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L’avocate du seul assaillant survivant du massacre terroriste de novembre 2015 à Paris a critiqué la condamnation pour meurtre de son client et sa peine de prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle, déclarant jeudi que le verdict «soulève de sérieuses questions».
Par NICOLAS VAUX-MONTAGNY, JEFFREY SCHAEFFER and BARBARA SURK
Salah Abdeslam a été reconnu coupable mercredi de meurtre et tentative de meurtre en relation avec une entreprise terroriste, entre autres chefs d’accusation, pour sa participation aux attentats perpétrés par le groupe État islamique contre le théâtre du Bataclan, les cafés de Paris et le stade national français, qui ont fait 130 morts.
Ronen a soutenu tout au long du procès marathon d’Abdeslam et de 19 autres hommes que son client n’avait pas fait dénoter sa veste bourrée d’explosifs et n’avait tué personne la nuit des attentats les plus meurtriers de l’histoire de France en temps de paix.
Néanmoins, Abdeslam, un Belge de 32 ans, a été condamné à la peine la plus sévère possible en France pour meurtre et cela «soulève de sérieuses questions», affirme Mme Ronen dans une interview accordée à la station de radio publique France Inter.
Lors de son témoignage au procès, Abdeslam a déclaré à un tribunal spécialisé pour le terrorisme à Paris qu’il était un ajout de dernière minute à l’escouade d’attaque de neuf membres qui s’est répandue dans la capitale française le 13 novembre 2015 pour lancer les attaques coordonnées sur plusieurs sites.
Abdeslam a déclaré être entré dans un bar avec des explosifs attachés à son corps, mais avoir changé d’avis et désactivé le détonateur. Il dit qu’il ne pouvait pas tuer des gens «pendant qu’ils chantaient et dansaient».
Le tribunal a toutefois estimé que le gilet d’explosif d’Abdeslam avait mal fonctionné, rejetant ainsi son affirmation selon laquelle il avait décidé de ne pas poursuivre sa partie de l’attaque en raison d’un changement d’avis.
Les huit autres assaillants, dont le frère d’Abdeslam, se sont fait exploser ou ont été tués par la police. Abdeslam a conduit trois d’entre eux sur les lieux des attaques cette nuit-là.
Le pire carnage a eu lieu au Bataclan. Trois hommes armés ont fait irruption dans la salle, tirant sans discernement. Quatre-vingt-dix personnes sont mortes en quelques minutes. Des centaines de personnes ont été prises en otage -certaines gravement blessés- pendant des heures avant que le président de l’époque, François Hollande, n’ordonne l’assaut du théâtre. Selon l’avocate de la défense Ronen, Abdeslam n’était à aucun moment à proximité du Bataclan cette nuit-là, suggérant qu’il ne méritait donc pas la peine la plus sévère possible en France pour meurtre.
«Nous avons condamné une personne dont nous savons qu’elle n’était pas au Bataclan comme si elle y était», dénonce Ronen. «Cela soulève de sérieuses questions».
Le procureur général du tribunal spécial pour le terrorisme Jean-François Ricard a déclaré que le procès des 20 extrémistes, les verdicts et les peines du tribunal, y compris la plus sévère pour Abdeslam, étaient un «triomphe pour l’État de droit» en France.
«Abdeslam a déposé trois bombes humaines et a tué par procuration», certifie Ricard jeudi dans une interview avec un autre diffuseur public France Info. «Sa punition est juste».
La peine de perpétuité sans libération conditionnelle n’avait été prononcée auparavant que quatre fois en France, pour des crimes liés à des viols et des meurtres de mineurs.
Le tribunal spécial pour le terrorisme a également condamné 19 autres hommes impliqués dans les attentats. Dix-huit d’entre eux ont fait l’objet de diverses condamnations liées au terrorisme, et un autre a été condamné pour une accusation moins grave de fraude. Certains ont été condamnés à la prison à vie, d’autres ont été libres après avoir été condamnés à la prison à temps.
Lors de sa dernière comparution devant le tribunal lundi, Abdeslam a présenté ses excuses aux victimes, affirmant que le fait d’écouter leurs récits de «tant de souffrance» l’avait changé.
Georges Salines, qui a perdu sa fille Lola au Bataclan, a estimé que les remords d’Abdeslam n’étaient pas sincères. «Je ne pense pas qu’il soit possible de lui pardonner», a-t-il déclaré.
Mais pour Salines, la perpétuité sans libération conditionnelle va trop loin.
«Je n’aime pas l’idée de décider à l’avance qu’il n’y a aucun espoir», a-t-il dit.
«Je pense qu’il est important de garder de l’espoir pour tout homme».