L’administration Trump s’est vantée, il y a quelques jours de cela, avoir coulé un bateau voguant en eaux internationales. La raison? Le bateau est rempli de drogue. Beaucoup de drogue. Et à bord, 11 trafiquants vénézuéliens… présumés.
Aucune preuve, donc. De rien. Pas grave. Idem pour le fait qu’il s’agit ici d’eaux internationales, c’est-à-dire sans juridiction pour les É.-U. Re-idem, enfin, qu’il s’agit du job ordinaire de la police, qui arrête et saisit les preuves, et fait accuser ensuite.
Le président du Venezuela, lui, hurle à la fabrication de toute pièce. Trop tard.
Interpellé sur l’affaire, Trump d’ajouter: «Que ceci serve d’avertissement à tous ceux souhaitant transporter de la drogue aux États-Unis.»
Appuyé dès lors par son vice-président J. D. Vance, ce dernier lance «qu’il s’agit de la meilleure utilisation de nos forces militaires».
Fâché, le sénateur (pourtant républicain) Rand Paul réplique: «Est-ce qu’il a déjà pensé aux conséquences de se faire exécuter ipso facto, sans procès ou représentation? Quelle détestable attitude que de glorifier l’assassinat d’autrui sans audition!»
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Brian Krassenstein, podcaster, en ajoute une couche: «Tuer des civils d’une autre nation sans procès juste et équitable a un nom: un crime de guerre.»
La réplique directe de Vance? «I don’t give a shit what you call it».
Personne de trop surpris, j’en suis certain. Pourquoi? Parce que les huit derniers mois, ceux du régime Trump, confirment l’évidence: cette administration refuse à la fois décence, morale et respect des règles. Des bandits, ni plus ni moins, œuvrant dans un Far West nouveau genre. Celui qui met en vedette et qui glorifie quiconque tire le plus vite. Au propre comme au figuré.
L’enjeu concret, au-delà de l’image? Que cette violation perpétuelle du droit applicable, international ou interne, ne peut que mener qu’à un seul résultat: celui d’une violence en escalade, jusqu’à la guerre civile.
J’exagère? Peut-être. Mais je ne crois pas.
Pourquoi, selon vous, l’envoi de la Garde nationale (armée) à même diverses villes démocrates? À des fins de contrôle partisan. Prédiction: que le coup du bateau vénézuélien coulé, sans preuve ni procès, risque fort de s’appliquer éventuellement contre… les Américains eux-mêmes! Ceux qui, bien sûr, tiendront tête à l’administration. On les dépeindra, sans vergogne, comme de dangereux criminels menaçant la sécurité publique et l’ordre établi.
J’exagère encore? Peut-être encore. Mais je ne crois pas (encore).
Laissez-moi vous raconter une petite histoire me concernant survenue lors d’un voyage au Brésil en décembre 2019, dans une favela de Rio de Janeiro, la plus dangereuse à vrai dire. Des voitures calcinées parsèment les fossés. On arrête au premier immeuble, lieu convenu du rendez-vous avec Flavio, mon «fixer».
Il gueule:
— Ce gars-là aurait pu vous faire tuer! On ne rentre pas dans une favela, les fenêtres montées, surtout pas fumées, et surtout pas dans un char de luxe! Si le BOPE (police militaire brésilienne) vous voyait en premier, ils vous tiraient dessus ! Si je n’arrivais pas en premier, toi et ton chauffeur…
Il mime ensuite des tirs de mitraillette, histoire d’imager son propos.
Chic.
En fait, non seulement Bolsonaro, le président de l’époque, exige alors de sa police que celle-ci «nettoie» les favelas en «tirant sur tout ce qui bouge», mais en plus, il vient de faire adopter au Parlement une loi leur assurant une immunité complète, civile et criminelle, s’ils «tuent dans le cadre de leurs fonctions».
— Ça arrive souvent?
— Chaque semaine, parfois plus. Il y a quatre jours, cinq se sont fait tuer. Le BOPE est arrivé tôt, le matin, vers 5-6 heures du mat, et paf, la mitraillette. La jungle, Man.
Et je ne vous ai pas encore parlé des Philippines de l’ancien président Roberto Duerte? 6000 exécutions sans procès dans une guerre contre la drogue, 2000 par la police et 4000 par des «forces de l’ombre». Tirez en premier, qu’y disaient.
Et pour la suite? Les paris sont ouverts.
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