Justice

Cineplex se défend sur la divulgation des frais de réservation en ligne

Le Bureau de la concurrence, à l’origine de l’affaire en 2023, affirme que cette pratique s’apparente à une indication de prix partiel.

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4ac0ebf7029300b5be441d71e5298754500fcbca1cf3b7821121e0e3aba840fd.jpg Un cinéma Cineplex à l’angle des rues Yonge et Eglinton, à Toronto, le lundi 16 décembre 2019. Une avocate du géant du cinéma a plaidé mercredi devant la Cour d’appel fédérale que le Tribunal de la concurrence a commis une erreur. LA PRESSE CANADIENNE/Aaron Vincent Elkaim (LA PRESSE CANADIENNE/Aaron Vincent Elkaim)

Le Tribunal de la concurrence a commis une erreur en jugeant que Cineplex avait trompé les spectateurs en ne divulguant pas immédiatement les frais de réservation en ligne, a plaidé mercredi une avocate du géant du cinéma devant la Cour d’appel fédérale. 

Cineplex fait appel d’une décision du tribunal de septembre 2024 concernant les frais pouvant atteindre 1,50 $ que certains clients devaient payer pour réserver leurs billets en ligne.

Le Bureau de la concurrence, à l’origine de l’affaire en 2023, affirme que cette pratique s’apparente à une indication de prix partiel, où un prix bas attire les consommateurs avant qu’ils ne soient surpris plus tard lors du processus de paiement par des frais qui font grimper leur prix final.

Cependant, Cineplex a maintenu avoir été transparent au sujet des frais, qui pourraient être évités en achetant des billets en salle.

L’avocate Linda Plumpton a déclaré à un panel de trois juges que Cineplex avait fait preuve de transparence concernant les frais et que le tribunal avait mal appliqué le critère juridique pertinent pour déterminer si la société avait suffisamment divulgué toutes les informations tarifaires aux clients.

Elle a souligné que les cinéphiles pouvaient trouver cette information en faisant défiler la page web lors de l’achat de billets de cinéma en ligne.

Jurisprudence

Me Plumpton a cité plusieurs précédents judiciaires, notamment celui concernant une précédente promotion de FritoLay pour un cadeau gratuit à l’intérieur de ses sacs de chips.

Dans cette affaire, l’entreprise était accusée d’avoir enfreint les règles de la concurrence, car une clause de non-responsabilité indiquant que tous les sacs ne contenaient pas le cadeau figurait au dos de l’emballage, plutôt que sur la face avant, où la promotion était largement annoncée.

Mais un juge dans cette affaire a contesté que cette pratique constituait une «fausse déclaration» de la part de l’entreprise au vu de toutes les informations figurant sur l’emballage.

«Nous parlons d'actions à faire. Des actions comme: “Je dois retourner le sac”», a rappelé Me Plumpton, qui a comparé cette situation à celle des cinéphiles qui doivent faire défiler la page pour connaître les frais de réservation de Cineplex.

 

«Nous savons tous qu’il faut parfois faire défiler la page pour la voir dans son intégralité. Nous comprenons tous le concept d’une page web lorsque nous interagissons avec elle.»

Me Plumpton a rejeté l’idée que Cineplex ait pratiqué une indication de prix partiel, une pratique communément comprise, selon elle, comme une situation où «un prix est affiché, puis on passe par plusieurs écrans, et enfin… au tout dernier écran, le prix apparaît».

«C’est le cas classique de l’indication de prix partiel», a-t-elle affirmé aux juges.

«Ce n’est pas le cas ici.»

Dissimulation

Jonathan Hood, l'avocat représentant le commissaire à la concurrence, a soutenu que le tribunal avait correctement interprété la loi dans sa décision précédente.

Il a souligné que l’argument de Cineplex «se résume au fait que tout le monde fait défiler la page».

«Ils affirment que tout le monde aurait dû faire défiler la page jusqu’au bas du site web, mais les preuves ont démontré le contraire. Les consommateurs ne font défiler la page que lorsqu’ils ont une raison de le faire», a expliqué Me Hood.

«Et les choix de conception de Cineplex (…) décourageaient le défilement et dissimulaient les frais. Ce sont là des conclusions factuelles.»

Le Bureau a estimé que la décision devrait être maintenue, car Cineplex a annoncé des prix de billets «inatteignables» et n’a pas clairement indiqué qu’un achat en salle entraînerait l’annulation des frais.

Me Hood a affirmé aux juges que la page web de Cineplex consacrée à la vente de billets ne faisait pas la distinction entre les prix des billets achetés au cinéma et ceux achetés en ligne, et n’attirait pas non plus «l’attention des consommateurs sur le fait que les prix pouvaient varier en fonction du moyen utilisé».

«Les consommateurs savent peut-être qu’ils peuvent acheter leurs billets au cinéma, mais ce n’est pas la question qui importe», a-t-il déclaré.

«La question pertinente est de savoir si les consommateurs savent qu’ils ont le choix d’acheter en ligne et de payer des frais supplémentaires ou d’acheter au cinéma sans les payer.»

Amende de 39 millions $

Me Plumpton a également contesté l’amende record de 38,9 millions $ infligée à Cineplex dans cette affaire, affirmant que le montant était «extrêmement disproportionné». Elle a ajouté que cette amende ne tenait pas compte de la mesure dans laquelle Cineplex avait divulgué les frais de réservation à ses clients et proposé des solutions pour les éviter.

«Nous parlons d’un monde dans lequel Cineplex fait face à une amende de 39 millions $ alors qu’elle a affiché le prix total au bas du bandeau avant que quiconque n'ait avancé», a-t-elle martelé.

Me Hood a rétorqué que la sanction aurait pu être encore plus sévère, soulignant que le tribunal avait imposé un tiers de la sanction maximale prévue par la loi.

Il a dit que le tribunal avait limité le montant à la recette provenant des frais de réservation en ligne de Cineplex jusqu’au 31 décembre 2023, même si la société «a continué à faire des déclarations trompeuses pendant au moins neuf mois supplémentaires» jusqu’à ce que le tribunal rende sa décision.

«Le tribunal a appliqué le cadre approprié, a mis en balance les différents facteurs et a fixé un montant afin de garantir que le type de faute commise par Cineplex ne puisse être considéré comme un simple coût lié à l’exercice de ses activités», a ajouté Me Hood.

— Avec des informations de Tara Deschamps à Toronto.

Sammy Hudes

Sammy Hudes

Journaliste