L'avocat de Gérard Depardieu a accusé jeudi devant la justice française une émission de télévision d'avoir provoqué la chute de son client avec le montage d'une «déloyauté absolue» d'un reportage dans lequel l'acteur tenait des propos graveleux et sexistes, un montage fidèle aux faits, ont soutenu les journalistes.
Au coeur des débats qui se tiennent en l'absence du comédien: une séquence de moins d'une minute sur les 54 que dure l'enquête de l'émission Complément d'enquête, La chute de l'ogre, filmée en 2018 dans un haras en Corée du Nord lors d'un voyage à l'occasion des 70 ans du régime.
Sur ces images de la société Hikari diffusées le 7 décembre 2023 sur la chaîne publique France 2, l'acteur tient des propos de nature sexuelle au moment où une fillette à cheval passe à l'écran.
Or, affirme la défense de l'acteur et de l'écrivain Yann Moix qui participait à ce voyage, ces propos auraient concerné une femme adulte, que l'on ne voit pas à l'écran.
Les journalistes «ont truqué, tronqué, afin d'obtenir un effet sensationnel», ont été d'une «déloyauté absolue» en se livrant à un montage frauduleux destiné à faire faussement croire que le comédien sexualisait une enfant, accuse son avocat Jérémie Assous.
«Effet atomique»
Ce Complément d'Enquête a eu «un effet atomique sur Gérard Depardieu» en suscitant «une polémique nationale qui a tué» l'acteur professionnellement, poursuit l'avocat. Il ne travaille plus depuis, dit-il.
«C'est Gérard Depardieu qui s'est tué lui-même en se laissant filmer» tel qu'il «est décrit» par les femmes qui le mettent en cause dans le sujet, riposte le présentateur Tristan Waleckx.
Faire des montages, «ça s'appelle la télévision» et en l'espèce, celui-ci est «honnête», insiste M. Waleckx: «Sur l'ensemble des images du voyage nord-coréen, Gérard Depardieu «sexualise plusieurs fillettes». Et de manière générale, «plus d'une femme sur deux croisées» par l'acteur sur ces images en Corée du Nord «étaient l'objet de propos graveleux», a-t-il ajouté.
«J'ai fait un montage absolument fidèle», renchérit le réalisateur Damien Fleurette.
À Me Assous, qui décèle une volonté de dissimulation derrière le refus de France Télévisions et d'Hikari de remettre l'intégralité de leurs rushs à la justice, Tristan Waleckx oppose encore le secret des sources et la nécessité de protéger les Nord-Coréens apparaissant à l'image.
Autre angle d'attaque de Me Assous, ces propos auraient été prononcés dans le cadre d'un projet de fiction dont Yann Moix était «le réalisateur» quand Gérard Depardieu en était «l'acteur principal», jouant son propre personnage.
Macron «grand admirateur»
Une thèse «pas du tout invraisemblable», a renchéri son confrère Étienne Bodéré, citant l'acteur américain John Malkovich et l'écrivain français Michel Houellebecq qui ont joué leur propre rôle au cinéma, respectivement Dans la peau de John Malkovich et L'Enlèvement de Michel Houellebecq.
Tout comme Gérard Depardieu, Yann Moix est absent à l'audience. Leur avocat invoque des raisons de santé.
Ce Complément d'enquête avait suscité un vif émoi. Outre la séquence contestée, on y entend l'acteur tenir de nombreux propos misogynes et dégradants pour les femmes lors de ce voyage nord-coréen. La comédienne Charlotte Arnould l'y accuse aussi de l'avoir violée en 2018, et d'autres femmes racontent des agressions sexuelles.
Emmanuel Macron avait volé au secours de l'acteur mondialement connu, se décrivant en «grand admirateur», et avait laissé entendre que les images avaient pu être truquées. Un soutien dont se prévaut Me Assous devant le tribunal: «Il est quand même mieux informé que d'autres, le président de la République...»
Le comédien a depuis été condamné au printemps à 18 mois d'emprisonnement avec sursis pour des agressions sexuelles lors d'un tournage - il a fait appel - et a été renvoyé devant la cour criminelle de Paris pour les viols dénoncés par Charlotte Arnould.
L'acteur conteste ces accusations depuis son inculpation en 2020 et a fait appel de l'ordonnance de renvoi.
