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Élections fédérales 2025: des patients en garde forcée oubliés par Élections Canada et privés de leur droit de vote

«Les gens qui souffrent de problème de santé mentale» ont «les mêmes droits que les autres», déplore un organisme.

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(Envato Elements | Wavebreakmedia)

Si pour la plupart des gens le droit de vote en est un fondamental, il n'est pas nécessairement toujours accessible à tous. Droits-Accès de l'Outaouais déplore qu'une vingtaine de personnes hospitalisées en garde forcée dans des ailes de santé mentale de Gatineau n'ont pas pu voter lundi dernier, lors des élections fédérales canadiennes de 2025.

L'organisme affirme qu'une équipe d'Élections Canada s'est rendue dans les unités de Pierre-Janet, le seul hôpital psychiatrique de l'Outaouais, lors du vote par anticipation, mais aurait omis les deux ailes de santé mentale de l'Hôpital de Gatineau. Par ailleurs, l'agence fédérale n'aurait pas prévu de mesures dans les hôpitaux pour permettre aux personnes qui n'ont pas de droit de sortie d'exercer leur droit de vote lors du jour J.

Une situation que déplore Mélodie Pelletier, conseillère en droit chez Droits-Accès Outaouais.

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«Si on commence à enlever des droits aux gens qui ont des troubles en santé mentale, on commence à enlever des droits à tous les citoyens parce qu'il y a vraiment beaucoup de gens qui ont des problèmes de santé mentale dans la population», estime-t-elle.

«Les gens qui souffrent de problème de santé mentale, ce sont des citoyens à part entière, ce sont des citoyens avec les mêmes droits que les autres.»
- Mélodie Pelletier, conseillère en droit chez Droits-Accès Outaouais

Le Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Outaouais (CISSSO) a confirmé par courriel à Noovo Info que la coordination du vote par anticipation dans les différentes unités à l'hôpital de Gatineau «a été déficiente» et que «l'unité de santé mentale a malheureusement été omise».

Concernant l'accès au vote le jour du 28 avril dernier pour les personnes en garde fermée, le CISSSO affirme avoir été informé de la situation le jour même et qu'il était «impossible pour Élections Canada d'envoyer des représentants à si court préavis.»

Selon le CISSSO, moins d'une vingtaine de personnes n'ont pas pu exercer leur droit de vote. «Quelques usagers avec des droits de sortie ont pu voter avec leurs proches», ajoute-t-on. 

«Le CISSS de l'Outaouais tient à s'excuser auprès des usagers touchés», a-t-on écrit à Noovo Info en précisant que le vote par anticipation «s'est bien déroulé dans l'ensemble des autres installations ayant des lits de courte et longues durée».

«Dans un souci d'amélioration continue, cette situation nous a permis d'identifier une lacune dans notre coordination de ce type d'activité. Cette lacune sera corrigée pour les prochaines élections.»
- Extrait d'un courriel du CISSS de l'Outaouais

«Nous sommes désolés»

Mis au courant de la situation par Noovo Info, un porte-parole d’Élections Canada, Richard Théoret, a fait savoir mercredi que l’organisation était «désolée si certains patients ont été privés de leur droite de vote».

M. Théoret précise que le vote pour les personnes hospitalisées se fait par bulletin de vote spécial. Il affirme que des équipes d'Élections Canada se sont rendus dans les hôpitaux à travers le pays pendant trois jours la semaine avant le 28 avril pour offrir aux patients de la possibilité de voter. Ce vote se terminait le mardi 22 avril. 

«Nous présentons nos excuses à ces électeurs qui ont été incapables d'exercer leur droit de vote, d'autant plus qu'Élections Canada a comme objectif de faire en sorte que tous ceux qui désirent voter soient en mesure de le faire», a-t-il écrit.

Un droit fondamental

Mélodie Pelletier n'en démord pas: elle estime qu'il faut absolument que l'exercice du droit de vote soit amélioré par rapport aux gens qui souffrent de problème de santé mentale, et non seulement pour les élections fédérales, mais aussi pour les élections provinciales et municipales.

Mme Pelletier souligne que la grande majorité des gens vivant avec des troubles en santé mentale sont capables d'avoir des opinions éclairées. «C'est vraiment important que ces gens-là puissent s'exprimer aussi.» 

Selon Mélodie Pelletier, les gens souffrant de problèmes de santé mentale sont d'ailleurs les mieux placés pour éclairer les prises de décisions dans ce domaine.

«Dans les nombreuses décisions que le gouvernement doit prendre, il y a celles des services en santé mentale. Si les personnes qui utilisent ce type de services n'ont pu leur mot à dire sur les décisions qui touchent notre système de santé, on va prendre des décisions à leur place», explique-t-elle.

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Peu de chance de perdre son droit de vote

Le droit de vote est un droit fondamental garanti par les chartes des droits et libertés canadienne et québécoise.

Extrait de la Charte des droits et libertés du Québec CHAPITRE III | DROITS POLITIQUES | 1975, c. 6, a. 22.

«Toute personne légalement habilitée et qualifiée a droit de se porter candidat lors d’une élection et a droit d’y voter.»

Nathalie Gilbert, coordonnatrice des relations publiques et médiatiques au Curateur public du Québec, a par ailleurs précisé à Noovo Info que même les personnes sous tutelle conservent leur droit de vote aux élections fédérales. «Celui-ci ne peut leur être retiré par le tribunal», dit-elle. 

«À l’ouverture d’une tutelle, le tribunal peut, de manière exceptionnelle, retirer le droit de vote pour les élections provinciales, municipales et scolaires», explique-t-elle toutefois en ajoutant que l’homologation d’un mandat de protection «n’a pas d’effet sur l’exercice du droit de vote».

Mme Gilbert précise dans son courriel à Noovo Info que «le droit de vote est un droit personnel. En aucun cas, un proche, un tuteur ou un mandataire ne peut voter pour une autre personne.»

Le droit de vote est aussi assez clair du côté d'Élections Canada: tous les citoyens canadiens âgés de 18 ans ou plus ont le droit de voter, y compris les électeurs incarcérés. Dans les faits, une seule personne n'a pas le droit de vote au Canada et il s'agit du Directeur général des élections.

Une fois ces deux critères remplis sur la citoyenneté et l'âge, vous devez vous assurer d'être inscrit au Registre national des électeurs, de choisir le moment où vous souhaitez voter dans le cadre défini par loi (par la poste, par anticipation ou en personne dans un bureau de vote) et d'être en mesure de prouver votre adresse ainsi que votre identité avant de recevoir votre bulletin de vote.