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Une grande majorité des professionnelles en soins au Québec - infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques - juge que leur charge de travail est déraisonnable ce qui les oblige «à couper court» et «à ne pas donner tous les soins dont les patients ont besoin.
C'est ce qui ressort d'un sondage mené par la firme SOM auprès de plus de 9 660 membres de la Fédération interprofessionnelles de la santé du Québec (FIQ) - qui en compte plus de 80 000 - entre le 5 et le 23 juin dernier et dont les résultats ont été dévoilés mercredi.
Par exemple, selon les réponses au sondage, les professionnelles en soins auraient été en mesure de faire seulement 65 % des prélèvements correctement entre le 5 et le 23 juin. «Ça peut vouloir dire une prise de sang omise. Ainsi, nous sommes incapables de déterminer si vous avez un problème aux reins», précise-t-on dans un communiqué acheminé aux médias.
Voyez le reportage de Laurence Royer dans la vidéo liée à l'article.
Également, seulement 53 % des professionnelles en soins disent être capables d’évaluer leurs patients correctement, à l’intérieur de la charge de travail qui leur est imposée alors que l’évaluation est «l’acte central le plus important des professionnelles en soins», selon la FIQ.
Finalement, à peine 33 % des répondantes ont été capables de préparer le départ de l’établissement avec le patient et ses proches, par exemple.
«Toutes ces omissions, causées par une charge de travail démesurée, ont un réel coût humain et financier. Ce sont des patients plus malades, plus longtemps, et plus de professionnelles en soins démoralisées parce qu’elles ne sont pas capables d’agir comme elles le devraient », précise Mme Bouchard.
Selon Julie Bouchard, la seule solution durable à ces problèmes est de légiférer sur des ratios professionnelles en soins/patients «et s’y tenir».
«Poursuivre sur la voie actuelle, c’est se vouer à l’échec. Les professionnelles en soins n’en peuvent plus et si on continue de toujours leur en demander plus, elles vont simplement aller faire autre chose. Qui pourra les blâmer?», souligne-t-elle.
«Ce qu’on vit, ce n’est pas une pénurie de main-d’œuvre, c’est un sauve-qui-peut causé par des conditions de travail exécrables.» - Julie Bouchard, présidente de la FIQ.
Le sondage SOM mené pour la FIQ met d'ailleurs en lumière des problèmes liés «au non-remplacement du personnel absent».
Entre le 5 et le 23 juin dernier, 66% des professionnelles en soins ont affirmé que, durant leur quart de travail, il y avait du personnel absent sur leur unité et que celui-ci n’avait pas été remplacé dans une proportion de 67 %.
La présidente de la FIQ est d'avis que les ratios professionnelles en soins/patients vont freiner le départ des jeunes professionnelles, vont permettre à certaines professionnelles en arrêt de travail pour épuisement de revenir à la tâche, «sans craindre de repartir et vont retenir des professionnelles plus avancées en âge, «alors qu’actuellement elles se précipitent vers la retraite».
Julie Bouchard croit également que l'implantation des ratios va «changer l'image du réseau public» et va «recommencer à attirer des jeunes qui cherchent une profession en soins de santé».
Les chiffres concernant la portion du sondage sur «l'intention de quitter la profession» indiquent que plus de deux participantes sur cinq (42 %) disent vouloir quitter la profession à court ou long terme.
Les trois principales raisons évoquées sont la surcharge de travail, la rémunération insuffisante et le manque de reconnaissance au travail.
Concernant le dossier de la charge de travail, la FIQ a récemment gagné un grief qu'elle avait déposé pour une infirmière qui a dû travailler durant 31 heures sur 39, en deux endroits différents, notamment à l'urgence.
Le Tribunal d'arbitrage a statué que son employeur, un Centre intégré de santé et de services sociaux, avait pris une décision «abusive et déraisonnable» en imposant à cette infirmière de faire du TSO, des heures supplémentaires obligatoires, alors qu'elle l'avait informé qu'elle n'était pas en état, qu'elle avait déjà travaillé durant plusieurs heures et qu'elle était trop fatiguée. L'infirmière a fait de la vaccination contre la COVID-19 dans une pharmacie, en plus de travailler à l'urgence. En plus d'accueillir le grief, l'arbitre ordonne à l'employeur de «cesser toute pratique similaire» et de «compenser (l'infirmière) pour les préjudices subis».
La Fédération interprofessionnelle de la santé interpelait récemment le gouvernement du Québec afin de dénoncer, comme d'autres syndicats, la fin de certaines primes versées aux infirmières.
Pour la FIQ il s'agit d'une mauvaise décision alors que le système de santé est frappé par une importante démotivation et désaffection du personnel.
Selon son évaluation, le personnel infirmier qui sera touché par la fin de ces primes, le 30 septembre, perdra jusqu'à 7,5 % pour le quart de soir, 6 % pour le quart de nuit et 3,5 % pour le quart de jour.
Les membres de la FIQ - tout comme d'autres employés du secteur public en santé et en éducation - sont actuellement en négociation pour leur convention collective, des négociations qui durent depuis plusieurs mois.
En plus de la rémunération, la FIQ a formulé plusieurs demandes touchant principalement la conciliation travail-vie personnelle et le fardeau de tâches. Outre les rations professionnelles en soins/patient, elle revendique notamment que le recours au travail en heures supplémentaires ne soit que volontaire, sauf s'il s'agit d'une situation urgente ou exceptionnelle.
Les membres de la FIQ ont un plan d'action en main advenant l'échec des négociations avec Québec. Divers moyens de pression ont déjà été mis de l'avant, dont le port de t-shirt et l'affichage de banderoles liés à la négociation et dernière, une manifestation au centre-ville de Montréal, à l'heure de pointe.
Le 8 septembre dernier, dans le cadre du caucus présessionnel de la Coalition avenir Québec (CAQ) à Saguenay, le premier ministre, François Legault, s'est montré «inquiet» des spectres de grève qui planent au-dessus des secteurs de la santé et de l'éducation.
«Je vous le dis, j’ai quand même quelques inquiétudes sur les perturbations annoncées par certains syndicats qui vont avoir le droit de grève à la fin septembre», avait-il alors révélé.