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La Caisse de dépôt investit 3,2 G$ dans une centrale nucléaire au Royaume-Uni

L’annonce a été accueillie avec surprise.

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La Caisse de dépôt investit 3,2 G$ dans une centrale nucléaire au Royaume-Uni La Caisse de dépôt investit 3,2 G$ dans une centrale nucléaire au Royaume-Uni

La Caisse de dépôt et placement du Québec fait son premier investissement direct dans une centrale nucléaire. Elle met l’équivalent de 3,2 milliards $ dans le projet de centrale nucléaire Sizewell C au Royaume-Uni.

La stratégie d’investissement de la Caisse fait une grande place aux énergies renouvelables, mais l’institution n’avait jamais fait un investissement direct dans une centrale nucléaire, note son premier vice-président et chef des Infrastructures, Emmanuel Jaclot, en entrevue.

«Beaucoup d'études montrent qu'on va avoir besoin du nucléaire, si on veut atteindre la carboneutralité en 2050 au niveau mondial.»
-Emmanuel Jaclot, premier vice-président et chef des Infrastructures de la CDPQ

Le Royaume-Uni serait un endroit de choix pour faire ce premier pas, selon lui. «On s'est concentré sur le Royaume-Uni, parce qu'il y avait un cadre qui était assez protecteur pour les investisseurs, tels que la Caisse.»

L’investissement de 1,7 milliard $ de livres sterling représente une participation de 20% dans le projet d’une capacité de 3,2 GW qui fournira de l’électricité pour une durée de 60 ans vers la fin des années 2030.

La centrale Sizewell C permettrait de réduire la dépendance du Royaume-Uni aux hydrocarbures et de diminuer de 9 millions de tonnes les émissions de carbone, annuellement.

La Caisse est le deuxième investisseur en importance après le gouvernement britannique, le principal actionnaire à 44,9%. Parmi les actionnaires, on compte également la société française EDF, la multinationale britannique Centrica et Amber Infrastructure.

L’annonce a été accueillie avec surprise tandis que la société canadienne Brookfield était pressentie comme partenaire principal du gouvernement britannique.

Le projet évoque une renaissance du nucléaire en Europe tandis qu’on tente de décarboner l’économie et qu’on cherche des solutions de rechange aux hydrocarbures russes dans la foulée du conflit en Ukraine.

Le Royaume-Uni ne peut pas s’appuyer sur l’hydroélectricité comme au Québec. Le solaire et l’éolien peuvent complémenter le bouquet énergétique, mais leur production varie selon les conditions météorologiques. Le nucléaire offre une production de base plus constante.

Une protection contre les dépassements de coûts

À Londres, le projet a toutefois été critiqué pour ses dépassements de coûts. La facture est maintenant estimée à 38 milliards de livres sterling, tandis que la précédente estimation était de 20 milliards de livres sterling.

M. Jaclot se dit bien conscient que les projets de centrales nucléaires ont un historique de dépassement de coûts. «C’est évidemment quelque chose qu'on avait (en tête) quand on réfléchissait à ça.»

Le modèle de partage de risque permet de réduire l’exposition de la Caisse en cas de pépin, explique le chef des Infrastructures.

L’institution recevra une rémunération «dès le jour 1» durant la phase de construction. Cette rémunération pourrait être plus élevée, si le projet est livré plus tôt, ou plus basse en cas de retard.

«Il y a une espèce de structure qui fait que, si jamais c’est très en retard et bien plus cher, on sera protégé par le gouvernement britannique», assure le dirigeant.

Sizewell C serait également construite à partir des plans d’une centrale existante, ce qui viendrait réduire les risques dans la conception. «Il y a beaucoup d’apprentissages qui vont être intégrés au projet», ajoute M. Jaclot.

La Caisse a l’intention d’investir 8 milliards de livres sterling au cours des cinq prochaines années au Royaume-Uni, ce qui augmenterait ses investissements dans ce pays de 50%.

Le bas de laine des Québécois a également fait connaître récemment son intention d’investir 400 milliards $ dans des entreprises qui décarbonent leurs activités ainsi que dans des solutions climatiques.

Les environnementalistes sont divisés sur l’énergie nucléaire. Elle offre une solution de rechange aux hydrocarbures pour réduire les émissions de CO2, mais elle produit des déchets radioactifs devant être gérés sur de nombreuses années.

M. Jaclot s’est dit conscient que la production d’énergie nucléaire venait «avec un certain nombre de risques et d'enjeux réputationnels potentiels». «On a vraiment essayé de régler chacun des enjeux qu'il peut y avoir autour du programme nucléaire. On a réussi à travers les négociations avec le gouvernement à éliminer la plupart de ces risques-là.»

Stéphane Rolland

Stéphane Rolland

Journaliste