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Cette fois, le gouvernement Trudeau a renoncé à l'idée d'inclure une liste dans ses amendements et a plutôt mis de l'avant une définition technique
Le gouvernement de Justin Trudeau a présenté lundi la façon dont il souhaite maintenant s'y prendre pour enchâsser dans son projet de loi C-21 une définition des armes d'assaut prohibées dans le but d'éliminer des échappatoires, feuille de route qui est considérée comme un `recul' et une `trahison' par PolySeSouvient et d'autres groupes.
Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a levé le voile sur la nouvelle mouture de ses amendements visant à renforcer son interdiction de 1500 armes de style d'assaut implantée par décret en 2020.
Les libéraux avaient reculé, en février dernier, après une première tentative de définition exhaustive qui avait suscité une levée de boucliers. Des chasseurs et des membres de communautés autochtones craignaient que des armes utilisées pour la chasse soient visées en voyant, dans les amendements d'origine,une longue liste de modèles qui avait généré confusion et inquiétude.
Cette fois, le gouvernement Trudeau a renoncé à l'idée d'inclure une liste et a plutôt mis de l'avant une définition technique. Cela inclut les armes semi-automatiques et celles qui sont conçues, originellement, avec des chargeurs détachables pouvant contenir six cartouches ou plus.
«(Cette définition) apporte la clarté dont les propriétaires d'armes ont besoin et la protection que les militants de contrôle des armes réclament depuis longtemps», a dit le ministre en point de presse.
Or la définition, que le gouvernement veut intégrer au Code criminel, ne s'appliquerait qu'aux armes «conçues et fabriquées après l'entrée en vigueur du projet de loi C-21», a expliqué un haut fonctionnaire dans une séance d'information technique. Ainsi, les modèles qui sont déjà sur le marché ne seront pas visés, ce qui fait dire à PolySeSouvient que les libéraux ont accouché d'une «coquille vide».
Ainsi, les 482 armes qui devaient être interdites en fonction des amendements avortés ne le seront pas en vertu de la nouvelle proposition, a confirmé le haut fonctionnaire. Le décret de 2020 couvre toutefois les variantes des modèles prohibés, ce qui fait en sorte que la liste s'allonge automatiquement et comprend désormais plus de 2000 armes interdites, a-t-il précisé.
«Les armes qui existent, qui sont sur le marché et qui n'ont pas été captées par la liste de 2020, continuent d'être en vente et accessibles», a déploré Nathalie Provost, qui a survécu à la fusillade de Polytechnique, à Montréal.
Cette dernière a dit se sentir trahie et extrêmement en colère.
Heidi Rathjen, coordinatrice de PolySeSouvient, a affirmé que, selon l'organisation, les libéraux ont dilué l'effet de leur définition pour plaire au Nouveau Parti démocratique (NPD) et à certains membres de leur propre caucus qui sont réticents à un plus grand contrôle des armes à feu.
Les libéraux ont élaboré leurs amendements en discutant avec le Bloc québécois, mais aussi avec le NPD. Le gouvernement a une entente de soutien et de confiance avec les néo-démocrates et il a visiblement souhaité respecter la notion d'éviter toute surprise qui y est inscrite.
«On a été le dindon de la farce des partis. On n'a pas mis ce projet à la hauteur d'une nation», croit Boufeldja Benabdallah, cofondateur de la Mosquée de Québec.
Questionné sur le fait que la définition proposée ne s'attaque pas aux armes déjà sur le marché, M. Mendicino a indiqué que des mesures réglementaires seront prises pour s'attaquer aux modèles qui ont des chargeurs à grande capacité. «(C'est) l'ingrédient essentiel pour transformer une arme à feu en (outil de) tuerie de masse», a-t-il insisté.
Le ministre a aussi fait valoir que le gouvernement réinstaure le Comité consultatif canadien des armes à feu. Ce groupe, qui avait été mis sur pied en 2017 pour aider Ottawa à réformer ses politiques en matière d'armes à feu, devra conseiller le gouvernement sur le processus de classification des différents modèles.
Aux yeux de Mme Provost, qui a déjà siégé sur ce comité, cette réponse du ministre témoigne d'une stratégie qui revient à pelleter vers l'avant. Mme Rathjen a abondé dans le même sens.
«C'est une façon de retarder, de reporter, d'écarter, d'éterniser. Pour nous, c'est la lutte qui continue. Un comité, c'est de l'air», a-t-elle lancé.
Parmi les autres propositions présentées par les libéraux lundi, M. Mendicino a signalé que certaines ont pour objectif de contrer le phénomène des `armes à feu fantômes' qui sont difficiles à retracer puisqu'elles n'ont pas de numéro de série et sont assemblées par leur utilisateur.
Les nouveaux amendements seront officiellement déposés par des députés libéraux devant le comité de la sécurité publique qui étudie le projet de loi C-21. L'étude article par article de la pièce législative y avait été interrompue quand, il y a plus de deux mois, le gouvernement Trudeau avait fait marche arrièresur les amendements d'origine.
Les dispositions retirées avaient pour objectif de renforcer l'interdiction décrétée en 2020 pour environ 1500 modèles et variantes de ce type d'armes. Les libéraux ont promis d'inclure dans le C-21 une définition des armes d'assaut qui empêchera les fabricants de contourner cette interdiction.
Le projet de loi C-21 prévoit aussi des mesures qui renforceraient le gel des armes de poing. La législation permettrait également de retirer les permis d'armes à feu des personnes commettant de la violence conjugale ou se livrant à du harcèlement criminel, ainsi que d'augmenter les peines maximales pour la contrebande et le trafic d'armes à feu de 10 à 14 ans.