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Le ministère de la Défense nationale lèvera à l'hiver 2023-2024 l’obligation pour les membres des Forces armées canadiennes de signaler toute inconduite, sexuelle ou non.
Les règles relatives à «l’Obligation de signaler» obligeaient les victimes – et leurs confidents – à rapporter des agressions à leur supérieur, ce qui impliquait un processus de plainte formelle. La mesure était largement critiquée, notamment par des survivantes et des survivants.
Plusieurs dénonçaient le caractère obligatoire qui «forçait» les victimes à entreprendre des démarches alors qu’elles n’en avaient pas envie ou qu’elles ne se sentaient pas prêtes. Le fait de «perdre leur autonomie et leur contrôle» figure aussi au nombre des conséquences néfastes soulevés par les survivants et les survivantes.
«C’est devenu une barrière de rapporter les incidents. On voulait une approche plus humaine, plus axée sur les victimes», a précisé la Lieutenante générale Jennie Carignan, cheffe Conduite professionnelle et Culture, en conférence de presse mercredi.
Voyez le compte-rendu de Jean-François Poudrier dans la vidéo liée à l'article.
Mme Carignan a précisé que d’abroger les règles relatives à l’obligation de signaler des comportements inadéquats ou criminels «ne limitera d’aucune manière la capacité des membres des Forces armées canadiennes à signaler un incident ou une inconduite».
«Notre intention est simplement de laisser aux militaires la possibilité d’exercer leur pouvoir discrétionnaire et de choisir la meilleure voie à suivre en tenant compte du bien-être des personnes affectées.»
Lorsqu'on parle d'incident ou d'inconduite, il est question, entre autres, d'agressions sexuelles, de harcèlement sexuel et de discrimination fondée sur le sexe, le genre, l'identité de genre ou l'orientation sexuelle.
«Nous devons favoriser une culture dans laquelle les survivants et survivantes et toutes les personnes affectées par l’inconduite se sentent en sécurité, appuyées et en mesure de signaler les actes répréhensibles de la manière qui leur convient», a pour sa part affirmé le général Wayne Eyre, chef d’état‑major de la Défense, dans un communiqué acheminé aux médias.
Avant l’entrée en vigueur de cette abrogation à l’hiver 2023-2024, le MDN et les FAC procèdent à un examen «exhaustif et approfondi» de l’ensemble des politiques, des directives, des ordonnances et des règlements pertinents afin de déterminer les modifications ou les améliorations qui pourraient être nécessaires pour régler tout problème découlant de l’abrogation. «Cet examen tient compte de l’ensemble des cas d’inconduite et vise à aborder les risques potentiels grâce à l’élaboration de mécanismes de rechange», explique-t-on.
Le processus comprendra également des consultations ciblées «auprès de personnes ayant une expérience vécue et de spécialistes pertinents provenant tant de l’intérieur que de l’extérieur du MDN et des FAC».
Cette décision du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes donne suite à l'une des recommandations du rapport de l’examen externe indépendant et complet (EEIC) dirigé par l'ancienne juge de la Cour suprême, Louise Arbour. Lancé en 2021, l'exercice visait à faire la lumière sur les causes du harcèlement sexuel et de l’inconduite sexuelle au sein des FAC.
Dans ce rapport, dévoilé en mai 2022, Mme Arbour signale notamment qu'«il ressort clairement des faits que l’obligation de signaler n’a pas atteint l’objectif visé et, pire encore, n’a servi qu’à terroriser et à revictimiser les personnes qu’elle était censée protéger.»
Le 15 août dernier, le gouvernement du Canada anonçait que les militaires pourront dorénavant porter plainte pour inconduite sexuelle, harcèlement ou discrimination directement auprès de la Commission canadienne des droits de la personne.
Le changement, qui s'appliquera aux plaintes nouvelles et existantes, permettra aux militaires de demander un examen indépendant avant même d'épuiser les processus de règlement des griefs au sein de l'armée.
Jusqu'ici, les militaires devaient épuiser toutes les procédures internes de règlement des griefs avant de demander un examen indépendant de leur cas.
Louise Arbour avait aussi recommandé ce changement dans son rapport de mai 2022 sur l'inconduite sexuelle et la culture toxique au sein des Forces armées.
Les plaintes pour harcèlement et discrimination qui ne sont pas fondées sur le sexe seront toujours traitées par le biais de procédures militaires internes.
Avec des informations de La Presse canadienne.