Un juge de la Cour suprême du Brésil a exprimé mercredi de vives critiques sur le procès historique contre l’ex-président Jair Bolsonaro pour tentative présumée de coup d’État, et souligné que la haute juridiction ne devait pas rendre de «jugement politique».
Inéligible jusqu’en 2030 et assigné à résidence depuis début août, l’ancien chef d’État d’extrême droite (2019-2022) encourt jusqu’à 43 ans de prison, pour un verdict attendu d’ici vendredi.
Accusé d’avoir ourdi un complot pour son «maintien autoritaire au pouvoir» malgré sa défaite face au président actuel de gauche Luiz Inacio Lula da Silva lors de l’élection de 2022, Jair Bolsonaro, 70 ans, clame son innocence.
Deux de ses cinq juges ont déjà voté mardi pour le condamner. A la reprise mercredi des travaux, leur collègue Luiz Fux a fait entendre pour la première fois un ton dissonant sur ce dossier explosif.
«Il n’appartient pas à la Cour suprême de faire un jugement politique sur ce qui est bon ou mauvais, opportun ou inopportun, approprié ou inapproprié», a-t-il dit en préambule, appelant à «ne pas confondre le rôle du juge avec celui de l’agent politique».

Sur le dossier lui-même, il a estimé que la Cour suprême n’avait aucune compétence pour juger M. Bolsonaro et ses sept co-accusés, dont d’anciens ministres et des militaires haut gradés. Selon lui, ils devraient être jugés dans des instances inférieures.
Il est aussi venu en renfort de la défense des accusés en déplorant la «mise à disposition tardive d’un véritable tsunami de données» amassées au cours d’une enquête tentaculaire.
Le juge n’a pas révélé la nature de son vote.
Pour que M. Bolsonaro soit condamné ou acquitté, une majorité simple de trois juges sur cinq est nécessaire, mais le verdict et une éventuelle peine ne seront formellement prononcés qu’une fois que tous les juges auront voté.
Lors des audiences, qui sont retransmises en direct sur les chaînes d’information et de nombreux sites internet, le rapporteur du procès, Alexandre de Moraes, honni des bolsonaristes, a été le premier à parler à mardi.
Tensions avec Washington
Lors de son vote, il a affirmé que le Brésil avait «failli revenir à une dictature» lors du supposé putsch manqué.
Ce juge à la fois puissant et clivant est au cœur de la crise entre États-Unis et Brésil.
Le président américain Donald Trump a en effet invoqué une «chasse aux sorcières» contre son allié d’extrême droite Jair Bolsonaro pour justifier une surtaxe punitive de 50% sur une partie des exportations brésiliennes.
L’administration Trump a en outre pris des sanctions individuelles contre le juge Moraes et plusieurs magisrats de la Cour suprême.
Mardi, la tension du côté des autorités brésiliennes est encore montée d’un cran.
Le gouvernement Lula a condamné ce qu’il a interprété comme une «menace d’usage de la force» et a assuré qu’il ne se laisserait pas «intimider par toute atteinte» à sa souveraineté.
En cause: des propos de la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, soutenant que le président Trump «n’a pas peur d’utiliser la puissance économique, la puissance militaire des États-Unis d’Amérique pour protéger la liberté d’expression dans le monde», en réponse à une question sur le Brésil.
Mardi, le second juge à voter au procès Bolsonaro, Flavio Dino, a ironisé sur les pressions américaines des dernières semaines.
«Quelqu’un pense-t-il vraiment que Mickey va pouvoir changer le cours d’un procès à la Cour suprême?», a-t-il lancé, rigolard.
Mais pour Marisa Almeida, conseillère municipale bolsonariste de 31 ans venue spécialement de l’État du Para (nord) pour apporter son soutien à Jair Bolsonaro à Brasilia, la pression américaine est «une lumière au bout du tunnel», dit-elle à l’AFP.
Elle participait mardi soir à une veillée de prières près du lotissement de luxe où l’ex-président est assigné à résidence.
