ses dépenses.
Plus tôt ce mois-ci, le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, a envoyé des lettres à plusieurs ministres pour leur demander de réduire les dépenses de programmes de leurs ministères de 7,5% au printemps prochain, de 10% l’année suivante et de 15% en 2028-2029.
Le rapport, rédigé par David Macdonald, économiste principal au Centre canadien de politiques alternatives, indique que la fonction publique fédérale pourrait perdre jusqu’à 57 000 employés d’ici 2028.
Le rapport prévoit que des dizaines de milliers d’emplois seront supprimés à l’Agence du revenu du Canada (ARC), à Emploi et Développement social Canada (EDSC) et à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), trois organisations qui ont déjà connu une baisse d’effectifs ces derniers mois.
Selon le rapport, les villes d'Ottawa et de Gatineau seront probablement les plus touchées par les compressions, car près de la moitié des pertes d'emplois se produiront dans la région de la capitale fédérale.
Le rapport prévoit que les répercussions sur les services se feront sentir partout au pays en raison des pertes d'emplois, ajoutant que les compressions entraîneront des temps d'attente plus longs, davantage d'erreurs et «moins de personnes pour les corriger».
D'après le rapport, le gouvernement demande aux ministères de réaliser des économies afin de couvrir les augmentations importantes des dépenses militaires et les réductions d'impôt.
Barb Couperus, porte-parole du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, a confirmé qu'un objectif d'économies réduit de 2% a été fixé pour le ministère de la Défense nationale, l'Agence des services frontaliers du Canada et la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
Mme Couperus a indiqué que les ministres ont été chargés d'examiner les dépenses de leurs portefeuilles afin d'identifier les programmes qui «atteignent leurs objectifs, sont au cœur du mandat fédéral et complètent — au lieu de faire double emploi — les services offerts par d'autres ministères fédéraux ou ordres de gouvernement».
«Cet examen reflète un retour aux responsabilités essentielles, clairement axées sur la discipline budgétaire, la prestation de services de qualité et la croissance économique à long terme», a-t-elle souligné.
Mme Couperus a précisé que les «agents du Parlement», le Service administratif des tribunaux judiciaires et le Bureau du registraire de la Cour suprême du Canada sont exemptés du processus d'examen «afin de préserver leur indépendance».
Les agents du Parlement sont considérés comme indépendants du gouvernement et comprennent le vérificateur général, le directeur général des élections et le directeur parlementaire du budget.
Elle a précisé que seuls les organismes relevant du portefeuille d'un ministre sont inclus dans l'examen, ce qui exclut les organismes indépendants, comme la Chambre des communes et le Sénat.
«Les paiements de transfert législatifs aux provinces, aux territoires et aux particuliers seront maintenus, mais la plupart des autres dépenses gouvernementales seront incluses dans l'examen», a-t-elle déclaré, ajoutant que les sociétés d'État sont également soumises à cet exercice.
Le rapport de M. Macdonald suggère que les ministres disposent d'une certaine flexibilité quant au choix des cibles des compressions.
«Par exemple, un ministère peut proposer de réduire ses effectifs de moins de 15%, mais cela signifie que d'autres postes budgétaires devront être réduits de plus de 15% pour compenser la différence», peut-on y lire.
Dans un rapport précédent, M. Macdonald a indiqué que des compressions pourraient également être appliquées dans des secteurs, tels que les transferts aux gouvernements des Premières Nations, le soutien aux anciens combattants et aux nouveaux arrivants, l'aide internationale et la recherche.
Lors des élections du printemps, le premier ministre Mark Carney a promis de plafonner, sans toutefois réduire, l'emploi dans la fonction publique. Il s'est également engagé à lancer un «examen complet» des dépenses publiques afin d'accroître la productivité.
Dans un courriel, M. Macdonald a déclaré que la promesse de campagne de M. Carney de ne pas réduire la fonction publique «n'avait aucun sens».
Il a ajouté que les dépenses opérationnelles sont déjà plafonnées à environ 130 milliards $ par an et qu'il fallait toujours procéder à des coupes.
«Pendant la campagne, ils ciblaient les effectifs et d'autres dépenses opérationnelles, a expliqué M. Macdonald dans le courriel. Mais ce budget a été considérablement élargi pour inclure les transferts ministériels en juillet, probablement pour financer les nouvelles dépenses massives dans le domaine de la défense intervenues quelques semaines seulement après les élections (et qui ne figuraient pas dans le programme, ou certainement pas aussi rapidement).»
Selon M. Macdonald, le gouvernement offrirait probablement des rachats de contrat aux employés plus âgés afin d'encourager davantage de départs à la retraite. Il a également précisé que les coupes entraîneraient probablement «la fin de tous les emplois à durée déterminée et occasionnels».
«Il s'agira généralement de jeunes travailleurs qui ne sont pas encore nommés pour une période indéterminée. Ce seront alors ces derniers qui subiront un réaménagement des effectifs qui pourrait se solder par des licenciements.»
Des craintes exprimées
Nathan Prier, président de l'Association canadienne des employés professionnels, a indiqué que le syndicat était très préoccupé par ce qu'il appelle la «promesse non tenue» de ne pas réduire la fonction publique fédérale.
Il a ajouté qu'on demande maintenant aux ministères de trouver des économies qui pourraient entraîner une «réduction drastique de la qualité des services publics sur lesquels comptent les Canadiens».
«Les Canadiens espéraient, par leur choix lors des dernières élections, que notre pays résisterait aux menaces du président américain Donald Trump, réaliserait des investissements stratégiques dans notre économie et diversifierait nos partenaires commerciaux. Pour y parvenir, nous avons besoin d'une fonction publique fédérale forte», a soutenu M. Prier.
Les coupes du gouvernement Carney font suite à celles introduites dans le budget 2023 dans le cadre de l'initiative de «recentrage des dépenses publiques». Le rapport indique que ces réductions affectent déjà les effectifs et que leurs «économies» atteindront leur apogée en 2026-2027.
L'effectif de la fonction publique fédérale a diminué de près de 10 000 personnes l'an dernier, passant de 367 772 à 357 965 fonctionnaires fédéraux.
