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Le Défilé de la Fierté se déroule sous le signe de la controverse à Montréal

La forte chaleur n'a pas atteint l'enthousiasme des participants du Défilé de Fierté Montréal.

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Les participants portent un drapeau arc-en-ciel dans une rue lors de la parade de la Fierté à Montréal, le dimanche 10 août 2025. Les participants portent un drapeau arc-en-ciel dans une rue lors de la parade de la Fierté à Montréal, le dimanche 10 août 2025. (LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hughes)

Face à un contexte de montée de la haine dans le monde, des milliers de membres des communautés 2ELGBTQIA+ ont revendiqué leurs couleurs dans les rues de Montréal, dimanche après-midi, que ce soit au traditionnel Défilé de Fierté Montréal ou à la marche de la Fierté indomptable.

La forte chaleur n'a pas atteint l'enthousiasme des participants du Défilé de Fierté Montréal ni celui des personnes qui étaient venues apporter leur soutien tout au long du parcours sur le boulevard René-Lévesque.

Il était pourtant difficile de faire fi du contexte de la montée de la discrimination envers les personnes 2ELGBTQIA+ dans certains pays, alors que des membres des communautés ont confié se sentir de moins en moins en sécurité.

«Je trouve ça super important de s'affirmer et de venir pour crier nos couleurs», a témoigné Rose-Marie Lévesque, qui était venue assister au Défilé de Fierté Montréal. «La plupart d'entre nous, on ne se sent pas nécessairement en sécurité, mais ça ne veut pas dire qu'on doit s'empêcher de venir marcher aujourd'hui.»

C'est aussi ce que ressent Julianne Savoie, qui a rappelé que c'est «très difficile» en ce moment dans des pays où les droits des communautés 2ELGBTQIA+ semblaient acquis.

«Je trouve ça important de célébrer que nous, on est chanceux d'avoir au Canada un pays qui est autant protecteur de nos droits», a-t-elle souligné, même si elle reconnaît que ce n'est pas encore parfait.

Ce sentiment était aussi reconnu par plusieurs politiciens présents au rassemblement.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a soutenu lors d'un point de presse qu'il était «inacceptable» que «dans bien des sociétés, dans bien des endroits, on voit un net recul des droits pour les personnes issues des communautés».

La ministre responsable de la lutte contre l'homophobie et la transphobie, Martine Biron, et le lieutenant du Québec, Steven Guilbeault, ont également pris part au défilé, tout comme le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, le chef du Parti libéral du Québec, Pablo Rodriguez, et la co-porte-parole de Québec solidaire, Ruba Ghazal.

La tenue du Défilé de Fierté Montréal aura été loin d'être facile cette année, alors que l'organisation a dû faire face à de nombreuses controverses.

Elle a notamment dû composer avec la démission du président de son conseil d'administration, Bernard Truong, le 4 août dernier. Fierté Montréal a précisé qu'il avait dû se retirer de ses fonctions «pour des raisons de nature personnelle».

L'organisation s'est aussi retrouvée dans la tourmente concernant sa posture au sujet du conflit israélo-palestinien.

Au lendemain de la démission de M. Truong, Fierté Montréal a «réaffirmé son invitation à toutes les communautés à participer aux festivités» après que des représentants de la communauté juive avaient été exclus de l'événement phare.

«Nous sommes très heureux d'être ici. Les tentatives de nous exclure du Défilé de la Fierté ont été infructueuses et les juives et les juifs LGBTQ+ du Québec ont leur place», a affirmé peu avant le défilé le représentant de l'organisation Ga'ava, Carlos Godoy.

«Les choses qui nous rassemblent à Montréal sont plus fortes que les choses qui tentent de nous diviser», a-t-il ajouté.

Une marche en parallèle

Certains groupes avaient également claqué la porte de Fierté Montréal en mai dernier, dénonçant dans une lettre une «culture organisationnelle toxique».

Ne se sentant plus représentée par l'organisation, une centaine de personnes ont fait le choix de participer à la marche de la Fierté indomptable, qui se tenait presque au même moment au centre-ville, sur le boulevard Maisonneuve.

Parmi eux se trouvait Emilia, qui a décidé de prendre part à ce rassemblement, car il était plus aligné avec ses valeurs, notamment en ce qui concernait les revendications pour la Palestine.

Elle espère tout de même que les membres des communautés pourront tous un jour reprendre part à la même marche. 

«Mais tant que ce n'est pas le cas, il faudrait qu'il y en ait deux, comme ça, tout le monde peut se faire représenter», a-t-elle avancé.

Cette position était aussi partagée par des participants du Défilé de Fierté Montréal.

Marie-Pier Boisvert, directrice générale de la Coalition des familles LGBT+, a raconté que son organisation s'est sentie «tiraillée» avant de participer au défilé traditionnel.

«On avait l'impression d'avoir un devoir envers nos membres de venir pour leur permettre de défiler s'ils veulent défiler. Mais c'est sûr qu'il y a des valeurs qui accrochent avec les positions récentes de Fierté», a-t-elle mentionné.

«Ce qu'on a décidé de faire, c'est de défiler comme prévu et de se réapproprier un peu le défilé en espérant avoir des conversations nécessaires, mais difficiles, avec Fierté après», a ajouté Mme Boisvert.

Julianne Savoie a également expliqué qu'elle comprend «parfaitement le fait qu'il y ait une autre Fierté qui est plus représentative et qui est plus ouverte à toutes les personnes».

Si elle a accordé une sorte de sursis cette année à Fierté Montréal, elle s'attend à ce que l'organisation fasse plus attention à l'avenir à la provenance de leur argent.

«On est de l'opinion que la prolifération des marches et des fiertés (...) ça fait juste plus de visibilité, plus d'occasions de montrer qu'on est là, qu'on est fiers et qu'on ne s'en va pas et d'essayer de contrer la montée de la haine qui est très réelle et très difficile à gérer», a rappelé Marie-Pier Boisvert.

«On espère que tout le monde marche, peu importe où il marche», a-t-elle résumé.

Audrey Sanikopoulos

Audrey Sanikopoulos

Journaliste