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L'ex PDG de Trans Mountain, Dawn Farrell, dirigera le Bureau des grands projets

Le gouvernement libéral a fait adopter à toute vitesse le projet de loi C-5 au Parlement en juin.

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La présidente-directrice générale de TransAlta, Dawn Farrell, prend la parole lors de l'assemblée générale annuelle de la société à Calgary, le mardi 29 avril 2014. (Larry MacDougal | La Presse canadienne)

Le guichet unique d'Ottawa permettant aux entreprises de présenter leurs plans de grands projets de construction industrielle aura son siège social à Calgary et sera géré par Dawn Farrell, ancienne PDG de Trans Mountain, a annoncé vendredi le cabinet du premier ministre. 

Le Bureau des grands projets s'inscrit dans le plan du premier ministre Mark Carney visant à accélérer le processus d'approbation des grands projets nationaux.

«Nous construisons des ports, des voies ferroviaires et des réseaux d’électricité à un rythme que nous n’avions pas vu depuis des générations – de grands projets qui permettront de libérer le plein potentiel économique du Canada et de bâtir un Canada fort», a déclaré M. Carney sur les réseaux sociaux vendredi.

Le gouvernement libéral a fait adopter à toute vapeur le projet de loi C-5 au Parlement en juin, créant ainsi un cadre pour un nouveau processus d'approbation des projets de grande envergure que le gouvernement juge d'intérêt national et susceptibles de contribuer à la croissance économique, notamment les infrastructures portuaires, énergétiques et routières.

Le projet de loi a suscité la colère de divers groupes autochtones et environnementaux, qui craignent que la nouvelle Loi visant à bâtir le Canada ne restreigne le droit à la consultation et n'entraîne des dommages environnementaux. L'annonce du Bureau vendredi n'a rien fait pour apaiser ces inquiétudes.

«L'ouverture du Bureau des grands projets fédéraux sous couvert d'intérêt national n'est rien d'autre qu'un contournement délibéré de la part du gouvernement de son devoir de consultation et de coopération avec les Premières Nations», a affirmé le grand chef Stewart Phillip, président de l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique.

«Le message du premier ministre ressemble moins à une invitation au partenariat qu'à un ultimatum: embarquez ou laissez-vous faire. Les Premières Nations ne s'opposent pas à un développement responsable ; nous sommes opposées à ce que nos droits inhérents et constitutionnels soient bafoués.»

Janelle Lapointe, conseillère principale à la Fondation David Suzuki, a avancé que le nouveau bureau «investira dans l'économie d'hier plutôt que dans un avenir qui privilégierait les droits des Autochtones, un climat sûr et le bien-être des Canadiens ordinaires».

Mais la décision de l'installer à Calgary, où se trouvent les sièges sociaux de nombreuses sociétés pétrolières et gazières qui envisagent de construire de nouveaux pipelines, semble avoir été une décision politiquement stratégique.

La première ministre de l'Alberta, Danielle Smith, qui a vivement critiqué les politiques d'Ottawa en matière de pétrole et de gaz, a salué l'emplacement et a dit éprouver un profond respect pour Mme Farrell, qu'elle considère comme une proche conseillère.

«Je suis très, très heureuse que le premier ministre et moi ayons quelque chose en commun, qu'il la compte également parmi ses conseillères, a commenté Mme Smith. Elle sera au bon endroit, dans la bonne ville, et fera le bon travail – et j'ai hâte de travailler en étroite collaboration avec elle.»

Un moteur qui tourne au pétrole

Heather Exner-Pirot, experte en énergie et en ressources naturelles au groupe de réflexion de l'Institut Macdonald-Laurier, a indiqué que l'implantation du bureau à Calgary était une surprise, mais qu'elle envoyait un «signal fort».

«Il s'agit évidemment d'une reconnaissance publique, formelle, que la plupart des grands projets au pays proviennent du secteur de l'énergie», a expliqué Mme Exner-Pirot à La Presse Canadienne lors d'une entrevue vendredi.

