Les Ukrainiens se sont montrés prudents, mercredi, face au revirement inattendu du président américain Donald Trump quant à leurs chances de vaincre l'invasion russe. M. Trump a déclaré qu'ils pourraient remporter la guerre de trois ans et reprendre les territoires conquis par Moscou.
Des responsables russes, quant à eux, ont soutenu que l'évolution de la situation sur le champ de bataille démontrait l'incapacité de l'Ukraine à reconquérir les territoires occupés et ont rejeté la description de la Russie fournie par M. Trump, qui a qualifié le pays de «tigre de papier».
«La Russie n'est pas un tigre, elle est plutôt associée à un ours, a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Il n'y a pas d'ours de papier. La Russie est un véritable ours.»
Certains Ukrainiens ont exprimé l'espoir que les propos de M. Trump soient confirmés par un soutien concret des États-Unis à l'Ukraine, tandis que d'autres se sont montrés inquiets de l'imprévisibilité du président américain.
«Nous avons besoin d'un tel soutien de la part des États-Unis, de Donald Trump, et nous espérons que cela se poursuivra à l'avenir: la même rhétorique, la même attitude envers nous, envers l'Ukraine et envers la guerre en Ukraine», a soutenu Olha Voronina, une habitante de Kyiv de 66 ans.
Volodymyr Cheslavskyi, un soldat de 48 ans se remettant d'une blessure de guerre, croit plutôt que M. Trump est plus intéressé par l'argent que par l'aide à l'Ukraine. Selon lui, il laisse planer le doute sur ses véritables intentions avec des déclarations contradictoires.
«Il peut dire des choses différentes à chaque fois: il soutient l'Ukraine, ou il ne la soutient pas», a affirmé M. Cheslavskyi à l'Associated Press sur la place Saint-Michel de la capitale ukrainienne.
Anna Khudimova, âgée de 43 ans, dit être convaincue que les forces armées de son pays pourraient l'emporter sur le champ de bataille face à l'armée russe, plus puissante.
«Mais nous ne pouvons y parvenir sans l'aide de l'OTAN, sans le soutien de l'Europe, a-t-elle expliqué. Si Trump influence la situation, alors peut-être que cela peut être réaliste.»
La Russie occupe environ 20 % de l'Ukraine depuis l'annexion de la Crimée en 2014. L'invasion totale a débuté en février 2022.
Une production d'armes commune
Mardi, lors de ses interventions aux Nations Unies et sur les réseaux sociaux, M. Trump a vivement critiqué le leadership du président russe Vladimir Poutine, tenu des propos cinglants sur les prouesses militaires russes et critiqué les performances économiques de ce pays. Il a également suggéré que les pays de l'OTAN abattent les avions de combat russes pénétrant dans leur espace aérien, comme ce fut le cas récemment en Estonie.
Les commentaires de M. Trump marquent un changement inattendu par rapport à ses positions précédentes sur la guerre. Il s'était montré publiquement froid, voire parfois hostile, envers l'Ukraine et apparemment plus conciliant avec M. Poutine.
Après son entrée en fonction en janvier, le président Trump a mis fin à la politique américaine d'isolement de la Russie, menée depuis trois ans, en téléphonant à M. Poutine. Il a également exclu l'idée de l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, a déclaré que le président ukrainien Volodymyr Zelensky devrait négocier un échange de territoires pour un accord de paix avec Moscou et a qualifié le président ukrainien de «dictateur sans élections» sur les réseaux sociaux.
Un haut responsable ukrainien a affirmé que les dernières déclarations de M. Trump étaient inattendues, mais importantes.
«Ce qui compte pour nous, ce ne sont pas seulement les paroles de Trump, mais aussi sa capacité à tenir ses promesses antérieures concernant des sanctions décisives» contre la Russie, a déclaré à l'AP Oleksandr Merezhko, président de la commission de la politique étrangère et de la coopération interparlementaire du Parlement ukrainien.
Les États-Unis et l'Ukraine ont signé plus tôt cette année un accord permettant à Washington l'accès aux minéraux et autres ressources naturelles critiques du pays. Un autre accord est en préparation: une délégation ukrainienne se rendra à Washington la semaine prochaine pour des discussions sur la production commune d'armes, a déclaré mercredi l'ambassadrice d'Ukraine aux États-Unis, Olha Stefanishyna.
L'accord potentiel porte sur la fabrication de drones, un domaine où l'Ukraine est à la pointe des nouvelles technologies. Il a été discuté «en détail» entre MM. Trump et Zelensky mardi, a-t-elle indiqué.
Protéger la sécurité de la Russie
M. Zelensky et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, devaient s'adresser à l'Assemblée générale des Nations unies plus tard mercredi.
M. Trump a déclaré mardi sur les réseaux sociaux: «Avec du temps, de la patience et le soutien financier de l'Europe, et en particulier de l'OTAN, les frontières d'origine de cette guerre sont tout à fait envisageables.»
Les chaînes de télévision d'État russes ont présenté les propos de M. Trump comme faisant partie de ses efforts pour transférer la responsabilité de la gestion du conflit à l'Europe et l'encourager à acheter davantage d'armes américaines.
M. Peskov, porte-parole du Kremlin, a contesté les propos de M. Trump selon lesquels «la Russie combat sans but».
Moscou se bat pour «assurer notre sécurité et nos intérêts et éliminer les causes profondes du conflit entre la Russie et l'Ukraine (…) liées au refus des administrations américaines précédentes et européennes de prendre en compte nos préoccupations», a déclaré M. Peskov, mercredi.
Il a également réfuté les difficultés économiques de la Russie décrites par M. Trump, affirmant que malgré certains problèmes, l'économie russe est restée forte.
Dmitri Medvedev, ancien président russe et vice-président du Conseil de sécurité présidé par M. Poutine, a tourné en dérision les propos de Trump, les qualifiant de «réalité alternative». Il a prédit que M. Trump pourrait bientôt changer d'avis.
