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France: le gouvernement s'offre un sursis en proposant la suspension de la réforme des retraites

«Certains aimeraient voir cette crise parlementaire virer à la crise de régime. Cela n’aura pas lieu.»

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Le premier ministre français reconduit dans ses fonctions, Sébastien Lecornu, accueille les nouveaux membres de son cabinet à Paris, le lundi 13 octobre 2025. Le premier ministre français reconduit dans ses fonctions, Sébastien Lecornu, accueille les nouveaux membres de son cabinet à Paris, le lundi 13 octobre 2025. (AP Photo)

Après des semaines de crise politique, le premier ministre français Sébastien Lecornu a proposé mardi de suspendre l’impopulaire réforme des retraites de 2023, demandée par les socialistes pour ne pas faire tomber le gouvernement et éviter la tenue de nouvelles élections.

Son discours de politique générale était très attendu, après de multiples psychodrames, tractations et tensions amorcés par sa démission surprise le 6 octobre, 14 heures après la nomination de son gouvernement.

Renommé par le président Emmanuel Macron, M. Lecornu a réussi à offrir mardi un sursis à son deuxième gouvernement, nommé dimanche soir, en tranchant la question qui était sur toutes les lèvres.

«Je proposerai au Parlement dès cet automne que nous suspendions la réforme de 2023 sur les retraites jusqu’à l’élection présidentielle» prévue en 2027, a-t-il déclaré devant l’Assemblée nationale.

Le Parti socialiste (PS) avait fait de la suspension de cette loi prévoyant de repousser à 64 ans l’âge légal de départ — passée au forceps en 2023 malgré des mois de manifestations — la condition pour ne pas se joindre à une censure, déjà demandée par la gauche radicale et l’extrême droite.

Cette annonce a été saluée comme «une victoire» et «un premier pas» par Boris Vallaud, le chef des députés socialistes, dont les voix sont cruciales pour la survie du gouvernement.

Se disant prêts à relever «le pari» du débat parlementaire, il a mis en garde: «Nous sommes capables de faire des compromis (…). Nous sommes capables de renverser un gouvernement».

Une censure de l’exécutif aurait mené à de nouvelles élections législatives, avait mis en garde M. Macron mardi matin devant les ministres réunis. Et aggravé encore l’incertitude dans laquelle est plongée la France depuis juin 2024.

«Contribution» des plus riches

La deuxième économie de l’UE connaît une période inédite d’instabilité politique depuis la dissolution de l’Assemblée nationale décidée alors par le président.

Le scrutin qui a suivi a fragmenté l’Assemblée nationale en trois blocs (gauche, centre droit, extrême droite), sans aucune majorité nette. Le deuxième gouvernement Lecornu est le quatrième en moins d’un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022.

Dans son discours, M. Lecornu a également donné d’autres gages au PS.

Il a confirmé l’abandon de l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution permettant l’adoption d’un texte sans vote — ce qui avait eu lieu notamment pour la réforme des retraites — et il a reconnu des «anomalies» dans la fiscalité des très grandes fortunes, souhaitant «une contribution exceptionnelle» des plus riches dans le prochain budget.

«Peur des urnes»

Alors que la France a une dette de 3 300 milliards d’euros (115% du PIB), le projet de budget 2026 entériné mardi en conseil des ministres, qui doit désormais être débattu au Parlement, prévoit un effort financier d’une trentaine de milliards d’euros.

Dans ce texte, le déficit public «est réduit à 4,7%» du PIB et devra «être à moins de 5% à la fin de la discussion» au Parlement, a réaffirmé M. Lecornu.

La suspension de la réforme des retraites coûtera «400 millions d’euros en 2026 et 1,8 milliard en 2027» et devra être «compensée par des économies», a-t-il prévenu.

La cheffe de file de l’extrême droite Marine Le Pen a jugé le projet de budget «terriblement mauvais». Son lieutenant Jordan Bardella a brocardé «l’amicale des sauveurs d’Emmanuel Macron» dont «le seul dénominateur commun» serait «la peur des urnes».

Dans sa décision de ne pas censurer le gouvernement, le PS se trouve isolé à gauche. Écologistes, gauche radicale et une majorité des communistes ont annoncé qu’ils voteront contre le gouvernement.

La droite a elle accusé l’exécutif d’être «l’otage des socialistes», tandis que le camp présidentiel est divisé.

Le parti Horizons de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe a estimé que la suspension était «une dangereuse facilité».

Mais une chute du gouvernement «coûterait plus d’argent à la France» qu’une «suspension de quelques mois», avait fait valoir dans la matinée l’entourage du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, proche de M. Lecornu.