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À deux semaines de la fin de la session parlementaire, des personnes sans statut légal au Canada réclament qu'Ottawa mette rapidement en place un programme de régularisation pour leur permettre de devenir des résidents permanents.
En novembre 2021, rappelle le mouvement Solidarité sans frontières, le premier ministre Justin Trudeau avait mandaté son ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Sean Fraser, de trouver une solution pour les personnes sans statut officiel se trouvant sur le territoire.
Or, le programme souhaité se fait toujours attendre, a soulevé Samira Jasmin, qui s'est faite porte-parole des sans-papiers lors d'un point de presse tenu mercredi matin dans les locaux de l'organisme Afrique au féminin.
«La situation des sans-papiers continue de se détériorer, a-t-elle déploré. Avec la crise actuelle du logement et du coût de la vie, un programme de régularisation est nécessaire pour assurer la dignité et les besoins de base de ces dizaines de milliers de personnes qui considèrent le Québec comme leur foyer.»
Des représentants de Solidarité sans frontières ont rencontré le ministre Fraser en novembre dernier, sans que cet échange n'ait encore eu de suite, déplore Mme Jasmin.
Seulement 60 % des demandeurs voient leur statut régularisé par Ottawa, a-t-elle précisé ensuite. D'autres personnes, dont la demande est refusée, des travailleurs temporaires dont le visa n'est pas renouvelé ou des étudiants étrangers qui n'ont plus de permis d'études, se retrouvent dans un vide juridique.
Un vide juridique qui les empêche d'avoir accès à de nombreux services comme des soins de santé, des cours de francisation, des permis de travail vers des emplois bien rémunérés ou de l'aide financière de dernier recours.
Résultat, les sans-papiers sont très vulnérables. «Être sans-papier, c'est être exploité et menacé par tout le monde, aussi bien notre propriétaire que notre patron», lâche Mme Jasmin.
Bien que cela soit risqué pour eux, trois individus sans statut ont accepté de prendre la parole publiquement lors du point de presse pour plaider leur cause.
Toutes deux originaires du Mexique, Marianna et Maria ont fui la violence de leur pays natal en compagnie de leurs proches.
La première, arrivée au Canada en 2009, n'a plus revu ses enfants depuis. Un accident de travail survenu en 2015 lui a fait perdre une dent et un doigt de la main gauche, blessures pour lesquelles elle n'a pas eu de soins dans un hôpital en raison de son statut illégal.
La seconde a vécu une situation similaire alors qu'elle s'est piquée par accident sur des seringues souillées alors qu'elle faisait le ménage de la clinique médicale qui l'employait. «C'est l'ironie de la vie: travailler dans une clinique et ne pas avoir accès à ses services», témoigne-t-elle.
Travaillant parfois jusqu'à tard dans la nuit, le couvre-feu décrété pendant la pandémie a été source d'angoisse pour cette Mexicaine d'origine, établie au Canada depuis 14 ans. «Nous avions toujours peur d'être arrêtés par la police, relate Maria. C'est très difficile de vivre ainsi, mais nous préférons cela à un retour dans notre pays.»
En obtenant la résidence permanente au Canada, des sans-papiers comme elle pourraient espérer une vie meilleure, mais surtout retrouver une certaine tranquillité d'esprit, souligne Maria.
C'est aussi ce que croit Yasser, arrivé du Maroc en 2020 après avoir obtenu un permis de travail de la part d'une compagnie canadienne prête à l'embaucher.
Or, une fois débarqué au pays, il apprend que son employeur a annulé son contrat et révoqué son permis parce que ses affaires avaient été plombées par la COVID-19.
Pour l'immigrant ayant quitté femme enceinte et enfants, mais aussi vendu des biens familiaux pour financer son voyage dans l'espoir de donner une vie meilleure aux siens, «le rêve est devenu un cauchemar».
«Ça m'a complètement démoli, confie-t-il. Mais pour moi, pas question de retourner les mains vides. Je ne peux pas reculer après tant de sacrifices.»
Yasser est catégorique: il faut agir, et vite, pour soutenir les sans-papiers. «Notre vie est ponctuée d'accidents, d'épuisement et d'humiliation, lâche-t-il. En attendant [la régularisation de son statut], une partie de notre humanité s'éteint.»
Pour permettre à tous les sans-papiers du pays de vivre dans la dignité et d'espérer un avenir meilleur, ce programme ne doit pas être plafonné ni normé.
Le regroupement militant exige également la fin immédiate des déportations et des détentions des immigrants clandestins établis au Canada.
«Pour nous, chaque exclusion est une discrimination», souligne Mme Jasmin.
Quinze ans plus tard, Solidarité sans frontières estime à plus d'un demi-million le nombre d'immigrants sans statut au pays.
Note de la rédaction : «Ceci est une version corrigée d'un texte publié mercredi. Le premier paragraphe est reformulé parce qu'une erreur identifiait certains sans-papiers comme des demandeurs d'asile. Pour plus d’information, consultez les normes éditoriales de Noovo Info.»