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Au début du mois, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé la fin de l'urgence sanitaire planétaire liée à la COVID-19, mais la pandémie est toujours bien active et le SRAS-CoV-2 continue de faire des victimes.
«Ils n'ont pas annoncé la fin de la pandémie! C'est très long avant d'annoncer la fin d'une pandémie. On n'a qu'à penser à la pandémie du SIDA. Il n'y a pas de fin annoncée et pourtant on contrôle quand même un certain nombre d'aspects», rappelle la professeure au département de biochimie et médecine moléculaire de l'Université de Montréal Nathalie Grandvaux.
À son avis, il plane actuellement une certaine confusion dans la perception du public par rapport à la circulation du coronavirus. Elle attribue cette méprise à un manque d'information et aussi à l'effet de la fin des mises à jour quotidiennes.
«Les gens se sont habitués à ça (les bilans), c'est une très bonne chose, mais à partir du moment où on a cessé de le faire, je pense que dans l'opinion publique ça veut dire qu'il n'y a plus de virus, plus d'hospitalisations et plus de décès», observe-t-elle.
Évidemment, la réalité est tout autre. Au cours des quatre premiers mois de 2023, ce sont 3804 patients qui ont été hospitalisés au Québec en raison de la COVID-19. Parmi eux, 257 ont été admis dans une unité de soins intensifs.
Ces données tirées du portail web de l'Institut national de santé publique (INSPQ) révèlent aussi que 835 décès ont été attribués au virus au cours de la même période.
La tendance se poursuit depuis le début du mois. Au cours des 15 premiers jours de mai, ce sont 236 patients qui ont été hospitalisés en raison de la COVID-19, dont huit aux soins intensifs.
Dans un communiqué publié le mois dernier, le Réseau canadien de réponse rapide aux variants du coronavirus (CoVaRR-Net) constatait que «le nombre de cas de COVID-19 et le taux d’occupation des hôpitaux au Canada se maintiennent à un niveau élevé» depuis l'automne dernier.
Ces experts soulignaient qu'une telle mobilisation des ressources entraîne des impacts sur l'efficacité des réseaux de santé ainsi que sur l'économie du pays.
Le Dr Gaston De Serres, médecin-épidémiologiste à l’INSPQ, ajoute que même si les cas sont moins lourds, plus il y a de patients infectés par le virus, plus la tâche des soignants se complique. Le personnel se voit forcé d'isoler ces patients et d'enfiler l'équipement de protection individuel.
Sur le terrain, des médecins interrogés par La Presse Canadienne signalent que, malgré les données officielles, la situation est plutôt calme. À tel point que le professeur de la faculté de médecine de l'Université McGill, le Dr Karl Weiss, remet en question la manière dont sont colligées les données.
«La COVID pour nous, ça n'existe quasiment plus, résume-t-il. Il y a malheureusement des cas exceptionnels qui décèdent de la COVID, mais ce sont des gens très malades.» Selon lui, les personnes qui succombent au coronavirus aujourd’hui sont les mêmes qui auraient été terrassées par l’influenza, un streptocoque ou tout autre virus ou bactérie.
«Des gens de 60 ans ou 70 ans en relative bonne santé qui sont hospitalisés en raison de la COVID, il n'y en a plus», ajoute celui qui est aussi président de l'Association des médecins microbiologistes infectiologues du Québec.
À la Cité de la santé, à Laval, le Dr Joseph Dahine partage les mêmes constats. Le médecin intensiviste affirme ne voir que de rares patients être emmenés dans son unité en raison de la COVID-19. D’après l’INSPQ, il n’y aurait eu qu’une seule hospitalisation aux soins intensifs à Laval pour le mois d’avril et aucune dans les deux premières semaines de mai.
Malgré cette accalmie, le Dr Weiss demeure réaliste, «on ne verra pas la fin de la COVID de notre vivant», prédit-il. Cependant, il ne s’attend pas à ce que les futurs variants soient plus mortels. «Le virus s’est très bien adapté à l’espèce humaine, il n’a pas d’intérêt épidémiologique de changer», analyse le médecin qui œuvre à l’Hôpital général juif à Montréal.
D'après les travaux menés par le groupe d'experts du CoVaRR-Net, la qualité de la ventilation dans les espaces intérieurs serait l'un des éléments qui pourraient contribuer grandement à réduire la transmission du virus.
On estime que «si la moitié des environnements achalandés amélioraient la ventilation, réduisant ainsi de moitié le risque de transmission dans ces lieux», on parviendrait à réduire de 40 % le nombre de cas d'infection au Canada.
À cela, la professeure Nathalie Grandvaux ajoute que la population doit absolument adopter l'étiquette respiratoire dans ses habitudes de vie. Cela signifie notamment de porter un masque lorsque l'on éprouve des symptômes d'infection respiratoire comme la fièvre, la toux, de l'écoulement nasal ou de la congestion.
«Ça ne veut pas dire de le porter tout le temps partout, mais quand on est en présence d'autres personnes ou que l'on visite des personnes plus vulnérables», précise-t-elle.
Tout comme ses collègues du CoVaRR-Net, Mme Grandvaux considère qu'on a atteint un plateau qui maintient le nombre d'infections à un niveau élevé. Une tendance qui ne semble pas s'essouffler.