«Je crois qu'il (le cabinet de M. Carney) pense certainement au moteur de l'économie, le pétrole et le gaz, et que le secteur pétrolier et gazier est la solution la plus facile pour diversifier le commerce, attirer les investissements et accroître notre PIB et notre productivité. De nombreux autres secteurs doivent et peuvent contribuer à cela, mais il ne fait aucun doute que le secteur pétrolier et gazier pourrait y parvenir le plus facilement et le plus rapidement.»

La PDG de la Chambre de commerce du Canada, Candace Laing, a estimé que l'ouverture du bureau montre que le gouvernement procède à une «refonte importante» du système d'approbation des grands projets et que Calgary est un bon choix, car elle est proche de nombreuses entreprises qui participeront au développement de ces projets.

«Nous surveillerons toutefois de près ce système à deux vitesses, qui donnera à certains projets une chance privilégiée, mais exposera tous les autres capitaux à un risque de fuite vers d'autres marchés, a-t-elle prévenu dans un communiqué de presse. Notre objectif doit demeurer résolument la création d'un environnement économique global dans lequel notre politique peut attirer les capitaux et où l'avancement des projets de construction est la norme, et non l'exception.»

La Fédération des chambres de commerce du Québec a estimé que la nouvelle entité constituait une «avancée majeure» et a salué «la volonté de réduire les délais d'approbation pour les projets d'infrastructure de grande envergure».

«Le Bureau des grands projets devra servir de levier stratégique pour rendre notre économie plus compétitive et faciliter l'accès de nos entreprises aux marchés interprovinciaux et internationaux», a souligné Véronique Proulx, présidente-directrice générale de la fédération. «Il faudra s'assurer que le Québec et ses différentes régions en bénéficient pleinement.»

L'Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP) a également salué cette nouvelle, la qualifiant de signal positif pour l'industrie, affirmant qu'il existe des possibilités de développement de projets de gaz naturel liquéfié et d'autres projets pétroliers.

La PDG de l'ACPP, Lisa Baiton, a déclaré que la solide expérience de Mme Farrell dans le secteur de l'énergie fait d'elle une «candidate idéale pour superviser des projets d'infrastructure importants et complexes comportant d'importants aspects réglementaires et de relations avec les parties prenantes, comme la participation des Autochtones».

Critiques politiques

Les adversaires politiques de M. Carney à Ottawa n'ont pas applaudi cette décision. Les conservateurs de l'opposition, qui ont critiqué le premier ministre pour n'avoir pas encore lancé de projets malgré ses mois d'exercice, ont qualifié le BGP de «bureau de bureaucrates».

«Il s'agit simplement d'un autre mécanisme permettant aux libéraux de choisir leurs gagnants et leurs perdants», ont affirmé les conservateurs dans un communiqué.

Le Bloc québécois s'est insurgé contre la nomination de Mme Farrel. «Après avoir déroulé le tapis rouge aux entreprises pétrolières et gazières en se donnant le pouvoir de suspendre les lois et règlements en matière d'environnement avec le projet de loi C-5, le gouvernement libéral met aux commandes du Bureau des grands projets l'ancienne dirigeante du projet Trans Mountain», a écrit Patrick Bonin, porte-parole du Bloc en matière d'Environnement et Changements climatiques, dans une déclaration. 

«Les grands projets fédéraux seront donc entre les mains d'une apôtre des pipelines, ayant dirigé un projet connu pour ses dépassements de coûts de plusieurs milliards. Il y a tout lieu de s'inquiéter pour le Québec et pour l'environnement», a-t-il ajouté. 

Lors de son récent voyage en Europe, M. Carney a déclaré qu'il prévoyait de commencer à faire des annonces concernant les investissements dans les infrastructures portuaires au cours des deux prochaines semaines.

Les prochaines étapes pour le bureau consistent à mettre sur pied un Conseil consultatif autochtone, dont la composition sera confirmée le mois prochain.

Kyle Duggan

Kyle Duggan

Journaliste