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La télé traditionnelle dans une situation difficile, prévient Pierre Karl Péladeau

Il a critiqué la réglementation fédérale qui régit la télévision traditionnelle, mais pas les plateformes en ligne.

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5d131eaa5c2e785f1939287dd0433a8aef222cfec7c54446241eee4948962624.jpg Photo d'archives de Pierre Karl Péladeau, à Montréal, le jeudi 8 mai 2025. PRESSE CANADIENNE/Christopher Katsarov (Christopher Katsarov | La Presse canadienne)

L’ambiance n’était pas au «party» au lancement de la programmation du Groupe TVA, mardi. Le grand patron de Québecor, Pierre Karl Péladeau, a sonné l’alarme sur l’état de l’industrie de la télévision traditionnelle. 

«On n'a peut-être pas les moyens d'avoir des tapis rouges, a concédé M. Péladeau lors du lancement à Montréal. En tout cas, on l’a peut-être déjà eu, mais on n'en a certainement plus.»

En présentant M. Péladeau, le producteur et animateur Charles Lafortune a donné le ton au début de l’événement.

«Quand le télédiffuseur le plus important est obligé de vendre son building, c'est parce qu'il y a péril en la demeure.»
- Charles Lafortun

Le PDG de Québecor a souligné que la télévision généraliste privée perdait des revenus publicitaires et des auditeurs en raison de la concurrence des plateformes de diffusion américaines.

La tarte publicitaire de la télévision généraliste a fondu de 38 % depuis 2011, a souligné l’homme d’affaires. «Ça, c’était dévastateur, certainement.»

L’exode de la télévision câblée fait également perdre des revenus aux chaînes spécialisées. «On a tous, soit des enfants ou des neveux, des nièces d'un certain âge: s'abonner aux câbles, c'est un peu comme "has been"», a dit l’homme d’affaires. 

Si M. Péladeau est attaché à la production culturelle québécoise, il n’en demeure pas moins que Québecor est une société cotée en Bourse qui doit chercher la rentabilité pour ses actionnaires.

Le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) du Groupe TVA est passé de 11,4 millions $ à seulement 1,8 million $ au deuxième trimestre, a rapporté Québecor au début du mois.

«Il y a des limites, parce qu'à un certain moment, si les pertes d'exploitation se comptent par dizaines, par centaines, peu importe le dirigeant, c'est le concept même de direction d'entreprise qui vous oblige à dire: "il faut... Il faut que ça cesse"», a répondu M. Péladeau en entrevue après sa présentation.  

Il a critiqué le cadre réglementaire fédéral qui impose des conditions à la télévision traditionnelle, mais pas aux plateformes en ligne. «Si vous n'êtes pas en mesure d'apprécier correctement ce que la technologie va amener comme modification à vos activités, peut-être que vous êtes mieux d'aller jouer au golf», a-t-il tranché.

Il a aussi répété sa critique de Radio-Canada, financée par le gouvernement fédéral, qui lui fait concurrence dans le marché publicitaire. 

«Si on coupe la publicité sur Radio-Canada, est-ce qu'il va y avoir un transfert complet? Probablement non, mais il va y avoir plus d'espace dans le marché publicitaire pour la télévision privée», a défendu le dirigeant. 

M. Péladeau avait des mots plus tendres pour le ministre québécois de la Culture, Mathieu Lacombe. 

«Moi, j'en ai fait de la politique (avec le Parti québécois), a-t-il rappelé. C’est facile de distinguer ce qui touche quelqu'un véritablement, de ce qui est plutôt sa "job". Je sens chez Mathieu Lacombe une véritable volonté de faire avancer les choses et de protéger notre culture.»

Le ministre a déclaré qu’il était bien conscient des difficultés de l’industrie. «C’est une évidence qu’il faut repenser le modèle de financement de ce secteur pour assurer la survie de notre culture», a-t-il réagi dans une déclaration écrite. 

«C’est aussi une évidence que, dans 10 ou 15 ans, les diffuseurs ne joueront plus du tout le même rôle qu’en ce moment, a-t-il ajouté. Il faut qu’on se penche sur cette question. C’est ce que je fais actuellement et j’aurai besoin de l’aide des diffuseurs aussi pour y arriver.»

M. Péladeau a fait cette mise en garde avant la présentation de la programmation de TVA cet automne et cet hiver. Les artistes se sont succédé pour présenter leurs émissions.

L’homme d’affaires a d’ailleurs mentionné que les contraintes financières de l’industrie rendaient de plus en plus difficile le tournage d’émissions de fictions, plus coûteuses à produire. 

«Peut-être que vous l'avez constaté, mais on a moins de fictions à TVA cette année qu'on en avait précédemment, a-t-il dit aux membres de l’auditoire, qui comptait de nombreux producteurs et acteurs. C'est parce que, vous le savez très bien, une fiction, ce n’est pas le même coût qu'une acquisition (une série américaine traduite).»

Les difficultés de la télévision traditionnelle sont une menace pour la culture québécoise, a plaidé M. Péladeau. «Derrière la télévision, c'est notre culture, c’est notre identité, c’est notre différence. Nous avons tous une responsabilité collective de la protéger.»

Stéphane Rolland

Stéphane Rolland

Journaliste