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«Beaucoup de nervosité et d'anxiété» avec SAAQclic, dit Konrad Sioui

Il admet qu'il ne savait pas grand-chose du virage numérique de la SAAQ à son arrivée comme président du C.A.

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Scandale SAAQCliq: l’ex-président du C.A. de la SAAQ témoigne Jean-François Poudrier revient sur la comparution de Conrad Sioui et Sylvain Gaudreault, révélant que l’embauche d’un nouveau PDG en 2021 avait été imposée par le gouvernement Legault.

À son arrivée comme président du C.A. de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) en 2021, Konrad Sioui sent qu'«il y a beaucoup de nervosité et d'anxiété».

Il comprend que son rôle sera de rassembler, en utilisant la «pensée circulaire», c'est-à-dire en favorisant le travail d'équipe et en s'assurant que «tout le monde se sente partie prenante». 

Konrad Sioui admet qu'il ne sait pas grand-chose du virage numérique qui est déjà bien entamé à la SAAQ. Il dit avoir «appris sur le tas».

«Il a fallu que j'apprenne et que j'assimile beaucoup d'informations», a-t-il déclaré vendredi à la commission Gallant chargée d'enquêter sur le fiasco SAAQclic.

La PDG de l'époque, Nathalie Tremblay, lui aurait conseillé de prendre le temps de bien «écouter» et «assimiler», même s'il reconnaît être arrivé à une «étape critique» du projet.

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Le gouvernement impose la nomination d'un PDG sans expérience numérique

Lorsque Mme Tremblay part à la retraite, «le politique nomme son homme» et la remplace, en novembre 2021, par un candidat de l'externe, Denis Marsolais. Cette décision passe très mal à la SAAQ.

«Lui aussi, il arrivait d'une autre planète, a déploré M. Sioui. Il a fallu qu'il apprenne et pendant ce temps, le temps s'écoulait. Il y a eu comme un vide. Ça a été un chemin de croix.»

«Le politique a imposé (M. Marsolais). On ne s'est pas bien sentis. On n'était pas heureux de ça. (...) On aurait eu besoin de continuité», a-t-il ajouté.

Le déploiement raté de SAAQclic a provoqué en 2023 des files monstres devant les succursales. Il pourrait coûter plus de 1,1 milliard d'ici 2027, soit 500 millions $ de plus que prévu, selon le Vérificateur général (VG).

Bonnardel «très préoccupé» dès 2021, Guilbault difficile d'accès

Dès septembre 2021, le ministre des Transports de l'époque, François Bonnardel, est «très préoccupé» par l'état des finances à la SAAQ.

Il convoque à son bureau la PDG Tremblay, le président Sioui, le vice-président des technologies de l'information, Karl Malenfant, et la garde rapprochée du ministre du Numérique Éric Caire, entre autres.

M. Sioui est impressionné par le ministre Bonnardel, qui remplit «très bien» son rôle de ministre, selon lui, en mettant son poing sur la table et en exigeant des suivis mensuels.

«C'était du sérieux», a-t-il raconté. Ces suivis ont-ils réellement été faits tous les mois? M. Sioui ne le sait pas. 

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À cette époque, M. Sioui parle régulièrement au chef de cabinet et à l'attaché politique de M. Bonnardel. Le virage numérique est régulièrement à l'ordre du jour, dit-il.

Mais les choses changent du tout au tout lorsque Geneviève Guilbault succède à M. Bonnardel en octobre 2022. 

«Ça a coupé complètement», a affirmé l'ex-président du C.A. «Pas de son, pas d'images», a résumé le commissaire Gallant. «Rien avant février 2023», a confirmé M. Sioui.

Mme Guilbault préfère s'entretenir avec M. Marsolais, qu'elle connaît bien pour avoir déjà travaillé avec lui, selon le témoignage de l'ancien grand chef de la Nation huronne-wendat.

Contrat morcelé en 2022: aucun lien avec l'élection, dit Sioui 

En juin 2022, M. Sioui est mis au courant qu'il manque 222 millions $ pour pouvoir finir le projet numérique. Le C.A. décide de ne pas donner de «chèque en blanc» et demande des précisions.

Deux mois plus tard, en septembre, la SAAQ propose au C.A. de morceler le 222 millions $. Résultat: le premier avenant de 45 millions $ n'apparaît pas dans le système électronique d'appel d'offres du gouvernement (SEAO).

Publier le montant au complet dans le SEAO aurait induit «un risque médiatique et politique élevé», selon ce qui sera plus tard rapporté au VG. Les élections provinciales allaient avoir lieu le 3 octobre 2022.

Interrogé vendredi à savoir si l'option du morcellement avait été retenue en raison du contexte électoral, M. Sioui a répondu: «Aucunement». Le but, a-t-il dit, était de faire des suivis plus serrés de chaque étape. 

M. Sioui soutient qu'il ne savait pas que le C.A. se trouvait à contourner le SEAO. «Ça n'a pas été expliqué».

Par ailleurs, la commission a appris vendredi que le C.A. a envisagé de démissionner en bloc après la débâcle de l'hiver 2023. «On ne se sentait pas respectés suffisamment», a déclaré M. Sioui.

Les membres du C.A. ont finalement décidé d'écrire une lettre au premier ministre François Legault le 16 mars 2023, lettre qui est restée sans réponse.

Le PDG actuel de la SAAQ veut abaisser l'alcoolémie à 0,05

Konrad Sioui a conclu son témoignage, vendredi, en décochant une dernière fléchette à Geneviève Guilbault concernant son refus d'abaisser le taux d'alcoolémie de 0,08 à 0,05.

Il a confié que le PDG actuel de la SAAQ, Éric Ducharme, a toujours été en faveur de cette mesure, mais qu'il a dû cesser de s'exprimer sur la question à la demande du gouvernement. 

Toutes les provinces canadiennes imposent des sanctions administratives dès 0,05, mais le gouvernement Legault s'y est toujours opposé.

«M. Ducharme a toujours été pour le 0,05, (...) et il m'a raconté ça que ça ne faisait pas l'affaire qu'il se soit exprimé sur le 0,05 pendant que le gouvernement était toujours sur le 0,08», a déclaré M. Sioui.

«Ça montre que des fois, la marge n'est pas bien large quand on est serviteur de l'État», a-t-il ajouté.

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«Toute une déclaration de M. Sioui sur l'alcool au volant et l'ingérence politique de Geneviève Guilbault dans le dossier», a réagi sur X le député libéral Monsef Derraji, qui a fait de cet enjeu un véritable cheval de bataille. 

«Le PDG de la SAAQ était favorable au 0,05, mais ça ne faisait pas l'affaire du gouvernement. Alors, on lui a fait comprendre de se taire», a dénoncé M. Derraji.

En toute fin de témoignage, lors de ses remarques finales, M. Sioui est revenu sur l'enjeu, précisant être lui aussi en faveur d'abaisser le taux d'alcoolémie à 0,05. 

Dans le procès-verbal du C.A. du 15 septembre 2022, on peut également lire que l'ex-PDG Marsolais a «introduit» une discussion sur le 0,05, considérant que «80 % de la population se dit contre l'alcool au volant».

Au terme de cette rencontre, «les membres s'accordent pour dire que la mesure 0,05 % alcool vaut la peine d'être défendue auprès des autorités compétentes», est-il écrit dans le document.