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Le Canada n'en ferait pas assez contre l'exploitation des travailleurs étrangers

«Il s'agit d'un problème intrinsèquement systémique, étroitement lié au système de visas.»

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9af850c11c73f0875e38e99a9ed7cbf258922d76ff4f149a19974f25b759e962.jpg Ketty Nivyabandi, secrétaire générale d'Amnistie internationale Canada, se joint au Black Class Action Secretariat lors d'une conférence de presse sur la Colline du Parlement à Ottawa, le mercredi 28 septembre 2022. (Sean Kilpatrick | La Presse canadienne)

Une représentante d'Amnistie internationale Canada affirme que le pays n'en fait pas assez pour mettre fin à l'exploitation des travailleurs étrangers temporaires admis avec des visas qui les lient à un seul employeur.

Ketty Nivyabandi, secrétaire générale de la section anglophone de l'organisation, a affirmé jeudi, lors d'un événement organisé par le commissaire aux droits de la personne de la Colombie-Britannique, qu'être à la merci d'un seul employeur permet aux travailleurs migrants d'être exploités, de vivre dans des logements surpeuplés et insalubres, de travailler dans des environnements dangereux et d'être victimes de violence psychologique.

«Ce ne sont pas des exceptions. Il s'agit d'un problème intrinsèquement systémique, étroitement lié au système de visas.»
-Ketty Nivyabandi, secrétaire générale d'Amnistie internationale Canada

Amnistie internationale a publié un rapport en janvier indiquant que les autorités canadiennes sont conscientes des abus du système depuis des décennies, mais qu'elles n'ont pas apporté de changements systémiques à leurs politiques ni aboli les permis de travail fermés.

L'organisation a déclaré que les visas étaient la cause profonde la plus évidente de l'exploitation et de la discrimination des travailleurs migrants et a appelé le gouvernement canadien à accorder des permis de travail ouverts afin que les migrants puissent changer d'employeur et d'emploi.

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Mme Nivyabandi a expliqué que permettre aux migrants de changer d'emploi permettrait de mieux surveiller les employeurs afin de garantir leur respect des normes fondamentales en matière de droits de la personne.

Le Canada dispose d'une version du Programme des travailleurs étrangers temporaires depuis les années 1970, qui permet aux employeurs d'embaucher des travailleurs étrangers pour occuper des emplois temporaires lorsque le gouvernement estime que des Canadiens qualifiés ne sont pas disponibles, le plus souvent dans des secteurs comme l'agriculture et la restauration.

Un rapport d'un rapporteur spécial des Nations Unies publié en août dernier indiquait que le programme des travailleurs étrangers temporaires au Canada «constitue un terreau fertile pour les formes contemporaines d'esclavage». 

Mme Nivyabandi a expliqué que les changements apportés par le Canada au programme étaient trop fragmentaires, limités et pas assez systémiques.

«Nous n'avons constaté aucune mesure suffisante qui refléterait véritablement l'ampleur de ce que nous avons signalé, celle du rapporteur spécial et celle des travailleurs migrants eux-mêmes depuis des années», a-t-elle expliqué.

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a indiqué dans un communiqué que les questions soulevées dans le rapport d'Amnistie internationale «font partie des litiges en cours» et que, par conséquent, le gouvernement ne peut pas commenter.

La déclaration indique que les travailleurs étrangers temporaires bénéficient des mêmes normes d'emploi, droits et protections en vertu des lois fédérales, provinciales et territoriales que les citoyens canadiens et les résidents permanents.

Elle indique que le Canada a pris des mesures pour améliorer le système, notamment en adoptant une réglementation plus stricte obligeant les employeurs à fournir aux travailleurs étrangers temporaires une assurance maladie privée et en interdisant aux employeurs de facturer ou de recouvrer des frais de recrutement.

Il existe également des options permettant à certains travailleurs de changer d'emploi dans des circonstances limitées.

Mme Nivyabandi a affirmé que ces solutions sont souvent très lentes, complexes et bureaucratiques, et qu'elles ne sont pas conçues pour les personnes en situation désespérée.

Le gouvernement a également promis de limiter le nombre de travailleurs participant au programme. Mme Nivyabandi a ajouté que ce n'était pas non plus la solution.

«Les chiffres nous montrent clairement que le programme a été conçu comme une solution temporaire, mais qu'il s'agit en réalité d'une solution temporaire à un problème permanent. Le nombre de travailleurs étrangers temporaires a doublé au cours des cinq dernières années, ce qui montre qu'il existe une demande claire», a-t-elle expliqué. 

La solution n'est donc pas de réduire le nombre de travailleurs. La solution consiste simplement à réglementer le travail afin que les gens puissent profiter de la vie et de leurs droits fondamentaux, et qu'ils puissent changer d'employeur.