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François Legault a dit mercredi être ouvert à des «aménagements» à l'entente actuelle en échange d'un «prix avantageux» après 2041.
Le Québec est prêt à payer plus cher à Terre-Neuve-et-Labrador l’électricité qu’il achète du barrage de Churchill Falls, au Labrador, avant la fin de l’entente contestée qui lie les deux provinces jusqu’en 2041.
C’est la première fois que le gouvernement du Québec ouvre une telle porte: ce contrat d’approvisionnement est une mine d’or actuellement pour Hydro-Québec, car il assure le tiers de ses profits.
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Mais il est désavantageux pour le gouvernement terre-neuvien, qui trouve l’idée de le modifier `plus qu’intéressante' et qui s’est dit en position de force mercredi.
À la veille de s’envoler vers Saint-Jean pour rencontrer son homologue Andrew Furey, François Legault a dit mercredi être ouvert à des «aménagements» à l’entente actuelle en échange d’un `prix avantageux' après 2041.
Incidemment, Hydro-Québec a annoncé le même jour un bénéfice annuel record, le plus élevé de toute son Histoire, 4,5 milliards $, soit presque 1 milliard $ de plus que l’an dernier - ce qui pourrait compliquer la mission de M. Legault à Saint-Jean.
Le premier ministre du Québec veut donc lancer jeudi et vendredi les pourparlers pour le renouvellement de l’entente en ouvrant son jeu et en suggérant des concessions.
Même s’il reste 18 ans à l’accord, le compte à rebours est déjà enclenché, car il s’agit de l’une des pièces maîtresses de la stratégie énergétique du gouvernement Legault. S’il faut s’en passer, il faut en effet de 12 à 15 ans pour construire un nouveau barrage et les surplus d’électricité du Québec fondent à vue d'oeil.
Hydro-Québec paie un tarif fixe très avantageux pour l’électricité produite par Churchill Falls, 0,2 cent du kilowatt-heure, mais l’a revendu en moyenne à 8,2 cent du kilowatt-heure en 2022, a précisé la société d’État mercredi.
Le tiers de la profitabilité d’Hydro-Québec repose sur le contrat avec Terre-Neuve, a indiqué sa présidente-directrice générale, Sophie Brochu, lors d’une conférence de presse à Montréal, pour discuter des résultats de la société d’État.
«Une chose qui est certaine, c’est que ça va coûter beaucoup plus cher, je pense qu’il n’y a personne qui tombe en bas de sa chaise quand je dis ça.»
En mêlée de presse mercredi matin, M. Legault a affirmé que la prochaine entente du Québec avec Terre-Neuve-et-Labrador doit être «gagnant-gagnant', mais `gagnant pour les Québécois», a-t-il ajouté.
Le Québec pourrait même bonifier l’accord actuel à l’avantage de sa voisine, ce qu’il a toujours refusé de faire auparavant.
«Est-ce qu’il y a des aménagements à faire, d’ici 2041, pour, dans la balance, dire qu’il y en a (des gains dans cette entente) pour Terre-Neuve?» s’est demandé le premier ministre.
«Ça va dépendre du prix que Terre-Neuve nous offre à partir de 2041. Si on nous offre un prix très avantageux à partir de 2041, est-ce qu’on est prêt à verser des montants avant 2041? Ça va faire partie de ce qui va être demandé, probablement.»
Andrew Furey a dit mercredi être en position de force dans ces négociations.
«Nous ne sommes pas à genoux devant le Québec, c’est le Québec qui vient à nous», a-t-il déclaré. L’idée de rouvrir l’accord actuel est «plus qu’intéressante», a-t-il poursuivi.
Churchill Falls représente 15 % de la capacité de 210 térawattheures d’Hydro-Québec. La centrale dispose d’une puissance installée de 5000 à 6000 mégawatts.
L’entente de 1969 permet à Hydro-Québec d’acheter 85 % de l’électricité produite à Churchill Falls et donc de récolter l’essentiel des profits. Le bloc restant de 15 % sert à alimenter les clients du réseau terre-neuvien au Labrador, ou est vendu sur les marchés d’exportation.
Québec doit ainsi savoir rapidement quel sera le prochain tarif qu’imposera Terre-Neuve-et-Labrador, pour décider s’il l’acceptera ou s’il construira un nouvel ouvrage hydro-électrique.
Or, le gouvernement caquiste a déjà évoqué la possibilité d’en ériger quatre ou cinq nouveaux, car les surplus d’Hydro diminuent et il faudra 100 térawattheures pour décarboner complètement le Québec d’ici à 2050.
En effet, le gouvernement prévoit une hausse de la demande d’électricité au cours des prochaines décennies en raison de la conversion des industries à l’électricité, visant à réduire à zéro les émissions de gaz à effet de serre (GES).
En 2019, l’entente de Churchill Falls avait rapporté en bénéfices près de 28 milliards $ au Québec, comparativement à seulement 2 milliards $ à Terre-Neuve-et-Labrador.
Au fil des ans, plusieurs jugements de tribunaux ont confirmé la validité de cette entente commerciale.
La centrale hydroélectrique et l’équipement de transmission au Labrador sont détenus et exploités par la Churchill Falls (Labrador) Corp. La société d’État terre-neuvienne Newfoundland and Labrador Hydro détient 65,8 % des actions de l’entreprise Churchill Falls et Hydro-Québec possède le reste. Bien que le contrat actuel expirera en 2041, Hydro-Québec conservera sa part de 34,2 % dans Churchill Falls (Labrador) Corp.