Composant avec une équipe réduite et à bout de souffle, le service d’obstétrique de l’Hôpital de Saint-Eustache, dans les Laurentides, se dirige vers un autre bris de service dimanche et lundi prochain — le premier étant survenu en août dernier —, forçant la fermeture temporaire de la salle d’accouchement.
L’équipe du service d’obstétrique-gynécologie de l’Hôpital de Saint-Eustache — qui s’occupe notamment des grossesses à risques et des urgences — travaille avec un effectif réduit depuis août 2024. Depuis, l’établissement possède huit postes de gynécologues obstétriciens, mais ils sont actuellement comblés avec trois postes à temps plein; une situation jugée intenable.
«On a eu plusieurs épreuves à traverser, dont des départs de collègues, de la maladie, etc. Des aléas de la vie, un peu pour tout le monde, et tranquillement, il y a un effet domino qui s’est installé. Vous savez, on fait des gardes le soir et la nuit et il y a toujours des limites de ce qu’on peut faire dans une semaine.», a confié la Dre Isabelle Lambert à Noovo Info.
Depuis le bris de service du mois d’août 2024, aucune solution pérenne n’a été mise en place à l’Hôpital de Saint-Eustache si bien qu’un autre bris de service est prévu dimanche et lundi qui vient et que l’équipe envisage également d’être obligée de fermer la salle d’accouchement les 23 et 24 novembre prochain.
Un plan de contingence a été mis en place, redirigeant les patientes vers les hôpitaux avoisinants, «qui sont eux-mêmes confrontés à un manque de personnel».
La situation est telle que la Dre Isabelle Lambert, cheffe du département de gynécologie et obstétrique du CISSS des Laurentides — également cheffe du service à Saint-Eustache — a remis sa démission le 10 novembre dernier.
«Mon message c’est qu’on a toujours travaillé dans un esprit de collaboration, cependant, je n’ai pas eu l’émotion, de mon côté, que la détresse était entendue à sa juste valeur dans l’organisation urgente d’un plan de contingence qui incluait une fermeture obligatoire de la salle d’accouchement», a expliqué la Dre Lambert.
«On s’inquiète beaucoup pour notre clientèle, on veut un message clair, transparent. On veut que les patientes sachent où consulter, quand le faire. Avec les dernières semaines, le bris qui arrivait, ça n’allait pas à la vitesse que j’avais espéré […] et c’était rendu difficile pour mois d’endosser un peu comment ça se passe…», a-t-elle renchérit en ajoutant qu’avec seulement trois gynécologues à temps plein à Saint-Eustache, elle préférait se concentrer sur sa pratique individuelle.
La Dre Isabelle Lambert a aussi rappelé que la décision d’instaurer un bris de service — une décision qui touche aussi les médecins, mais l’ensemble du personnel dont les infirmières, les préposées aux bénéficiaires, les agentes, les gestionnaires, etc — est prise pour assurer la sécurité de la clientèle.
«Les bris existent pour leur propre sécurité. Quand ils se présentent à St-Eustache, ils ont une équipe en forme, présente pour eux, non seulement pour la qualité des soins, mais aussi pour l’humanité», a-t-elle affirmé.
Si des solutions ont déjà été mise de l’avant pour freiner l’épuisement au sein du service d’obstétrique-gynécologie de l’Hôpital de Saint-Eustache, comme des ententes avec d’autres hôpitaux, la demande d’une IPS et une réorganisation du service pour optimiser la performance, d’autres solutions devront être réfléchies afin que la situation redevienne vivable pour les travailleurs et travailleurs.
Effort de recrutement
Au CISSS des Laurentides, on a affirmé à Noovo Info que des efforts de recrutement «intensifs et soutenus» ont été mis en place tout comme «différentes mesures de réorganisations» et des ententes d’aide avec d’autres établissements pour soutenir l’équipe du service d’obstétrique-gynécologie de l’Hôpital de Saint-Eustache.
Pour les femmes enceintes qui pourraient être touchées par le bris de service, le CISSS des Laurentides les réfères à l’unité des naissances où elles seront orientées vers la meilleures alternative dans leur situation.
«Lors de l’appel, la condition de chaque femme sera évaluée par une infirmière spécialisée en obstétrique. À la suite de l’évaluation téléphonique par l’infirmière, les femmes enceintes pourront être orientées vers les unités des naissances des centres hospitaliers à proximité ou vers le service de santé adapté à leur besoin», a-t-on précisé.
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Une réflexion pour l’ensemble du Québec
La pénurie de personnel en obstétrique et gynécologie ne date pas d’hier. Si elle se faisait surtout sentir en région dans les dernières années, le problème s’est déplacé vers les centres urbains.
«Les régions comptaient sur les centres urbains, avec de plus grosses équipes, pour aller faire du dépannage et du remplacement. Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est qu’actuellement, les ressources sont manquantes même dans les centres urbains où il y a plus de ressources», a expliqué à Noovo Info le Dr Dominique Tremblay, président de l’Association des obstétriciens et gynécologues du Québec (AOGQ).
Le Dr Tremblay déplore également la présence d’une mauvaise utilisation des ressources à l’heure actuelle au Québec dans le domaine de l’obstétrique et la gynécologie.
«Des hôpitaux ferment parfois leur salle d’accouchement en raison d’un manque d’infirmières et ces hôpitaux demandent quand même qu’on leur envoie des médecins, même si les salles sont fermées. C’est une très mauvaise utilisation des ressources qui sont actuellement rares. Il y a des questions à se poser sur l’organisation des services dans la province», a estimé le Dr Tremblay qui croit que les responsabilités du dossier revient au ministère de la Santé.
Le Dr Dominique Tremblay est par ailleurs d’avis que la situation au sein des services d’obstétrique et de gynécologie n’ira pas nécessairement en s’améliorant alors qu’il manque actuellement une cinquantaine de ses spécialistes au Québec - selon les postes disponibles - et que ce manque à gagner ne réflètent pas les besoins pour une couverture optimale des soins de santé de la femme au Québec.
«On forme environ 18 spécialistes par année, il y a des gens qui partent à la retraite, et ça prend environ 10 ans à former un médecin spécialiste en gynécologie-obstétrique, on est d’avoir résolu le problème», a-t-il déploré.
Le Dr Tremblay souligne que le milieu fait aussi face à un deuxième problème: une pénurie, depuis 10 ans, d’infirmières spécialisées en périnatalité, «qui ne sera pas régler non plus par la mise en place de gynécologues».
«Il y a des questions organisationnelles ou une révisions de l’offre de services en obstérique sur l’ensemble de la province qui doit être faite de façon sérieuse et urgente», a-t-il conclu.
