Le lancement du Dossier santé numérique (DSN) a été reporté puisque «les conditions essentielles à [sa] réussite ne sont actuellement plus réunies», peut-on lire dans une note interne de Santé Québec dont Noovo Info a obtenu une copie.
«Dans ce contexte, nous prenons la décision difficile mais responsable de reporter le lancement des sites vitrines prévues au CIUSSS du Nord-de-l’île-de-Montréal (NIM) et au CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (MCQ)», apprend-t-on.
Santé Québec explique que la décision s'inscrit dans sa volonté de « réussir l’intégration d’outils numériques dont le réseau a besoin, tout en assurant une saine gestion des fonds publics qui sont dédiés à ces projets».
En août dernier, on apprenait que Québec avait autorisé un investissement supplémentaire de 95 M$ dans le développement du DSN.
Ces sommes supplémentaires devaient servir à former et à accompagner le personnel du réseau de la santé, afin qu'il s'approprie les nouveaux outils, expliquait alors le cabinet du ministre de la Santé, Christian Dubé.
Depuis le scandale SAAQclic, le gouvernement aurait rehaussé son niveau de vigilance face aux projets informatiques.
En janvier 2024, le ministère de la Santé évaluait le coût du DSN à 1,5 milliard $ pour l'ensemble du Québec.
Les syndicats réagissent
Depuis le fiasco SAAQclic, plusieurs personnes qui œuvrent au sein du réseau de la santé ont partagé leur inquiétude qu'un tel échec se produise pour les dossiers numériques des patients.
L’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) s'est dite soulagée d'apprendre le report du DSN. «Nous saluons la décision pleine de bon sens de Santé Québec, avec les échos que nous avions du terrain, nous étions inquiets pour nos membres, et surtout pour le public», a mentionné dans une déclaration écrite Robert Comeau, président de l’APTS.
Selon lui, la rapidité et la qualité des soins auraient été mises à mal. «Un virage aussi important mérite d’être mûrement réfléchi et implanté avec rigueur», dit-il.
De son côté, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec-FIQ estime qu'il s'agit d'un «exemple d’une gestion chaotique».
La présidente de la FIQ, Julie Bouchard, ne mâche pas ses mots. «Le gouvernement fait mine de vouloir moderniser le réseau, mais il ne met pas les ressources là où elles sont essentielles: auprès du personnel qui tient le réseau à bout de bras. Ce n’est pas un logiciel qui va réduire les ratios dangereux, ni un tableau de bord numérique qui va diminuer la liste d’attente en chirurgie et donner des soins à la population», dit-elle dans une déclaration écrite.
Elle s'insurge que les coûts des deux projets numériques dépassent les 700 millions $. «On demande aux professionnelles en soins toujours plus de flexibilité et de sacrifices, alors que des centaines de millions s’évaporent dans des projets mal planifiés. Si le gouvernement veut vraiment redonner confiance dans son réseau, qu’il commence par investir dans celles qui sont au chevet des patients chaque jour», fait valoir Mme Bouchard.
La décision de Santé Québec s’inscrit dans sa volonté «de réussir l’intégration d’outils numériques dont le réseau a besoin, tout en assurant une saine gestion des fonds publics qui sont dédiés à ces projets», a expliqué Mme Bially dans sa déclaration.
Le ministre Dubé avait d'ailleurs débloqué 95 millions $ pour financer les projets-pilotes du DSN. Les coûts estimés pour ce projet s'élèvent à 307 millions $. Pour l'instant, 248 millions $ ont été dépensés, selon les informations rendues publiques sur le Tableau de bord des projets en ressources informationnelles du gouvernement du Québec.
Des enjeux concernant le DSN «demeurent sous haute surveillance», affirme Santé Québec. Des plans d'action seront déployés pour les atténuer, mais elle ne partage pas encore les nouvelles dates de livraison du projet.
Le refus des médecins à participer au DSN a joué dans la balance
Rappelons par ailleurs qu'autant les omnipraticiens que les médecins spécialistes ont décidé de ne pas participer aux activités du DSN. Cela fait partie de leurs moyens de pression dans le contexte des négociations houleuses avec le gouvernement.
Il s'agit d'un facteur ayant mené au report des projets numériques. «La contribution et l'engagement des médecins demeurent des conditions de succès pour plusieurs volets du projet, notamment la formation, la préparation et la finalisation du contenu clinique», affirme Santé Québec.
Le projet Système d'information en finances, approvisionnement et ressources humaines (SIFRAH) «vise à remplacer des systèmes d’information désuets par une solution intégrée et moderne couvrant les volets finances, approvisionnement et ressources humaines», précise Santé Québec.
Le SIFRAH doit coûter 430 millions $, dont un peu plus de 65 millions $ ont été dépensés pour l'heure.
«En 2024, le volet SIFA a amorcé sa phase de réalisation, tandis que le volet SIRH demeure en planification. Depuis le transfert du projet à Santé Québec, un diagnostic complet a été mené. Il a confirmé que des ajustements sont nécessaires en matière de portée, de budget et d’échéancier. Depuis mai 2025, une demande de rehaussement a été déposée et demeure en attente de l’approbation du Conseil des ministres. Dans l’intervalle, les activités se sont poursuivies à un rythme ralenti, ce qui a inévitablement eu des impacts sur l’avancement prévu», détaille la société d'État.
Elle attend une décision de l’Autorité des marchés publics qui analyse la gestion contractuelle des projets numériques dans les organismes publics. Des recommandations seront aussi faites pour assurer une saine gestion du projet SIFA.
Avec de l'information de La Presse canadienne.

