Justice

Google refuse d'appliquer une décision de déréférencement liée au «droit à l'oubli»

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63b34299167489d3eaf2ce479f48813c451dc3f107f6ff80f6214b2346bed088.jpg Le Commissaire fédéral à la protection de la vie privée affirme que les individus ont le droit de faire déréférencer certaines informations des résultats des moteurs de recherche, mais Google refuse de s'y conformer. Le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Philippe Dufresne, tient une conférence de presse à l'Amphithéâtre national de la presse, à Ottawa, le mardi 17 juin 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Sean Kilpatrick (Sean Kilpatrick | La Presse canadienne)

Le Commissaire fédéral à la protection de la vie privée affirme que les individus ont le droit de faire déréférencer certaines informations des résultats des moteurs de recherche, mais Google refuse de s'y conformer. 

Dans sa décision concernant une affaire de longue date qui a joué un rôle crucial dans l'application du «droit à l'oubli» au Canada, le commissaire à la protection de la vie privée, Philippe Dufresne, a recommandé mercredi à Google de déréférencer des articles concernant une accusation criminelle qui a été abandonnée.

Dans un communiqué de presse, le bureau du commissaire a déclaré que Google ne mettrait pas en œuvre la recommandation de déréférencer des articles spécifiques de ses résultats de recherche à partir du nom de la personne. Le communiqué précise que le bureau «examine toutes les options possibles pour assurer le respect de la Loi par Google».

L'affaire a débuté en 2017, Google contestant l'application à son moteur de recherche de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Le Commissaire à la protection de la vie privée a demandé aux tribunaux de se prononcer et, en 2023, la Cour d'appel fédérale a rejeté l'appel de Google. Cette décision marque une victoire pour les personnes qui réclament un «droit à l'oubli» numérique au Canada.

Le communiqué de mercredi indique que le commissaire a conclu que les personnes ont le droit, dans des «circonstances limitées», de faire retirer certaines informations les concernant, afin qu'elles n'apparaissent pas dans les recherches en ligne portant sur leur nom.

Ce droit «s’applique dans les situations où il existe un risque de préjudice grave pour un individu, y compris, comme il l’a conclu dans cette affaire, un risque de préjudice à la sécurité ou à la dignité d’un individu si certains éléments de ses renseignements personnels continuent d’être affichés lorsque son nom est utilisé pour effectuer une recherche en ligne», peut-on lire dans le communiqué.

Ce droit s'applique si «ce risque de préjudice pour l’individu l’emporte sur l’intérêt public de voir ces renseignements demeurer accessibles au moyen d’une telle recherche».

L'affaire en question concernait des articles au sujet d'une accusation criminelle abandonnée, qui, selon la personne, avaient causé un préjudice direct, notamment une stigmatisation sociale, une perte d'emploi et des agressions physiques.

Les accusations portent sur une allégation selon laquelle la personne n'aurait pas divulgué sa séropositivité avant une activité sexuelle. 

Le rapport de la commission indique que les poursuites pénales ont été suspendues peu après, les autorités de santé publique étant convaincues que la personne ne présentait pas actuellement de risque pour la santé publique. 

Il a été noté que les procureurs généraux fédéral et provinciaux «ont depuis confirmé qu'il ne faut généralement pas porter d'accusations dans les cas où il n'existe aucune possibilité réaliste de transmission du VIH».

Le Commissaire a recommandé à Google de retirer l'article des résultats de recherches portant sur le nom de cette personne, bien que les articles continuent d'être disponibles en ligne et d'apparaître dans les résultats d'autres termes de recherche.

Selon Google, les affaires judiciaires n'ont pas pris en compte les questions relatives à l'impact sur la liberté d'expression.

Un porte-parole de Google a déclaré que l'entreprise examinait le rapport, mais restait fermement convaincue que la prise en compte d'un prétendu «droit à l'oubli» devait être judicieusement équilibrée avec la liberté d'expression et les droits d'accès à l'information des Canadiens, des médias et des autres éditeurs, et qu'elle devrait donc être déterminée et définie par les tribunaux.

Teresa Scassa, professeure de droit à l'Université d'Ottawa, s'attend à ce que la prochaine étape soit une demande d'ordonnance du Commissaire à la protection de la vie privée auprès de la Cour fédérale, après quoi «les arguments concernant l'existence d'un "droit à l'oubli" dans la loi fédérale sur la protection de la vie privée seront présentés devant la Cour fédérale».

Des appels ont été lancés depuis longtemps pour mettre à jour la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.

Mme Scassa a souligné que la plus récente tentative du gouvernement libéral en ce sens incluait un «droit à l'effacement», mais le projet de loi C-27 est mort au feuilleton lors du déclenchement des élections fédérales, et on ne sait pas encore s'il sera présenté à nouveau ni sous quelle forme.

Un porte-parole du Commissaire à la protection de la vie privée a indiqué que les options envisagées par le commissaire comprennent des procédures judiciaires ou «la recherche d'un accord de conformité».