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Justin Trudeau n’a visiblement pas l’intention de lever la vaccination obligatoire pour les camionneurs qui traversent la frontière, après le week-end de rassemblement du «Convoi de la liberté» à Ottawa, lors duquel l’extrême droite a affiché ses couleurs sur la Colline parlementaire.
Voyez l'analyse de Mélanie Marquis, correspondante parlementaire pour «La Presse», dans la vidéo ci-dessus. Crédit photo: Adrian Wyld / La Presse canadienne
«Le défi auquel on fait face dans notre chaîne d’approvisionnement n’est pas dû à la vaccination, mais bien à la COVID-19», a indiqué le premier ministre dans le cadre d’une visioconférence, lundi.
M. Trudeau ne semble avoir aucune intention de dialoguer avec les camionneurs non vaccinés, surtout en raison des quelques démonstrations de haine survenues pendant une fin de semaine autrement calme et pacifique.
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«Le droit de manifester dans une démocratie est extrêmement important, a dit le premier ministre. Il y a eu beaucoup, beaucoup de manifestations depuis un an. Les gens se rencontrent, veulent des changements, mais on n’a pas vu cette rhétorique haineuse, des drapeaux avec la croix gammée.»
«Le droit d’expression est important dans notre nation, mais le symbolisme nazi et le vandalisme ne sont pas acceptables, a-t-il souligné. C'est une insulte. La haine n’est pas la réponse.»
La grande majorité des manifestants a protesté dans le calme, mais le premier ministre Trudeau ne semble pas vouloir entamer un dialogue avec eux non plus.
«Les leaders doivent réfléchir à leur point de vue et à avec qui ils se tiennent. […] Tous ceux qui font partie de ce groupe qui sont écoeurés par ce qu'ont fait les autres doivent prendre leurs responsabilités et les dénoncer», a-t-il expliqué.
Je sais que cette pandémie est frustrante. C’est frustrant d’être encore en train de lutter contre la COVID-19 après deux ans. Mais ces derniers jours, les Canadiens ont été choqués et franchement dégoûtés du comportement de certains manifestants dans notre capitale nationale.
— Justin Trudeau (@JustinTrudeau) January 31, 2022
Les policiers d'Ottawa ont ouvert plusieurs enquêtes en lien avec quelques débordements survenus pendant la manifestation ce week-end.
Outre le non-respect des mesures sanitaires dans les commerces, des méfaits ont été commis au Monument commémoratif de guerre et à la statue de Terry Fox.
Des cas d'intimidation et de menaces envers des policiers ont aussi été rapportés.
Des manifestants s'en seraient également pris au personnel du refuge pour sans-abris Les Bergers de l'espoir, où ils auraient tenté d'obtenir des repas gratuits.
«Je veux remercier tous les Canadiens qui ont fait des dons au refuge Les Bergers de l'espoir et à la Fondation Terry Fox après avoir vu ce qui s’est produit ce weekend», a commenté M. Trudeau.
«J’ai choisi de ne pas participer à des manifestations où il y a de la haine, a-t-il insisté. C’est un manque de respect envers la science et les 90% des camionneurs qui continuent de travailler. [...] La vaste majorité des Canadiens sait que ce n’est pas en rouspétant qu’on va se sortir de cette pandémie. C’est avec la vaccination.»
Le premier ministre a tenu son point de presse à distance puisqu'il a contracté la COVID-19.
M. Trudeau était au centre du message des manifestants présents à Ottawa tout le week-end et lundi. On a pu voir de nombreuses affiches sur lesquelles on pouvait lire «F**k Trudeau». Il a dû être évacué de sa résidence samedi, par mesure de prévention.
Les autorités ont décidé dimanche soir, pour éviter toute confrontation, de ne pas remorquer les camions stationnés devant le Parlement.
Justin Trudeau avait préalablement indiqué vendredi que les manifestants ne représentent pas la grande majorité des camionneurs ou la grande majorité des Canadiens qui ont fait ce qu'il fallait en se faisant vacciner complètement pour se protéger et protéger leurs proches.
