L’Association canadienne des producteurs de pétrole (ACPP) salue la plus récente liste de grands projets d’Ottawa, après l’ajout d’un autre projet de gaz naturel liquéfié (GNL), mais les groupes environnementaux avancent que cette décision oriente le Canada dans la mauvaise direction.
Le premier ministre Mark Carney a publié jeudi la deuxième liste de projets que son gouvernement soumet au Bureau des grands projets (BGP) pour examen en tant que projets d’intérêt national.
La désignation d’intérêt national accorderait un traitement spécial à un projet, lui permettant d’accélérer les approbations et possiblement de contourner certaines lois environnementales, comme la Loi sur les pêches et la Loi sur les espèces en péril.
La nouvelle liste comprend le projet de gaz naturel liquéfié Ksi Lisims, le gazoduc de la côte nord en Colombie-Britannique, un projet hydroélectrique au Nunavut et des mines de nickel, de graphite et de tungstène en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick.
Ksi Lisims est le deuxième projet de GNL que le gouvernement soumet au BGP pour examen en vue d’une désignation d’intérêt national.
Vendredi, la présidente de l’ACPP, Lisa Baiton, a déclaré dans un communiqué que cette nouvelle liste rapproche le Canada du statut de «superpuissance énergétique mondiale», un objectif que M. Carney a maintes fois affirmé être le sien.
«Avec l’ajout du projet de GNL Ksi Lisims et du projet de transport de gaz de Prince Rupert, qui s’ajoutent à la phase 2 de GNL Canada sur la liste des grands projets, et en plus des projets de GNL Cedar et Woodfibre, déjà en construction, le Canada est en voie de devenir l’un des cinq principaux exportateurs de GNL au monde», a-t-elle affirmé.
Mme Baiton a toutefois ajouté que le gouvernement doit encore mettre en œuvre les réformes réglementaires souhaitées par l’industrie.
Plus tôt cette année, plus de 90 dirigeants du secteur pétrolier et gazier ont exhorté le gouvernement à abroger plusieurs lois que la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a qualifiées de «préjudiciables».
L’industrie a demandé à Ottawa de lever l’interdiction de la navigation des pétroliers au large des côtes de la Colombie-Britannique et le plafond d’émissions imposé aux producteurs de pétrole et de gaz, et de transférer aux provinces la politique de tarification du carbone industriel.
La plupart des provinces ont leurs propres systèmes de tarification du carbone industriel, mais elles doivent respecter une norme fédérale minimale pour éviter que le système fédéral ne leur soit imposé.
La stratégie du gouvernement en matière de compétitivité climatique, dévoilée dans le budget fédéral le 4 novembre, s’est engagée à renforcer la tarification du carbone industriel, sans toutefois fournir de détails.
Le budget indiquait que le plafonnement des émissions des producteurs de pétrole et de gaz ne serait probablement pas nécessaire si d’autres politiques étaient mises en œuvre, comme des limites plus strictes sur les fuites de méthane et des investissements dans le captage et le stockage du carbone.
Le caractère vague de ces engagements inquiète de nombreux groupes environnementaux.
«Les engagements récents visant à accroître la production canadienne de gaz naturel liquéfié (GNL) augmenteront les émissions nationales sans aucune garantie que les exportations de GNL réduiront les émissions à l’étranger», a expliqué Dale Beugin, vice-président de l’Institut canadien du climat.
«L’ampleur et la portée exactes de ces impacts dépendront de la rigueur des politiques climatiques qui restent à finaliser, ce qui souligne d’autant plus l’urgence de leur mise en œuvre», a-t-il ajouté.
La nouvelle liste de projets a été publiée alors que les pays se réunissaient au Brésil pour la conférence annuelle des Nations Unies sur le climat. La ministre de l’Environnement, Julie Dabrusin, et le ministre du Patrimoine, Steven Guilbeault — ancien militant écologiste et artisan de nombreuses politiques climatiques canadiennes actuelles lorsqu’il était le prédécesseur de Mme Dabrusin au ministère de l’Environnement — participent à la première semaine de l’événement.
Tous deux doivent être de retour à Ottawa à temps pour le vote crucial du budget fédéral, lundi.
«Cette semaine, à Belém, les dirigeants mondiaux discutent de la transition énergétique mondiale, qui peut se libérer de la dépendance aux énergies fossiles et se tourner vers des énergies renouvelables plus propres et plus abordables, pour un avenir plus sûr. Pendant ce temps, le premier ministre Carney poursuit sans relâche le développement du GNL, un gaz à effet de serre désastreux pour le climat», a déclaré Caroline Brouillette, directrice générale du Réseau Action Climat.
«Est-ce vraiment le message que le Canada veut envoyer au monde ? Le Canada se présente aux négociations climatiques internationales les mains vides et avec un recul national, et c’est vraiment triste à voir», a-t-elle ajouté.

