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Historiquement, ces femmes ont été discriminées et «systématiquement invisibilisées», soutient Tara Chanady, directrice du Réseau des lesbiennes du Québec.
Célébrée pour la toute première fois à Montréal en 1982, la Journée de visibilité lesbienne (JVL) vise à mettre de l'avant les enjeux vécus par des femmes lesbiennes et de la diversité sexuelle. Quarante ans plus tard, l'événement a toujours sa raison d'être.
Historiquement, ces femmes ont été discriminées et «systématiquement invisibilisées», soutient Tara Chanady, directrice du Réseau des lesbiennes du Québec (RLQ).
«L’histoire qui nous est enseignée a majoritairement été écrite par des hommes blancs occidentaux, rappelle-t-elle. Comme ce sont des faits qui ont été choisis, on doit reconnaître que cette version de l'histoire n'est pas objective.»
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Ce faisant, les femmes ont été relayées à l'arrière-plan de l'histoire; celles qui étaient homosexuelles, bisexuelles ou trans y occupent une place quasi inexistante, avec pour conséquence des inégalités parfois plus ou moins visibles, qui s'ajoutent à d'autres traitements de défaveur qu'elles subissent en étant simplement des femmes.
«Il y a encore une grande méconnaissance des réalités des femmes lesbiennes, bi, queer; elles sont encore invisibles et il y a une gêne à en parler. C'est important de promouvoir un espace pour célébrer les accomplissements de ces femmes», relève Mme Chanady, qui réfère aussi à une montée d'une certaine idéologie de droite pour réitérer l'importance de la JVL.
Les femmes sont également sous-représentées et mises à l'écart au sein même de la communauté LGBTQ2+.
«C'est toujours important de se visibiliser, de militer pour être acceptées à notre juste valeur, car on ne l'est pas encore complètement», indique Geneviève Labelle, co-porte-parole de la JVL avec sa conjointe et partenaire d'affaires Mélodie Noël Rousseau.
«Avec notre compagnie de théâtre féministe queer [Pleurer dans' douche], on a fait un spectacle qui s'appelle Ciseaux, et on s'est demandé si c'était encore nécessaire d'avoir ces lieux-là [pour la diversité sexuelle] ou bien si la société est devenue plus tolérante, renchérit cette dernière. Malheureusement, il y a encore de grandes inégalités.»
Mmes Labelle et Noël Rousseau savent de quoi elles parlent; artistes drag king, elles ne jouissent pas du même rayonnement que leurs homologues masculins, qui occupent une part d'espace public plus intéressante, entre autres grâce à la médiatisation de cet art, parfois dans la controverse.
La campagne Nommer pour exister, lancée par le RLQ le 8 mars à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, vise d'ailleurs à permettre à celles qui ont été bâillonnées de reprendre la parole et de se réapproprier qui elles sont aux yeux du monde.
«Il y a souvent une connotation péjorative au mot "lesbienne", qui n'est pas attirant pour plusieurs personnes, reconnaît Mme Chanady. Mais pour nous, c'est important de pouvoir nommer. Cela contribue à contrer la honte, de se sentir exister, de se voir apparaître et de valider qui nous sommes.»
La directrice se réjouit de voir de plus en plus de femmes s'afficher sur la place publique; elle fait notamment référence à l'actrice Debbie Lynch-White, à la politicienne Manon Massé et à l'auteure-compositrice-interprète Ariane Moffatt, qui servent d'exemple à d'autres femmes et qui démontrent que le succès est possible pour ces membres de la diversité sexuelle.
En parallèle, d'autres modèles de femmes lesbiennes accaparent un espace médiatique croissant, mais sont «formatées pour plaire au regard masculin et au grand public» sans égard à leur représentativité réelle, déplore Mme Chanady.
«C'est une espèce de paradoxe, de voir une lesbienne avec une valeur d'achat, qui est représentée dans les séries souvent de la même façon: une grande femme, belle, jeune, mince, énumère-t-elle. Ça n'est pas représentatif de toutes les lesbiennes.»
Les co-porte-parole de la journée abondent en ce sens. «La butch, la lesbienne plus masculine, c'est moins accepté, souligne Mme Noël Rousseau. En fait, la féminité masculine est moins acceptée dans les médias et donc, moins montrée.»
Bien que la JVL se tienne annuellement le 26 avril, le RLQ organise ce samedi une fête à l'espace créatif Bain Mathieu, à Montréal, histoire de célébrer la diversité sexuelle chez les femmes. Des panels portant sur différents enjeux vécus par ces femmes et une remise de prix à des activistes ayant contribué à la cause sont prévus.
«C'est important de se célébrer, de se reconnaître et de se rencontrer. C'est un événement qui se veut rassembleur et festif, parce que c'est important la joie queer», relève Mme Noël Rousseau, qui animera la soirée avec sa conjointe sous les traits de leur alter ego drag king.
L'organisme en profitera pour lancer son livre Archives lesbiennes, qui raconte l’histoire de «celles qui aiment les femmes et qui ont façonné la société québécoise dans l’ombre».
«L'histoire des femmes a été écrite majoritairement par les hommes, invisibilisant plusieurs récits et perspectives. Il était temps pour nous d'écrire la nôtre, celle des femmes pionnières de la diversité sexuelle qui demeurent souvent dans l'ombre, malgré des efforts surhumains et des initiatives lumineuses, explique Mme Chanady. Cette anthologie non exhaustive souhaite revisiter l'histoire de celles qui l'ont marquée à travers nos archives lesbiennes, d'hier à aujourd'hui ».