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Des soldats en Guinée-Bissau déclarent à la télévision avoir pris le pouvoir

Il s'agit du dernier d'une série de coups d'État survenus ces dernières années en Afrique de l'Ouest.

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ea6609c01defdcaf0eb66df327a39d1256f7591dd5d193d6eca45ae23b400a54.jpg Des passants marchent dans les rues de Bissau, en Guinée-Bissau, le mercredi 26 novembre 2025. (Darcicio Barbosa/AP Photo)

Des soldats guinéens sont apparus mercredi à la télévision d'État pour annoncer la prise du pouvoir, à la suite des coups de feu entendus près du palais présidentiel, trois jours après les élections nationales. Le président a déclaré aux médias français avoir été destitué et arrêté.

Il s'agit du dernier d'une série de coups d'État survenus ces dernières années en Afrique de l'Ouest.

«Le Haut Commandement militaire pour le rétablissement de l'ordre national et public décide de destituer immédiatement le président de la République et de suspendre, jusqu'à nouvel ordre, toutes les institutions de la République de Guinée-Bissau», a déclaré le porte-parole Dinis N'Tchama dans un communiqué.

Il a expliqué que cette action faisait suite à la «découverte d'un plan en cours» visant à déstabiliser le pays en tentant de «manipuler les résultats électoraux».

«Ce complot a été mis en place par certains hommes politiques nationaux avec la participation d'un baron de la drogue notoire, ainsi que de ressortissants guinéens et étrangers», a affirmé M. N'Tchama, sans fournir plus de détails. Les militaires ont annoncé la suspension immédiate du processus électoral et des activités des médias, ainsi que la fermeture de toutes les frontières.

Depuis son indépendance, la Guinée-Bissau a connu quatre coups d'État et de nombreuses tentatives, dont un signalé le mois dernier. Le pays est également devenu une plaque tournante du trafic de drogue entre l'Amérique latine et l'Europe.

Les élections présidentielles et législatives se sont tenues dimanche. Le président sortant, Umaro Sissoco Embaló, et le candidat de l'opposition, Fernando Dias, ont tous deux revendiqué la victoire mardi, alors que les résultats provisoires officiels n'étaient pas attendus avant jeudi.

Déroulement du coup d'État

Des coups de feu ont été entendus mercredi midi près du palais présidentiel. Un journaliste de l'Associated Press a constaté que les routes menant au palais étaient bloquées, avec des points de contrôle tenus par des soldats lourdement armés et masqués.

Un responsable du palais présidentiel a déclaré qu'un groupe d'hommes armés avait tenté d'attaquer le bâtiment, ce qui a entraîné un échange de tirs avec les gardes. Un autre responsable du ministère de l'Intérieur a indiqué avoir également entendu des coups de feu près de la Commission électorale nationale, située à proximité. 

Ces deux personnes ont témoigné sous couvert d'anonymat, n'étant pas autorisées à s'exprimer publiquement sur le sujet. Un membre clé d'un groupe international d'observateurs électoraux a déclaré que le président de la commission électorale avait été arrêté et que les bureaux de la commission étaient bouclés par l'armée.

«Le président a confié à plusieurs personnes qu'il était détenu par l'armée», a indiqué ce membre du groupe d'observateurs à l'Associated Press. Il a témoigné sous couvert d'anonymat, n'étant pas autorisé à s'exprimer publiquement sur le sujet.

Le média français Jeune Afrique a rapporté que M. Embaló affirmait avoir été arrêté lors de ce qu'il a qualifié de coup d'État mené par le chef d'état-major des armées. Il a précisé n'avoir subi aucune violence.

«J'ai été destitué», a déclaré M. Embaló à la chaîne de télévision française France 24.

M. Embaló était confronté à une crise de légitimité, l'opposition estimant que son mandat était expiré depuis longtemps et ne le reconnaissant pas comme président.

La Constitution de Guinée-Bissau fixe la durée du mandat présidentiel à cinq ans. M. Embaló est arrivé au pouvoir pour la première fois en février 2020. L'opposition affirme que son mandat aurait dû s'achever le 27 février de cette année, mais la Cour suprême a statué qu'il devait se poursuivre jusqu'au 4 septembre.

L'élection présidentielle a cependant été reportée à ce mois-ci.

Des soldats ont arrêté le rival de M. Embaló, Fernando Dias, ainsi que Domingos Simões Pereira, le chef du principal parti d'opposition, le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (AFIGC), a annoncé ce dernier dans un communiqué publié sur Facebook mercredi.

L'ancien premier ministre, Domingos Simões Pereira était considéré comme le principal adversaire de M. Embaló, avant que lui et son parti ne soient inéligibles, les autorités ayant estimé qu'ils n'avaient pas déposé leur candidature dans les délais. Il a par la suite apporté son soutien à M. Dias.

Réaction de la communauté internationale

Un responsable de l'ONU a indiqué mercredi que l'organisation suivait la situation en Guinée-Bissau «avec une profonde préoccupation». Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, «appelle toutes les parties prenantes nationales en Guinée-Bissau à la retenue et au respect de l'État de droit», a affirmé son porte-parole, Stéphane Dujarric, aux journalistes.

Dans une déclaration conjointe, les missions d'observation électorale de l'Union africaine et de la CEDEAO ont dénoncé une «tentative flagrante de perturber le processus démocratique» et ont appelé au retour à l'«ordre constitutionnel».

Elles ont également exigé la libération immédiate des responsables électoraux détenus.

La coalition de la société civile Front populaire a accusé M. Embaló et l'armée d'orchestrer un «coup d'État simulé» pour bloquer la publication des résultats des élections et se maintenir au pouvoir.

«Cette manœuvre vise à empêcher la publication des résultats électoraux prévue pour demain, 27 novembre», a déclaré le groupe dans un communiqué publié mercredi. Il a affirmé que M. Embaló prévoyait de nommer un nouveau président et un premier ministre par intérim, puis de convoquer de nouvelles élections auxquelles il entend se représenter. 

L’Afrique de l’Ouest est secouée par une vague de coups d’État depuis 2020. Trois pays enclavés de la région, le Mali, le Niger et le Burkina Faso, sont désormais dirigés par des militaires qui ont pris le pouvoir par la force, promettant d’assurer une meilleure sécurité aux citoyens face à l’insurrection de groupes armés.

En Guinée voisine, le général Mamadi Doumbouya, chef de la junte, a renversé le président en 2021, reprochant au gouvernement précédent de ne pas avoir tenu ses promesses et promettant d’éradiquer la mauvaise gouvernance et la corruption.

Au Gabon, des soldats mutins ont pris le pouvoir en 2023, peu après la proclamation de la victoire du président lors d’une élection, où pour la première fois, les observateurs internationaux avaient été exclus. En avril, le général Brice Oligui Nguema, auteur du coup d’État, a été élu président.