Chris Lehane, directeur des affaires mondiales d’OpenAI, a grandi dans le Maine, où il se souvient d’une abondance d’arbres.
On les coupait pour le bois d’œuvre, on les expédiait dans le monde entier, puis on les transformait en meubles, souvent revendus aux habitants du Maine à des prix bien supérieurs à leur prix initial.
Ce scénario pourrait se reproduire au Canada avec l’intelligence artificielle (IA), et M. Lehane estime qu’il est temps de l'empêcher.
«Le véritable défi pour le Canada, et l’occasion qui se présente, est de savoir s’il peut exploiter ses atouts et s’assurer qu’ils se traduisent par un développement économique ici au Canada?», a-t-il indiqué en entrevue lors d’une visite au Canada cette semaine.
«L’IA ne devrait pas se résumer à construire des centres de données et à acheminer l’énergie vers d’autres régions du monde.»
Ses commentaires ont été prononcés en marge de la conférence technologique Elevate de Toronto, au lendemain de sa rencontre avec le ministre de l’IA, Evan Solomon, qui a promis la première stratégie nationale sur cette technologie d’ici la fin de l’année.
Évolution rapide
L’audace, la souveraineté et l’hospitalité dont fera preuve le gouvernement envers des géants technologiques étrangers comme OpenAI, le créateur américain du dialogueur ChatGPT, restent incertaines.
M. Solomon n’a nommé que le mois dernier un groupe de travail chargé d’élaborer la stratégie, et celui-ci a beaucoup à considérer. L’IA évolue aussi rapidement que les tensions géopolitiques qui ont fait passer le Canada et les États-Unis d’amis à ennemis plus tôt cette année.
Le groupe de travail devra déterminer s’il souhaite adopter une version stricte de la souveraineté qui exclut les géants technologiques voisins ou une forme moins rigide qui permet aux entreprises nationales de tirer parti de leurs atouts et aux entreprises étrangères de combler les brèches laissées par les entreprises locales.
Sofia Ouslis, attachée de presse du M. Solomon, a fait savoir qu'une réunion «productive et introductive» avait eu lieu entre le ministre et OpenAI. Ils ont discuté «du potentiel de l'économie canadienne dans le domaine de l'IA», a-t-elle précisé dans un courriel.
M. Lehane, un politicien chevronné ayant travaillé sous l’administration Clinton, a soutenu que le gouvernement fédéral a jusqu’à présent «noué des contacts avec d’autres entités mondiales pour déterminer qui sera un véritable partenaire pour le Canada».
«Notre message dans cette conversation est que nous voulons apporter une valeur ajoutée ici», a-t-il affirmé.
Collaboration nécessaire
L’un des moyens par lesquels le gouvernement souhaite ajouter de la valeur est OpenAI for Countries, un programme lancé en mai qui vise à aider d’autres pays à accroître la capacité de leurs centres de données et à adapter ChatGPT à leurs langues et coutumes locales.
M. Lehane envisage que la technologie soit introduite au Canada et utilisée pour créer des emplois et de l’activité économique.
OpenAI est désireux de collaborer alors que la souveraineté est à la mode, car aucun pays ne peut véritablement faire cavalier seul en matière d’IA, a ajouté Dev Saxena, conseiller principal en affaires mondiales chez OpenAI.
«Aucun pays ne peut construire l’intégralité de la technologie, c’est trop coûteux et gourmand en ressources», a-t-il expliqué.
Pour que la technologie fonctionne, selon M. Lehane, cinq éléments sont nécessaires: le talent, le capital, l’énergie, les données et les puces, et aucun pays ne les maîtrise tous.
Si les États-Unis disposent de capitaux et sont un acteur majeur dans la conception de puces, le Canada est très en avance en matière de talent et d’énergie.
Si la stratégie adoptée par le Canada tire parti de ces deux atouts, elle évitera que la parabole du Maine de M. Lehane ne se reproduise et permettra au pays de devenir une puissance de l’IA.
«Je pense que le Canada se trouve à un moment où il a le potentiel de faire un grand bond en avant», a-t-il conclu.

