La France a envoyé lundi de l'aide par bateau et par avion militaire à son département d'outre-mer pauvre de Mayotte, dans l'océan Indien, après que l'île a été dévastée par son pire cyclone depuis près d'un siècle.
Les autorités de Mayotte craignent que des centaines, voire des milliers de personnes aient été tuées par le passage samedi du cyclone Chido, bien que le bilan officiel s'élevait lundi matin à 20 morts, selon la chaîne de télévision Mayotte La 1ère. Mais la ministre française de la Santé, Geneviève Darrieussecq, avertissait plus tôt que les estimations actuelles étaient probablement largement sous-estimées «par rapport à l’ampleur du désastre».
Des survivants erraient dans des rues jonchées de débris, à la recherche d’eau et d’abris, après que le cyclone Chido a rasé des quartiers entiers en frappant samedi Mayotte, le département le plus pauvre de France.
«Chaos», c’est ainsi que Fahar Abdoulhamidi, un habitant, a décrit les conséquences du passage. À Mamoudzou, la capitale de Mayotte, la destruction était totale: écoles, hôpitaux, restaurants et bureaux gouvernementaux étaient en ruine.
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Les villages à flanc de colline ont été réduits à un fouillis d’arbres cassés et de tas de tôles ondulées et de bois. L’électricité était coupée dans tout l’archipel, seule la capitale étant épargnée, et les autorités craignaient une pénurie d’eau potable.
Plusieurs résidants ont ignoré les avertissements lancés 12 à 24 heures avant le passage de la tempête, sous-estimant sa puissance.
«Personne ne pensait que ce serait aussi gros», a déclaré M. Abdoulhamidi, 46 ans, à l’Associated Press par téléphone. «Ceux qui vivent dans les bangas sont restés chez eux malgré le cyclone, craignant que leurs maisons ne soient pillées», a-t-il déclaré, faisant référence aux implantations informelles précaires de l’île.
Pire encore, de nombreux migrants qui vivent illégalement à Mayotte ont évité les abris par peur d’être expulsés, a ajouté M. Abdoulhamidi. «Beaucoup se sont retrouvés piégés dans un cercle vicieux.»
Les autorités ont utilisé des véhicules de type militaire pour dégager les arbres des routes afin que les sauveteurs et les fournitures puissent atteindre ceux qui en avaient besoin. Les dégâts, notamment sur l’aéroport principal, ont rendu certaines zones encore inaccessibles aux équipes d’urgence, ce qui entrave la capacité des autorités à évaluer les dégâts et à fournir les produits de première nécessité aux survivants.
Les survivants commencent également à souffrir de la faim, selon la sénatrice de Mayotte Salama Ramia. Elle a déclaré à BFM-TV que de nombreuses personnes se rendant dans des abris ont trouvé des conditions désastreuses.
«Il n’y a pas d’eau, pas d’électricité. La faim commence à augmenter. Il est urgent que l’aide arrive, surtout quand on voit des enfants, des bébés, à qui on n’a rien de concret à offrir», a-t-elle déclaré.
Alors que les autorités peinaient à acheminer l’aide, les gens ont commencé à reconstruire, a déclaré M. Abdoulhamidi.
«J’ai entendu des coups de marteau partout où je suis allé aujourd’hui», a-t-il dit, soulignant la nécessité absolue qui pousse les «bangas» à reconstruire leurs maisons à partir de zéro.
L'île la plus pauvre de l'UE
Mayotte, l'île la plus pauvre de l'Union européenne, est un archipel densément peuplé d'environ 300 000 habitants, dont la plupart sont musulmans, situé entre Madagascar et le continent africain. Composé de deux îles principales, l'archipel est sous administration française depuis 1841.
Les îles ont été frappées par le cyclone Chido, qui a apporté des vents de plus de 220 km/h, selon les services météorologiques français. Il s'agissait d'un cyclone de catégorie 4, le deuxième plus fort sur l'échelle, et le pire à avoir frappé Mayotte depuis les années 1930, a déclaré le préfet François-Xavier Bieuville.
