La Pologne a demandé à l'OTAN d'activer l'Article 4 du traité Atlantique qui prévoit des consultations entre alliés en cas de menace sur l'un de ses membres après avoir intercepté des drones sur son territoire.
Les entretiens avec les alliés «prennent à ce moment précis la forme d'une demande formelle d'activation de l'article quatre du traité de l'Atlantique Nord», a déclaré le premier ministre Donald Tusk devant le parlement.
Il s'agit d'une «recommandation commune» prise par lui-même et le président nationaliste Karol Nawrocki, a souligné M. Tusk.
Le Conseil de l'Atlantique nord, principal organe de décision politique de l'organisation, s’est retrouvé mercredi matin au niveau des ambassadeurs des 32 pays de l'OTAN, pour une réunion prévue de longue date. Les Alliés ont toutefois décidé que cette réunion se tiendrait dans le cadre de l'article 4 du traité de l'Alliance, selon des diplomates.
L’article 4 prévoit essentiellement une «consultation» au niveau des alliés de l'OTAN. Cet article stipule que «les parties se consulteront chaque fois que, de l'avis de l'une d'elles, l'intégrité territoriale, l'indépendance politique ou la sécurité de l'une des parties sera menacée».
Depuis la création de l’Alliance, en 1949, c’est la 8e fois qu’elle invoque l’article, dont trois fois concernant l’invasion russe en Ukraine.
En revanche, l'article 5 n'a été activé qu'une seule fois depuis la création de l'OTAN en 1949, lors des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Il prévoit qu'une attaque contre un pays de l'OTAN est une attaque contre tous, et oblige les 32 alliés à «assister» le pays victime de cette attaque.
Les Occidentaux accusent la Russie
La Pologne, épaulée par l'OTAN, a intercepté dans la nuit de mardi à mercredi des drones ayant fait irruption sur son territoire, une nouvelle escalade dans le conflit larvé entre la Russie et les Occidentaux sur fond de guerre en Ukraine.
Lors de l'attaque nocturne menée contre le territoire ukrainien «il n'y avait aucune intention d'attaquer des cibles» sur le sol polonais, a répondu mercredi le ministère russe de la Défense à Varsovie et ses alliés qui accusent Moscou d'avoir délibérément envoyé ces appareils dans l'espace aérien de la Pologne.
La diplomatie russe a enfoncé le clou en reprochant à la Pologne de vouloir «aggraver» la situation sur le territoire ukrainien, tandis que l'ambassade de Russie en Pologne arguait que les autorités polonaises n'avaient pas fourni de «preuves» que ces drones étaient russes.
«Nous n'avons aucun doute que ce n'était pas un fait accidentel», a en revanche lancé le ministre polonais des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski, qui a dénoncé «un cas d'attaque sans précédent, non seulement sur le territoire de la Pologne mais aussi sur celui de l'OTAN et de l'Union européenne».
Le chancelier allemand Friedrich Merz a également évoqué une «action agressive» de la Russie, son ministre de la Défense Boris Pistorius parlant d'une nouvelle «provocation des forces armées russes».
«Cela montre encore une fois [...] à quel point nous sommes testés par la Russie», a renchéri un porte-parole du gouvernement allemand, Sebastian Hille.
«C'est parti»: Trump réagit à l'incursion de drones russes en Pologne
Donald Trump a noté la «violation de l'espace aérien polonais» par la Russie dans un message énigmatique, au ton presque désinvolte, publié sur son réseau Truth Social mercredi.
«Qu'est-ce qui se passe avec la Russie qui viole l'espace aérien polonais avec des drones? C'est parti!» a écrit le président américain, dans sa première et succincte réaction depuis que l'OTAN a aidé à intercepter des drones que les Occidentaux jugent délibérément envoyés dans la nuit par la Russie.
Donald Trump doit s'entretenir mercredi avec le président nationaliste polonais Karol Nawrocki, a fait savoir un haut responsable de la Maison Blanche à l'AFP.
Le président américain et son équipe «suivent les nouvelles en provenance de Pologne» a-t-il indiqué, sous couvert d'anonymat.
