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Frappes sur l'Iran: les pays du Golfe craignent une escalade des tensions

«Les pays du Golfe réalisent que cette attaque pourrait compromettre leur intérêts économiques et la stabilité de la région.»

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Frappes israéliennes en Iran: Téhéran lourdement touchée Frappes israéliennes en Iran: Téhéran lourdement touchée

Les riches pays pétroliers du Golfe ont unanimement condamné vendredi les frappes israéliennes contre leur voisin et ancien rival iranien, craignant une escalade pouvant menacer leurs intérêts, estiment des analystes.

Si l'affaiblissement de la République islamique, avec laquelle ils ont longtemps été à couteaux tirés, n'est pas forcément pour leur déplaire, «ils sont confrontés à des risques réels et doivent jouer leurs cartes avec prudence», pour rester en dehors du conflit, affirme à l'AFP Sanam Vakim, de Chatham House.

Le sultanat d'Oman, médiateur dans les discussions entre Washington et Téhéran sur le programme nucléaire iranien, a été le premier à réagir après les frappes ayant visé des sites nucléaires et militaires, suivi par l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar, le Koweït et Bahreïn.

Longtemps considéré comme le grand rival de Téhéran dans la région, Ryad a vivement condamné «l'agression israélienne» contre un «pays frère», la qualifiant de «violation flagrante» du droit international.

«Les pays du Golfe réalisent que cette attaque pourrait compromettre leur intérêts économiques et la stabilité» de toute la région, affirme Karim Bitar, de Sciences Po Paris.

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Alors que la République islamique a promis de riposter, le chef de la diplomatie saoudienne, Fayçal ben Farhane, s'est empressé d'appeler son homologue iranien, plaidant pour «la résolution des conflits par le dialogue».

Cela marque «une différence notable par rapport à la situation de la région il y a une dizaine d'année, lorsque l'Arabie saoudite incitait en quelque sorte les Etats-Unis à frapper l'Iran», souligne M. Bitar auprès de l'AFP.

L'Iran, à majorité chiite, et l'Arabie Saoudite, à majorité sunnite, se sont longtemps opposés sur de nombreux dossiers au Moyen-Orient, de la Syrie au Yémen.

Les deux poids lourds du Moyen-Orient ont même rompu durant sept ans leurs relations diplomatiques avant de les rétablir en 2023, dans le cadre d'un accord négocié sous l'égide de la Chine.

Ce rapprochement reflète la politique d'apaisement adoptée ces dernières années par le prince héritier saoudien, Mohamed ben Salmane, qui mène un vaste plan de réforme du royaume.

Risque d'escalade

Ces dernières années, Ryad et d'autres pays du Golfe ont «investi beaucoup d'efforts en faveur d'une approche régionale d'intégration incluant l'Iran», et ont soutenu les efforts de médiation menés depuis avril par Oman sur le nucléaire iranien, dit le spécialiste du Moyen-Orient, Andreas Krieg, à l'AFP.

Une approche motivée par des intérêts économiques, mais aussi leur vulnérabilité face à Téhéran et les groupes qui lui sont affiliés dans la région, notamment les rebelles Houthis au Yémen, qui ont menés des attaques de drones et de missiles contre Ryad et Abou Dhabi dans le passé.

Les Emirats Arabes Unis, qui, dans le cadre des accords d'Abraham «ont progressé considérablement dans leur processus de normalisation et de paix avec Israël vont se sentir de plus en plus mal à l'aise», relève ainsi M. Bitar.

Les pays du Golfe abritent en outre d'importantes bases militaires américaines, qui pourraient devenir des cibles pour Téhéran en cas de conflit ouvert avec les Etats-Unis.

«Pour l'heure, il est peu probable que l'Iran cible des infrastructures ou des actifs dans le Golfe, mais si l'escalade se poursuit, il pourrait recourir à des mesures régionales plus large», a souligné Sanam Vakim sur X.

Et ce alors que l'administration américaine a tracé «une ligne rouge, avertissant que toute attaque contre le personnel ou les installations militaires des États-Unis provoquerait une réponse», a-t-il ajouté.

Selon le site américain Axios, les dirigeants du Golfe avaient exprimé leur opposition à des frappes israéliennes contre l'Iran, une menace régulièrement agitée par Israël, lors de la visite du président américain, Donald Trump, le mois dernier dans la région.

«Ils espéraient que Trump (...) contiendrait» le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et avaient plaidé pour une solution diplomatique sur le nucléaire iranien, assure M. Krieg.

Pour Karim Bitar, les frappes israéliennes semblent avoir voulu «torpiller» ces négociations, et la principale question pour les pays du Golfe est désormais de savoir quelle sera la réponse des États-Unis.

«Maintiendront-ils leur soutien inconditionnel à Israël ou tenteront-ils de revenir à la table des négociations et de conclure un nouvel accord?» sur le nucléaire iranien, s'interroge-t-il.