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Les progrès de l’intelligence artificielle (IA) suscitent à la fois scepticisme et enthousiasme auprès des enseignants. Même si certains élèves ont recours à la technologie pour tricher, ces outils ont également le potentiel de rendre l’éducation plus efficace, c'est pourquoi plusieurs professeurs ont choisi de l'utiliser pour alléger leur tâche.
Planifier les cours pour toutes les matières, créer des plans de soutien comportemental pour les élèves, noter, enseigner, le tout en plus d'élever ses trois jeunes enfants: Jessica Reed a songé des centaines de fois à abandonner sa carrière d'enseignante au primaire, submergée par sa charge de travail.
L'intelligence artificielle lui a permis, comme un grand nombre d'autres enseignants, de mieux gérer ses tâches. Bien qu'elle vérifie toujours les informations que lui suggère le programme Eduaide.AI, qu'elle utilise pour planifier ses leçons, elle apprécie que l'outil lui fournisse une ligne directrice sur ce qu'il faut enseigner et quand.
«Je voulais vraiment consacrer cet été à l'exploration de certains de ces outils d'IA et à la manière de m'aider dans ma planification et mes tâches administratives. J'ai pu planifier la majeure partie de mon année scolaire en très peu de temps cet été.», confie-t-elle depuis son domicile à Muskoka, en Ontario.
Le temps épargné grâce à l'intelligence artificielle l'a aidée à se sentir moins coupable. «(Avant), soit je sacrifiais du temps passé en famille en planifiant mes classes durant les soirées et les fins de semaine, soit je passais de temps en famille et j'avais l'impression de laisser tomber mes étudiants, témoigne-t-elle. Je me sentais perdante, peu importe ce que je faisais.»
Quand Mme Reid a partagé ses découvertes et quelques ressources sur les réseaux sociaux, certaines personnes ont mal réagi, l'accusant de donner le mauvais exemple, car si les étudiants faisaient de même, cela pourrait être considéré comme de la triche.
Une préoccupation que Mme Reid balaie du revers de la main. «Le rôle de l'enseignant et celui de l'élève sont très différents. J'ai mérité mon rôle d'enseignante. J'ai déjà fréquenté le système éducatif, nuance-t-elle. Ces enfants sont toujours sur leur cheminement scolaire. J'ai fini le mien.»
Kasi Humber, professeure de français à Truro, en Nouvelle-Écosse, a pour sa part commencé à expérimenter avec l'intelligence artificielle après la sortie, en 2022, de l'application ChatGPT, un modèle de langage basé sur l'IA qui peut rédiger des essais, résoudre des problèmes mathématiques complexes et écrire du code en quelques secondes seulement.
Mme Humber a commencé à utiliser la technologie pour remplir ses bulletins scolaires. Cela lui permet de saisir des informations et de créer des feuilles de calcul organisées avec des notes et des commentaires pour les étudiants.
Elle a ensuite eu recours à l'IA pour fournir du matériel de lecture adapté au niveau et aux intérêts de ses élèves.
«Cela m'a vraiment aidé dans leur compréhension écrite, simplement en m'assurant que je leur fournisse des choses qu'ils souhaitent activement lire», note-t-elle.
Denis Tanguay, professeur d'informatique et d'atelier au secondaire au Conseil des écoles catholiques françaises d'Ottawa, est encore en train de comprendre l'utilisation de la technologie dans sa classe. Et même s'il n'a pas encore utilisé la technique pour sa propre planification de cours, il permettra aux étudiants d'utiliser ChatGPT pour améliorer leurs présentations.
« Nous n'avons pas à avoir peur de l'outil, mais nous devons apprendre aux étudiants comment l'utiliser correctement, estime-t-il. C'est une réalité et nous ne pouvons pas l'ignorer.»
M. Tanguay aimerait voir plus de directives de la part des responsables de l'éducation sur la manière dont les enseignants pourraient utiliser la technologie. Cependant, de nombreux établissements d’enseignement n’ont pas encore formalisé leurs politiques en matière d’utilisation de l’IA, ce qui, pour certains, a créé une incertitude.
Sarah Eaton, professeure agrégée à l'Université de Calgary et experte en éducation à l'IA, affirme que les conseils scolaires et les ministères provinciaux de l'Éducation devraient envisager le perfectionnement professionnel des enseignants afin qu'ils en apprennent davantage sur l'IA et reconnaissent quand elle est utilisée à des fins de triche.
Elle ajoute que les enseignants devraient essayer d'adopter la nouvelle réalité dans laquelle vivent les enfants.
«Les enfants âgés de cinq ans ou moins (...) ne connaîtront jamais l'école sans l'intelligence artificielle dans leur vie quotidienne, souligne-t-elle. Il serait plutôt irresponsable de notre part, en tant qu'éducateurs, de fermer les yeux sur ce phénomène.»