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Le discours de Powell à Jackson Hole attendu par Wall Street et la Maison-Blanche

Son analyse était importante, car si le marché de l'emploi est sain, la Fed n'a pas besoin de baisser son taux directeur.

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a0f497bc46770ce7e9a6856d1064b815353180f5ea96b99ecfa9be249dbd7fb5.jpg Le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, s'exprime lors d'une conférence de presse, le mercredi 30 juillet 2025, à Washington. (AP Photo)

Il y a tout juste trois semaines, le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, s'adressait aux journalistes après que la banque centrale eut maintenu son taux directeur inchangé pour la cinquième fois consécutive et avait souligné que le marché de l'emploi était «solide».

Son analyse était importante, car si le marché de l'emploi est sain, la Fed n'a pas besoin de baisser son taux directeur, comme l'a exigé le président Donald Trump. 

Le ministère du Travail publiait deux jours plus tard un rapport remettant en question cette analyse, indiquant que les embauches avaient été faibles en juillet et bien inférieures aux estimations précédentes de mai et juin.

Wall Street et la Maison-Blanche accorderont donc une grande attention au discours très médiatisé de M. Powell, prononcé vendredi lors du symposium économique annuel de la Fed à Jackson Hole, dans le Wyoming. 

Si M. Powell, connu pour sa dépendance aux données, change de cap et adopte une vision plus pessimiste du marché de l'emploi, cela pourrait ouvrir la voie à une baisse des taux lors de la prochaine réunion de la Fed en septembre.

Jerome Powell pourrait également conserver la prudence qu'il a maintenue toute l'année et réitérer que la banque centrale a besoin de plus de temps pour évaluer l'impact des droits de douane drastiques imposés par Donald Trump sur l'inflation.

La plupart des économistes s'attendent à ce que M. Powell signale qu'une baisse des taux est probable cette année, mais ne s'engage pas nécessairement à le faire le mois prochain. Cela pourrait décevoir Wall Street, qui mise fortement sur une baisse en septembre.

Un contexte tendu

Le discours de M. Powell, qui sera sa dernière intervention à Jackson Hole en tant que président de la Fed avant la fin de son mandat en mai, interviendra dans un contexte particulièrement tendu. 

Environ une semaine après la publication des chiffres de l'emploi, le dernier rapport sur l'inflation a montré que la croissance des prix a légèrement augmenté en juillet. Les prix de base, qui excluent les catégories volatiles de l'alimentation et de l'énergie, ont augmenté de 3,1 % par rapport à l'année précédente, dépassant ainsi l'objectif de 2 % de la Fed.

Une inflation obstinément élevée pousse la Fed dans la direction opposée à celle de la faiblesse des embauches. Elle suggère que le taux à court terme de la banque centrale devrait rester à son niveau actuel de 4,3 %, plutôt que d'être abaissé. Cela signifierait que les autres coûts d'emprunt, comme les prêts hypothécaires, les prêts automobiles et les prêts aux entreprises, resteraient élevés.

«Le scénario s'est donc complexifié, a expliqué David Wilcox, ancien économiste de premier plan de la Fed, aujourd'hui directeur de la recherche économique chez Bloomberg Economics et chercheur principal au Peterson Institute. Le dilemme dans lequel se trouve la Fed est devenu, pour le moins, plus intense.»

Jerome Powell doit également composer avec un niveau sans précédent de critiques publiques de la part du locataire de la Maison-Blanche, ainsi qu'avec les efforts du président pour renforcer le contrôle de la Fed, longtemps indépendante de la politique quotidienne.

La plupart des observateurs saluent la capacité de M. Powell à gérer les pressions avec agilité. Un moment emblématique de son mandat a été la visite de Donald Trump des bureaux de la Fed en rénovation le mois dernier. 

Le président américain avait accusé M. Powell d'avoir mal géré le projet, dont le coût avait atteint 2,5 milliards $ US, par rapport à une estimation initiale de 1,9 milliard $ US.

Alors que Donald Trump et le président de la Fed étaient présents sur le chantier, devant les caméras, le président américain a affirmé que le coût avait encore grimpé en flèche.

Jerome Powell a calmement balayé ce chiffre, précisant que les coûts incluaient celui de la rénovation d'un troisième bâtiment cinq ans plus tôt.

«C'était un Powell tout à fait classique, a souligné Diane Swonk, économiste en chef chez KPMG. Il ne se laisse pas perturber. Il a une humilité qui, à mon avis, fait souvent défaut à mes collègues économistes.»

Jerome Powell a semblé apaiser Donald Trump, au moins temporairement pendant la visite, après quoi le président est revenu sur ses menaces de limogeage du président de la Fed concernant le projet.

Dans sa dernière tentative de pression sur la Réserve fédérale, Donald Trump a appelé mercredi la gouverneure de la Fed Lisa Cook à démissionner, après qu'un responsable de l'administration, Bill Pulte, l'a accusée de fraude hypothécaire. 

Mme Cook a affirmé dans un communiqué qu'elle ne se laisserait pas «intimider» et a ajouté qu'elle se préparait à répondre aux accusations.

Une décision difficile

Pour Jerome Powell, la décision concernant les taux d'intérêt est difficile. Le «double mandat» de la Fed l'oblige à maintenir la stabilité des prix tout en recherchant un maximum d'emplois. 

Mais si la faiblesse des chiffres de l'emploi suggère la nécessité d'une baisse, de nombreux responsables de la Fed craignent une aggravation de l'inflation dans les mois à venir.

«Il reste encore beaucoup à faire, a mentionné Raphael Bostic, président de la branche d'Atlanta de la Fed, en référence aux hausses de prix liées aux droits de douane. Un retour d'information que nous avons recueilli, tant dans nos enquêtes que lors d'échanges directs (avec les entreprises), suggère que beaucoup s'attendent toujours à une augmentation des prix facturés à leurs clients par rapport au niveau actuel.»

D'autres économistes, en revanche, pointent le net ralentissement du marché immobilier comme un signe de faiblesse économique. Les dépenses de consommation ont également été modestes cette année, avec une croissance annuelle de seulement 1,2 % au premier semestre 2025.

«L'économie actuelle n'a pas grand-chose d'intéressant, hormis l'IA», a avancé Neil Dutta, économiste chez Renaissance Macro. 

«La faiblesse de l'économie n'est pas due aux droits de douane», mais plutôt aux taux élevés de la Fed, a-t-il ajouté.