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Des résidents craignent désormais pour la valeur de leur propriété ou leur capacité d’assurer leur maison.
Il y a deux fois plus de résidences situées en zones inondables qu'auparavant dans le Grand Montréal, de sorte qu'il faudrait bonifier le régime d’indemnisation et le programme de relocalisation pour de nombreux résidents impactés par l’élargissement de ces zones, a recommandé la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) lundi.
Selon le ministère de l’Environnement, trois fois plus de Québécois vivraient désormais en zone à risque d’être inondée, d'après la nouvelle façon de cartographier les zones inondables en date de juin dernier. Voilà qui suscite une grande inquiétude citoyenne. À Pierrefonds et à Vaudreuil-Dorion, en Montérégie, les maires auraient été bombardés de questions dans les derniers mois, selon la CMM.
Selon les calculs de la CMM, ce serait deux fois plus de bâtiments qui seraient en zone inondable dans le Grand Montréal. La valeur foncière des 15 508 bâtiments dans les zones inondables selon la nouvelle cartographie s’élèverait à 9,9 milliards $, mais des résidents de Pierrefonds et de Vaudreuil-Dorion, ou encore de Sainte-Marthe-sur-le-Lac et de Pointe-Calumet dans les Laurentides, craignent désormais pour la valeur de leur propriété ainsi que pour leur capacité de contracter une hypothèque ou d’assurer leur maison.
D’où la proposition de la CMM de bonifier l’aide aux résidents affectés par la nouvelle cartographie derrière des ouvrages de protection contre les inondations (OPI), mais pas que cela. On veut, entre autres, permettre la reconstruction résiliente selon les secteurs – car, autrement, rares seront les prêteurs qui voudront prêter de l’argent pour la reconstruction immobilière.
«Vaudreuil-Dorion, c’était quasiment nos élèves parfaits avant, il n’y avait pas de maison en zone inondable (…), mais les nouvelles cotes font en sorte qu’il y a vraiment un agrandissement important chez eux», a expliqué Nicolas Milot, directeur par intérim de la transition écologique et de l'innovation à la CMM, lors d’une séance d'information technique destinée aux médias vendredi dernier. À Pointe-Calumet, dans les Laurentides, c’est presque tout le territoire qui serait considéré comme une zone inondable avec la nouvelle réglementation.
Définition d'un ouvrage de protection contre les inondations (OPI): un ouvrage qui a été construit ou modifié afin de limiter l’expansion naturelle des eaux d’un lac ou d’un cours d’eau, de prévenir les inondations et d’accroître la sécurité des personnes et la protection des biens. Source: Ministère de l'Environnement
En observant la classification actuelle du ministère de l’Environnement, CMM déplore que les autorités ne traitent pas différemment le risque réel des localités situées derrière des OPI, ce qui concerne le lac des Deux Montagnes – où se trouvent les municipalités riveraines de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, Pointe-Calumet et Vaudreuil-Dorion –, la rivière des Prairies (Pierrefonds) et la rivière des Mille-Îles. En résumé, la CMM demande la création d’une cartographie plus personnalisée pour ces zones à risques, notamment en identifiant des zones «protégées» et «de précaution» par une désignation propre.
«Un nouveau cadre réglementaire est essentiel, mais celui-ci doit être modifié afin de nous donner plus de souplesse dans son application et d'assurer une cohérence avec la réalité du terrain», a commenté Denis Martin, maire de Deux-Montagnes, une autre municipalité affectée par l'élargissement des zones inondables dans le Grand Montréal. «Il doit permettre de maintenir le dynamisme des secteurs à risque avec des aménagements adaptés, plus résilients, tout en limitant les impacts sur la population.»
Le maire de Vaudreuil-Dorion va plus loin: le système imposé par le ministère de l'Environnement est tout simplement «aberrant», selon Guy Pilon.
Et pour la mairesse de Pointe-Calumet, Sonia Fontaine, il est «inconcevable d’avoir fait autant d’investissements» et que les OPI ne soient pas «reconnus».
«C’est beaucoup d’habitations qui vont perdre de la valeur», a souligné Mme Fontaine auprès de Noovo Info. «Ici, on considère presque ça comme une expropriation sur plusieurs années.»
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C’est ce que la CMM a demandé lors du dépôt de son mémoire sur la consultation publique conduite sur la modernisation du cadre réglementaire dans ces secteurs, lundi à Montréal.
Ces consultations publiques ont été lancées après la mise à jour de la cartographie des zones inondables, qui a pris en compte les événements de crues importantes des eaux en 2017, en 2019 et en 2023, ainsi que de l’incertitude liée aux changements climatiques
La CMM reproche à Québec le timing de ces consultations. Elle est d’avis qu’il aurait fallu publier les nouvelles cartes avant de demander l’avis de la population. C’est en partie pour cette raison qu’elle a décidé de mettre en ligne les cartes préliminaires lundi matin.
La CMM veut ainsi ouvrir la discussion et pousser le gouvernement à «sortir de ses bureaux» et «aller à la rencontre de la population» pour répondre aux préoccupations des citoyens, a expliqué Nicolas Milot.
«Il y a une inquiétude citoyenne immense» face à cette nouvelle réglementation et «tout l’été, les maires ont été assaillis de questions des citoyens», mais «ces élus avaient aussi une incompréhension de la situation», a renchéri celui qui est responsable de l'équipe de gestion des risques d'inondation à la CMM. «Je pense que le gouvernement doit aller à la rencontre des citoyens, être présent en support aux élus des municipalités qui rencontrent la population, et leur expliquer le mieux possible l’effet du règlement sur le territoire», a-t-il ajouté.
En 2017, la crue des eaux a forcé l’évacuation de plus de 4000 personnes et touché 293 municipalités du Québec.
En 2019, plus de 10 000 personnes dans 240 municipalités ont été évacuées en raison d’inondations alors que des milliers de résidences ont été inondées.
Au printemps 2023, à Baie-Saint-Paul et à Saint-Urbain, dans Charlevoix, près de 300 propriétés ont été touchées par les inondations.
Le gouvernement estime qu’à elles seules, les inondations de 2017 et de 2019 ont coûté plus d’un milliard de dollars à l’État.
Et c'est sans compter les dommages de la tempête Debby qui a passé sur le Québec cet été. Les vestiges de l'ouragan qui ont entraîné des inondations majeures au Québec sont devenus «l'événement climatique le plus coûteux de l'histoire du Québec», surpassant même la tempête de verglas de 1998, indique vendredi le Bureau d'assurance du Canada.
Les dégâts ont ainsi coûté 2,5 milliards $ en dommages assurés. Et il ne s'agit que d'une estimation préliminaire, ajoute le BAC dans un communiqué.
Les restes de l'ouragan Debby avaient frappé le sud du Québec les 9 et 10 août dernier, affectant des résidences, des entreprises et des véhicules.
Avec de l'information de Stéphane Blais et de Lia Lévesque pour La Presse canadienne.