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Chandail orange: des artistes autochtones sollicités par de grandes entreprises

Jenny Kay Dupuis a été choisie par Winners et Marshalls Canada pour concevoir le t-shirt de la Journée du chandail orange.

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edc5cc2acdc95585e612be5c8f3a414e72a568306b2e466fd707ebaa22a95203.jpg Brooklyn Rudolph, a Winnipeg designer who was selected by Walmart to create their Orange Shirt Day design, is photographed at a Walmart in Winnipeg, Man., Wednesday, Sept. 24, 2025. THE CANADIAN PRESS/John Woods (LA PRESSE CANADIENNE/John Woods)

Jenny Kay Dupuis se trouvait récemment dans un magasin Winners lorsqu'une personne âgée lui a demandé de l'aide pour trouver certaines tailles de chandail orange en exposition.

La dame âgée se rendait aux États-Unis pour rendre visite à ses petits-enfants et souhaitait leur apporter le chandail portant l'inscription «Chaque enfant compte», expression emblématique de la Journée du chandail orange.

Elle a expliqué qu'elle souhaitait partager avec les enfants la signification du chandail et le mouvement visant à reconnaître et à honorer les survivants des pensionnats autochtones et ceux qui n'ont jamais pu rentrer chez eux.

La dame ignorait qu'elle parlait à l'artiste anishinaabe qui avait conçu le chandail accroché au présentoir.

«Quand je pense à ce que cette dame a fait en transmettant cette histoire à ses petits-enfants et en leur parlant des différentes leçons qu'ils pourraient en tirer, c'est un sentiment vraiment réconfortant», a témoigné Mme Dupuis.

Jenny Kay Dupuis a été choisie par Winners et Marshalls Canada pour concevoir le t-shirt de la Journée du chandail orange, dont les profits seront versés à l'organisme sans but lucratif Orange Shirt Society.

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D'autres détaillants, dont les marques de mode canadiennes Aritzia et Joe Fresh, collaborent également avec des artistes autochtones pour leurs campagnes de t-shirts.

La Journée du chandail orange, qui a lieu chaque 30 septembre, a été instaurée en 2013.

Elle a été créée pour honorer l'histoire de Phyllis Webstad, qui a été forcée de fréquenter un pensionnat autochtone à l'âge de six ans et s'était vu retirer son nouveau t-shirt orange de sa grand-mère.

En 2023, Ottawa l'a déclarée Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, en instaurant un jour férié pour les employés du gouvernement fédéral. Certaines provinces et certains territoires ont emboîté le pas.

Des entreprises non autochtones ont également collaboré avec des artistes autochtones pour concevoir des t-shirts pour la journée, dont les profits seront versés à des organismes autochtones.

C'est la deuxième année que Mme Dupuis collabore avec Winners et Marshalls Canada.

L'artiste, membre de la Première Nation Nipissing en Ontario et résidant à Toronto, a déjà collaboré avec les détaillants pour créer des articles de rentrée scolaire et d'autres vêtements à partir de ses œuvres.

Commémoration et revitalisation

Cette année, elle a intitulé sa création Cœurs en harmonie.

Elle met en scène la lune, appelée «Grand-mère Lune» dans certaines cultures autochtones, veillant sur un groupe d'enfants. Une grue, une tortue et un poisson symbolisent la vérité, la résilience et le lien intergénérationnel. Des fleurs de myosotis sur une tête d'ours rendent hommage aux enfants arrachés à leurs familles et placés de force dans des pensionnats.

Les images évoquent la commémoration et la revitalisation des cultures autochtones.

«Ces politiques visaient à forcer tant de personnes à fréquenter les pensionnats et à les empêcher de pratiquer leur culture ou leur langue», a expliqué Mme Dupuis, dont la grand-mère a fréquenté l'un de ces pensionnats.

«Nous sommes à un moment et à un espace précis où nous écoutons la voix des survivants des pensionnats, de leurs familles et de leurs communautés.»

Lorsque Brooklyn Rudolph a répondu à un appel à projets pour la Journée du chandail orange lancé par Indigenous Proud, un programme créé par le Conseil tribal Naut'sa mawt en Colombie-Britannique, elle ne s'attendait pas à ce que son œuvre gagnante soit disponible en magasin partout au pays.

«J'avais l'impression que ce serait une petite œuvre locale, mais néanmoins percutante. (…) Apprendre qu'elle était disponible chez Walmart partout au pays a été une grande surprise», a confié Mme Rudolph.

«Ma famille était tellement heureuse et fière d'apprendre que j'avais cette opportunité.»

Les profits de la vente de son chandail dans le cadre de la campagne de Walmart Canada seront versés à l'Orange Shirt Society et à l'Indian Residential School Survivors Society.

Partager l'amour

L'artiste, originaire de Winnipeg et membre de la Nation crie de Pimicikamak, dans le nord du Manitoba, dit avoir été inspirée par ses grands-parents qui ont fréquenté le pensionnat Guy Hill à The Pas, au Manitoba.

Son œuvre représente deux enfants se tenant la main, symbolisant l'unité et la résilience, a-t-elle expliqué. Une étoile, appelée Keewatin en cri, signifie «étoile du retour à la maison». Un aigle qui vole symbolise l'amour.

«S'il y a une chose que mon grand-père a toujours dite à ma famille, c'est de partager l'amour. Je voulais donc vraiment intégrer cet enseignement», a-t-elle souligné.

Mme Rudolph indique que son intérêt pour l'art a commencé comme un moyen de se réapproprier l'identité autochtone arrachée à ses grands-parents. Grâce à l'art, elle a entrepris son propre cheminement vers la guérison et a renoué avec sa communauté.

Elle a également trouvé des moyens de soutenir les groupes autochtones et de leur redonner, tout en agissant comme médiatrice auprès des groupes non autochtones.

«Cela apporte la vérité et la réconciliation à des gens de partout et leur permet de nous accompagner dans notre cheminement vers la guérison.»

Brittany Hobson

Brittany Hobson

Journaliste