Honda a reporté un projet de véhicules électriques de 15 milliards $ en Ontario, invoquant la demande du marché, et transfère une partie de la production de son populaire modèle CR-V, destiné au marché américain, vers son usine de l'Ohio en raison des droits de douane.
L'arrêt des investissements constitue de loin le plus important retard de projet à ce jour au Canada, alors que les perspectives de croissance des véhicules électriques s'assombrissent.
Lors d'une conférence de presse sur les résultats trimestriels mardi au Japon, le directeur général Toshihiro Mibe a indiqué que l'entreprise examinerait la situation du marché des véhicules électriques dans deux ans avant de décider de poursuivre ou non le projet.
«Ce qui se passera après deux ans et le lancement du projet, nous devrons observer la situation et prendre une décision finale», a-t-il déclaré, selon une traduction de ses propos.
S'il a cité la demande de véhicules électriques comme raison du report, il a ajouté que la décision de l'entreprise de transférer la production du CR-V aux États-Unis était une conséquence plus immédiate des droits de douane.
«Il est possible d'accroître la capacité de production aux États-Unis, et nous étudions ce qui en résulterait, a expliqué M. Mibe. À moyen terme, si les mesures tarifaires doivent perdurer, nous devrons accroître notre capacité de production aux États-Unis.»
Honda était le deuxième constructeur automobile au Canada l'an dernier, avec une production d'environ 420 000 véhicules, et le CR-V représente près de la moitié de ce total.
Pas de réduction de la production et des emplois
Le porte-parole de Honda Canada, Ken Chiu, a toutefois indiqué que l'entreprise n'envisageait pas de réduire sa production globale ni ses emplois au Canada, et qu'elle modifiait plutôt la destination des véhicules en fonction des tarifs douaniers.
«En fait, nous échangeons les destinations d'exportation d'une petite partie des CR-V entre nos usines», a-t-il expliqué par courriel.
Il a ajouté que la décision de reporter le projet de véhicules électriques, qui comprendrait une usine de batteries, une chaîne de montage modernisée et deux autres usines, n'a aucune incidence sur les 4200 personnes qui travaillent actuellement à l'usine Honda d'Alliston, en Ontario.
Cette décision intervient alors même que les ventes de véhicules électriques continuent de croître et de gagner des parts de marché. Au Canada, les véhicules zéro émission, y compris les hybrides, ont représenté 15,4 % des ventes l'an dernier, contre 10,7 % un an plus tôt. Les véhicules entièrement électriques ont représenté 11,4 % des ventes.
Aux États-Unis, les ventes de véhicules électriques ont augmenté de 7,3 % en 2024 par rapport à l'année précédente et ont représenté 8,1 % des ventes totales, selon Cox Automotive. L'entreprise prévoit qu'un véhicule sur quatre vendu cette année sera probablement électrifié d'une manière ou d'une autre.
Cependant, malgré sa croissance, la demande n'a pas répondu à certaines attentes, ce qui a entraîné des engagements de dépenses de plus de 46 milliards $ au Canada depuis la fin de 2020.
Les coûts supplémentaires et l'incertitude liés aux droits de douane imposés par le président américain Donald Trump, ainsi que ses efforts pour démanteler le financement et le soutien à l'adoption des véhicules électriques aux États-Unis, ajoutent aux défis.
Les pressions exercées par l'industrie ont poussé de nombreux constructeurs automobiles à renoncer à leurs projets de véhicules électriques, avant même l'élection de Donald Trump.
L'année dernière, Ford Motor Co. a retardé la production d'un VUS électrique à son usine d'Oakville, en Ontario, et Umicore a annoncé avoir suspendu les investissements dans une usine de matériaux pour batteries de 2,8 milliards $ dans l'est de l'Ontario.
L'avenir du projet de batteries de Northvolt au Québec est également incertain après la faillite de la société mère en Suède en mars.
Le mois dernier, GM a mis à pied temporairement des centaines de travailleurs à son usine d'Ingersoll, en Ontario, qui produit un véhicule de livraison électrique, car celui-ci ne se vend pas aussi bien qu'espéré.
La décision de Honda, qui a affecté des projets qui devaient créer 1000 emplois, est intervenue alors que l'entreprise annonçait une baisse de ses bénéfices et s'attendre à d'autres en raison des droits de douane. L'entreprise a déclaré que les droits de douane imposés par Donald Trump devraient réduire son bénéfice d'exploitation de 4,4 milliards $ US pour cet exercice, en grande partie en raison de l'importation massive de véhicules du Canada et du Mexique aux États-Unis.
Doug Ford se veut rassurant
Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, a expliqué que Honda lui avait assuré son engagement envers le projet de véhicules électriques.
«J'ai parlé à Honda, et ils nous ont promis de poursuivre leur expansion», a déclaré M. Ford lors d'un événement à Pickering, en Ontario.
Il a dit avoir bon espoir que le premier ministre Mark Carney parviendrait à conclure un accord commercial avec M. Trump afin de créer une relation mutuellement enrichissante, qui se développe depuis le premier accord automobile il y a une soixantaine d'années.
Le ralentissement du développement des véhicules électriques témoigne de la pression croissante exercée par les droits de douane, a expliqué Flavio Volpe, président de l'Association des fabricants de pièces automobiles.
Il a ajouté que l'engagement de Honda l'an dernier représentait un vote de confiance massif envers la base d'approvisionnement canadienne et qu'il espère qu'il se concrétisera.
«Nous espérons trouver une solution pour le Canada qui rétablira la confiance envers les projets ambitieux. Depuis 40 ans, l'ensemble du secteur automobile canadien bénéficie grandement de l'engagement continu de Honda», a indiqué M. Volpe.
Le projet a été annoncé pour la première fois en avril 2024 lors d'un événement auquel participaient le premier ministre de l'époque, Justin Trudeau, et le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, et devait recevoir un soutien des gouvernements fédéral et ontarien totalisant environ 5 milliards $.
Si certains projets de véhicules électriques ont échoué au Canada, d'autres entreprises poursuivent leurs efforts.
Une coentreprise entre Stellantis et LG est sur le point d'achever la construction d'une usine de batteries à Windsor, en Ontario, et PowerCo. de Volkswagen construit toujours sa grande Gigafactory à St. Thomas, en Ontario, dont la production initiale est prévue pour 2027.
L'entreprise précise toutefois qu'une fois terminée, l'usine suivra une accélération de la production commerciale en fonction de la demande.
Avec des informations d’Allison Jones à Pickering, en Ontario et de l'Associated Press.