Le premier ministre semblait plutôt préoccupé par le risque de violence que par le message des camionneurs. La manifestation devait accueillir des sympathisants de l’extrême droite, selon des experts de mouvements radicaux. Plusieurs personnes impliquées dans l’organisation du convoi de camionneurs qui sillonne depuis plusieurs jours les routes du pays sont connues des organisations qui surveillent la droite radicale au Canada.
À 11h, CTV News a assisté à l'arrivée des forces de l'ordre sur la Colline parlementaire. Selon la première information, il s'agissait d'un incident, mais il ne s'agissait finalement que de la mise en place de plus d'effectifs policiers sur les lieux de la manifestation.
Still more police heading to Parl Hill right now. #cdnpoli pic.twitter.com/BIm4PyoFmK
— Evan Solomon (@EvanLSolomon) January 31, 2022
Michel Saba / La Presse canadienne
Pointant directement le chef conservateur Erin O'Toole, qui a rencontré des manifestants au cours des derniers jours, M. Trudeau a interpellé les politiciens qui «exploitent la peur», leur demandant de «réfléchir sérieusement» aux conséquences de leurs appuis et des messages qu'ils véhiculent.
«Nous avons vu durant plusieurs mois des politiciens conservateurs partager de la désinformation sur les vaccins, encourager des théories conspirationnistes en ligne», a dit M. Trudeau.
Choisir «d'appuyer tacitement» des gens qui véhiculent des théories conspirationnistes et de la désinformation, «c'est un reflet de qui nous sommes comme leader», a-t-il lancé.
Il y a des milliers «de patriotes» sur la colline, a lancé la cheffe adjointe des conservateurs, Candice Bergen, lors de la période des questions à la Chambre des communes. La population veut un leader qui «écoute, même les voix avec qui il est en désaccord», a-t-elle dit.
Le leader du gouvernement à la chambre, Mark Holland, s'est alors levé pour demander à Mme Bergen de dénoncer «dans les termes les plus clairs» ceux qui «incitent à la haine et la violence».
«Nous condamnons tous les actes de haine par une minorité dans toute manifestation», a-t-elle offert sous les applaudissements avant de reprocher au premier ministre de «qualifier de racistes» les manifestants, eux qui sont «des patriotes, attachés à la paix».
«Il y a un moment où nous devons désamorcer les tensions», a tenté de dire M. Holland dans un chahut qui l'a empêché de terminer son propos.
«Ce n'est pas uniquement parce que le premier ministre a revêtu des costumes racistes si souvent qu'il ne peut pas se souvenir de chacune de ces fois, ça ne veut pas dire que tous les libéraux sont racistes», a affirmé le député bien en vue Pierre Poilièvre, avant d'expliquer que ce serait de la «culpabilité par association».
M. Poilièvre a lui aussi qualifié de «patriotes» les manifestants «qui se battent pour leur survie et qui font de leur mieux pour remettre ce pays sur les rails».
Prenant la parole au début de l'exercice, le chef conservateur Erin O'Toole a demandé au premier ministre ce qu'il attend «pour utiliser tous les outils nécessaires pour pouvoir retrouver une vie normale», ce à quoi M. Trudeau lui a répondu que «contrairement au Parti conservateur», il privilégie «les meilleurs outils»: les vaccins.
Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a dénoncé les «images haineuses et troublantes» observées au cours de la fin de semaine, estimant que les conservateurs ont «laissé la porte ouverte à cette sorte de haine.»
Le leader à la Chambre du Bloc québécois, Alain Therrien, n'a pas caché son exaspération.
«Les choses dégénèrent. Le centre-ville d'Ottawa est paralysé, les ponts sont fermés, les députés qui sont élus par des millions de personnes peuvent difficilement accéder au gouvernement, a-t-il lancé. Ces mesures qu'ils dénoncent sont les mesures à utiliser pour sortir définitivement de la pandémie.»
«Nous allons évidemment toujours défendre la liberté de manifester», a répondu M. Trudeau, réitérant qu'il est temps que «les gens entrent chez eux», leur message étant passé.