Le chef d'État polonais a été reçu récemment de manière très amicale à la Maison-Blanche, où Donald Trump lui a promis que les États-Unis continueraient à aider la Pologne à assurer sa propre sécurité.
Le dirigeant républicain a promis plusieurs fois de mettre fin au conflit en Ukraine, mais ses efforts de médiation n'ont rien donné.
Il a par ailleurs souvent critiqué l'OTAN, en jugeant que certains pays membres ne faisaient pas d'efforts suffisants en termes de budgets militaires.
Donald Trump refuse depuis le début d'attribuer la responsabilité de la guerre en Ukraine à la Russie, et ses menaces de sanctionner plus sévèrement Moscou ne se sont jusqu'ici pas concrétisées.
Réunion à l'OTAN
Le Conseil de l'Atlantique Nord, le principal organe de décision politique de l'Alliance, a modifié le même jour le format de sa réunion hebdomadaire pour la tenir dans le cadre de l'article 4 du traité constitutif de cette organisation, dont Varsovie a demandé l'activation. Celui-ci stipule que «les parties se consulteront chaque fois que, de l'avis de l'une d'elles, l'intégrité territoriale, l'indépendance politique ou la sécurité de l'une des parties sera menacée».
«De nombreux drones ont pénétré dans l'espace aérien polonais pendant la nuit et ont été confrontés aux défenses antiaériennes polonaises et de l'OTAN», selon sa porte-parole Allison Hart.
L'Alliance a été «très efficace» pour contrer cette «dangereuse» intrusion, «intentionnelle ou non», s'est à cet égard félicité son secrétaire général Mark Rutte avant d'avertir Moscou que «nous défendrons chaque centimètre du territoire de l'OTAN».
C'est d'ailleurs «la première fois que des avions de l'OTAN ont affronté des menaces potentielles dans l'espace aérien allié», a souligné un porte-parole du Shape, le quartier général des forces de cette organisation en Europe.
«Dix-neuf violations ont été identifiées» et «nous avons actuellement confirmé que trois drones avaient été abattus», a dit le premier ministre Donald Tusk devant le Parlement polonais.
Ni les drones ni leur destruction n'ont apparemment fait de victimes, a-t-il souligné au sujet de cette «action russe».
Sept drones et les débris d'un projectile encore indéterminé ont été retrouvés, a révélé le ministère polonais de l'Intérieur, qui a signalé qu'une maison et une voiture avaient été endommagées dans l'est de la Pologne.
«Sans précédent»
Ces intrusions sont survenues à la veille de grandes manœuvres militaires communes russo-bélarusses, baptisées Zapad-2025 (Ouest-2025), programmées du 12 au 16 septembre, avec la participation de 30 000 soldats au total et qui ont conduit la Pologne à fermer sa frontière avec le Bélarus à partir de jeudi.
Le Bélarus, une ancienne république soviétique et un allié clé de la Russie qui s'est servi de son territoire pour déclencher son offensive contre l'Ukraine en février 2022, a à ce sujet affirmé mercredi avoir lui aussi abattu des drones au-dessus de son territoire dans la nuit, sans en préciser la provenance.
D'après son ministère de la Défense, ces aéronefs, dont il n'a pas révélé s'ils étaient russes ou ukrainiens, avaient «perdu leur trajectoire».
Évoquant un «ciblage délibéré», le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé qu'au moins huit drones russes avaient été «dirigés vers la Pologne». Simultanément, la Russie a envoyé 458 drones et missiles contre l'Ukraine, selon l'armée ukrainienne.
«L'Ukraine propose depuis longtemps à ses partenaires la création d'un système commun de défense antiaérienne afin de garantir la destruction» de ces engins, a expliqué M. Zelensky.
La cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas a dénoncé «la violation la plus grave de l'espace aérien européen par la Russie depuis le début de la guerre». «Je pense que ce que [Vladimir] Poutine veut montrer, ce qu'il veut vraiment faire, c'est tester jusqu'où il peut aller», a-t-elle encore dit.
En août, Varsovie avait adressé à Moscou une note de protestation après la chute et l'explosion d'un drone dans l'est de la Pologne. En 2023, un missile russe avait traversé l'espace aérien polonais en survolant sa frontière avec l'Ukraine.