M. Bieuville, le plus haut responsable du gouvernement français dans l'archipel, a déclaré dimanche à la chaîne de télévision Mayotte La 1ère que le bilan des morts du cyclone s'élevait à plusieurs centaines de personnes et pourrait même se chiffrer en milliers.
Mais il a ajouté qu'il serait extrêmement difficile de compter les morts et que beaucoup pourraient ne jamais être enregistrés, en partie à cause de la tradition musulmane d'enterrer les gens dans les 24 heures. Mayotte est également une destination pour les personnes en provenance de pays encore plus pauvres, comme les Comores et la Somalie voisines, qui sont peut-être entrées illégalement et seront donc difficiles à retrouver.
Des équipes de secours et du matériel ont été envoyés depuis la France et depuis le territoire français voisin de la Réunion, qui sert de pont pour acheminer de l'aide vers Mayotte. Cependant, l'aéroport principal de Mayotte reste fermé aux vols civils en raison de dégâts importants, ne laissant que des avions militaires en mesure d'y entrer et d'en sortir.
Après avoir frappé Mayotte, le cyclone a continué vers l'ouest et a touché terre au Mozambique dimanche. Les médias locaux du Mozambique ont fait état de trois morts dans le nord du pays, mais il s'agissait également d'un décompte très précoce. Les agences d'aide humanitaire ont averti que plus de 2 millions de personnes pourraient être touchées dans ce pays.
Par ailleurs, le président des Comores, Azali Assoumani, a déclaré dans un communiqué que les dégâts causés à son pays étaient mineurs.
Un hôpital de campagne
À Mayotte, l'hôpital principal a subi d'importants dégâts des eaux dans les services de chirurgie, de soins intensifs, d'urgence et de maternité, selon la ministre Darrieussecq. Les autorités ont déclaré que des efforts sont en cours pour monter un hôpital de campagne et déployer 100 travailleurs de la santé supplémentaires sur le territoire.
Les autorités françaises ont déclaré que plus de 800 personnels supplémentaires devraient arriver dans les prochains jours. Le gouvernement français a déclaré qu'il utiliserait les données satellites pour évaluer les dégâts, prioriser l'aide et guider les équipes de secours.
Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, est arrivé lundi à Mamoudzou, selon la chaîne de télévision TF1. Le président français Emmanuel Macron devait organiser une réunion sur la situation au centre de crise du ministère de l'Intérieur à Paris plus tard lundi, a déclaré son bureau.
Les habitants de Mayotte ont déjà exprimé leur mécontentement face au sous-investissement et à la négligence du gouvernement français dans leur archipel.
Environ les trois quarts de la population vivent dans la pauvreté, avec un revenu disponible annuel médian d'environ un huitième de celui de la région métropolitaine parisienne, selon l'agence française de statistiques INSEE. Le territoire a également été confronté à des troubles politiques et à un soutien croissant au parti d'extrême droite Rassemblement national, reflétant un profond mécontentement face au statu quo politique.
L’année dernière, l’armée française est intervenue pour réprimer les manifestations sur les îles après qu’une sécheresse et une mauvaise gestion ont entraîné des pénuries d’eau.
Le ministère français de l’Intérieur a déclaré que 1600 policiers et gendarmes ont été déployés peu après le passage du cyclone pour «aider la population et prévenir d’éventuels pillages».
La saison des cyclones s'étend de décembre à mars dans le sud-ouest de l'océan Indien et l'Afrique australe a été frappée par une série de cyclones violents ces dernières années. Le cyclone Idai, en 2019, a tué plus de 1300 personnes, principalement au Mozambique, au Malawi et au Zimbabwe. Le cyclone Freddy a fait plus d'un millier de morts dans plusieurs pays de l'océan Indien et de l'Afrique australe l'année dernière.