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Trump veut congédier une gouverneure de la Réserve fédérale, Lisa Cook

La demande du président américain sera constestée en justice.

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Lisa Cook, membre du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale, écoute pendant une réunion publique du Conseil des gouverneurs à la Réserve fédérale, le 25 juin 2025, à Washington (AP Photo)

Donald Trump a accentué sa campagne de reprise en main de la banque centrale des États-Unis (Fed) en voulant limoger une gouverneure, augurant un conflit juridique et jetant le doute sur la crédibilité future de cette institution centrale pour l’économie américaine.

Lundi soir, dans une lettre signée de sa main publiée sur son réseau Truth Social, le président des États-Unis a écrit à Lisa Cook qu’elle était «limogée avec effet immédiat».

«J’ai déterminé qu’il y avait suffisamment de raisons pour vous renvoyer de votre poste», a affirmé le président américain.

Première femme afro-américaine à accéder au prestigieux poste de gouverneure de la Réserve fédérale (Fed), Lisa Cook est accusée par le camp présidentiel d’avoir menti pour obtenir des emprunts immobiliers à des taux plus favorables.

Son avocat Abbe Lowell a annoncé mardi que l’initiative de Donald Trump sera contestée en justice.

«Le président n’a pas le pouvoir de révoquer la gouverneure de la Réserve fédérale Lisa Cook. Sa tentative pour la limoger, basée uniquement sur un courrier, est dépourvue de fondement que ce soit en fait ou en droit.»
-Me Abbe Lowell, représentant Lisa Cook par communiqué

Un peu plus tôt, Mme Cook avait affirmé qu’elle ne démissionnerait pas.

«Je continuerai à exercer mes fonctions pour aider l’économie américaine comme je le fais depuis 2022», a-t-elle assuré dans une déclaration transmise à l’AFP.

Pressions constantes

La Réserve fédérale (Fed) est la plus puissante banque centrale du monde. Ses décisions ont une forte influence sur les coûts d’emprunt et les marchés financiers. Qu’un de ses plus hauts responsables soit limogé par le président des États-Unis serait sans précédent.

L’institution monétaire est en théorie indépendante du pouvoir exécutif, même si celui-ci peut nommer président et gouverneurs quand des mandats arrivent à échéance. Le choix de la Maison Blanche doit être validé par le Sénat.

Pour renvoyer des membres du conseil des gouverneurs, le président américain doit en revanche être capable de justifier qu’un acte répréhensible a été commis.

Depuis des mois, Donald Trump réclame sur tous les tons une baisse des taux d’intérêt de la Fed pour soutenir sa politique économique, qui comprend crédits d’impôts, dérégulations et un fort relèvement des taxes sur les produits importés.

La crainte d’un fort impact sur les prix a jusqu’ici conduit la Fed à laisser ses taux inchangés, transformant son président Jerome Powell en bouc émissaire du président républicain.

Donald Trump a paru chercher comment le renvoyer, avant de reculer devant la fébrilité des marchés financiers, appelé à sa démission, mis en cause sa gestion des travaux de rénovation du siège de la Fed à Washington… sans aller aussi loin qu’avec Mme Cook.

Crédibilité «mise en doute»

Lisa Cook avait été nommée en 2022 par le président démocrate Joe Biden (2021-2025) et confirmée par le Sénat d’alors à une très courte majorité.

Un proche du président, Bill Pulte, à la tête de l’Agence de financement du logement (FHFA), a fait un signalement au ministère de la Justice. Selon ce document, Mme Cook a souscrit à des prêts immobiliers pour deux logements distincts, en affirmant à chaque banque que ceux-ci seraient une résidence principale, ce qui a pu lui assurer des conditions d’emprunt plus favorables.

Dans son courrier, M. Trump accuse Mme Cook d’avoir eu «au minimum une conduite révélatrice d’une négligence grossière en matière de transactions financières, ce qui soulève des questions sur (sa) compétence et (sa) fiabilité en tant que régulatrice financière».

«Le président Trump utilise tous les leviers possibles pour essayer d’avoir une majorité au conseil des gouverneurs dans l’espoir que les taux d’intérêt baissent», observe auprès de l’AFP David Wessel, chercheur à la Brookings Institution.

«Il veut contrôler la Fed», dont la crédibilité «en tant que pompier anti-inflation sera mise en doute», selon lui.

Le risque, c’est que «même s’il y a effectivement des taux d’intérêt à court terme plus bas [ceux sur lesquels agit la Fed, NDLR], les taux d’intérêt à long terme augmentent sur les emprunts du gouvernement américain, des ménages et des entreprises», explique à l’AFP Matthew Martin, économiste pour Oxford Economics.

Les créanciers fixent leur rémunération en fonction notamment de leurs projections d’inflation future.