Chroniques

Tenez bon les profs!

La rentrée rime avec nouvelles règles cette année. À quoi ressemble la rentrée des profs?

Mis à jour

Publié

(Montage Noovo Info et Envato)

La rentrée rime avec nouvelles règles cette année: le vouvoiement est imposé et le cellulaire est interdit à l’école. Qu’on soit d’accord ou pas, ces mesures ajoutent à la tâche des enseignants, déjà submergés. Et eux, à quoi ressemble leur rentrée?

Dans les dernières semaines, j’ai échangé avec une quinzaine d’enseignants du primaire et du secondaire de partout au Québec. Je voulais entendre leurs impressions sur ce qui s’en vient, leurs attentes, leurs besoins, leurs aspirations.

Selon les plus récentes données du ministère de l’Éducation, près de 30 % des enseignants quittent le domaine au cours des cinq premières années de leur carrière. Ce chiffre a doublé en dix ans.

Les raisons derrière ces départs ? La charge de travail excessive, la gestion des classes, le manque de soutien, les conditions de travail précaires, l’épuisement et les exigences croissantes. Malheureusement, aucun suivi n’est fait avec les profs qui décident de quitter le navire : ainsi, toutes les causes sont mises dans le même panier.

Difficile d’améliorer le processus quand on n’ouvre pas le dialogue avec ceux qui défroquent, écœurés et démotivés.

Préparés

Les profs avec qui j’ai discuté ne sont pas désengagés : ils sont encore passionnés. Ils y croient. À la veille de la rentrée, je les sentais fébriles, enthousiastes, excités, volontaires, remplis d’idées et de bonnes intentions. Je serais curieuse de connaître leur état en juin…

Ce qui m’a le plus frappé? Leur préparation en amont : ils organisent la classe, préparent des activités, achètent des effets (bien souvent, avec leur propre argent, leur budget étant trop restreint pour réaliser ce qu’ils ont envie de réaliser). Ils planifient aussi la rencontre avec leurs élèves et la première réunion avec les parents, qui a généralement lieu au début du mois de septembre.

À VOIR AUSSI | Bernard Drainville s’attend à beaucoup d’adaptation pour l’année scolaire 2025-2026

«La rencontre de parents, c’est important, c’est un bon point de départ», dit Éric, enseignant au primaire depuis vingt-huit ans à Chicoutimi.

«Parfois, les parents sont plus stressés que les enfants, indique Jenyane, professeure en 5e année à Saint-Lambert. La rencontre de début d’année sert à les rassurer, à parler de la routine, du fonctionnement de la classe et des attentes.»

Le bonheur des petits

J’ai vite réalisé à quel point ils avaient à cœur les apprentissages de leurs élèves, mais pas que cela : plusieurs m’ont parlé du souci que les enfants soient heureux, épanouis. Les profs veulent développer des liens et des relations.

«Je veux leur bonheur, dit Julie, enseignante de 3e cycle au Centre de services scolaire des Patriotes. Le plus important, pour y arriver, c’est de travailler en équipe avec les parents. Il faut se faire confiance !»

La confiance revient beaucoup dans leurs propos : elle est essentielle pour qu’ils réussissent à bien faire leur job.

«Quand le canal est bien établi entre l’enseignante et le parent, et qu’il y a de la confiance et de la transparence, l’enfant le ressent. Et si le discours est le même à l’école et à la maison, cela facilite les choses», note Cynthia, prof depuis une dizaine d’années à Longueuil.

À chaque rentrée, Mélanie, enseignante sur la Rive-Sud de Montréal, prend le temps d’appeler chaque parent. L’investissement en vaut largement la peine, dit-elle.

«Ce n’est pas si long, ça me prend cinq minutes par famille, confie-t-elle. J’aime commencer l’année en leur disant à quel point je suis heureuse de travailler avec leur enfant, à quel point c’est un plaisir. Je sais que ça fait la différence dans la relation : 100 % des réponses sont positives.»

Trouver des solutions

Une autre enseignante, qui a 28 années d’expérience, préfère envoyer par courriel aux parents les règles et consignes de sa classe : à la première rencontre, elle cherche plutôt à parler d’elle et à apprendre à connaître chacun de ses élèves, à commencer par les familles.

«J’ai à cœur le bien-être de mes élèves, dit celle qui enseigne au 3e cycle dans une école de l’est de Montréal. J’aime établir les ponts en ouvrant la porte à la discussion. Je pense que ça prend de l’authenticité et de l’humilité: je peux me tromper, parfois, en prenant des décisions. L’important, c’est qu’on trouve des solutions.»

À VOIR AUSSI | Interdiction des cellulaires à l’école: quoi faire en tant que parent?

Je n’ai pas senti d’accablement ni de découragement, même si le monde de l’éducation s’écroule au Québec. Pénurie d’enseignants, budgets faméliques, installations vétustes, manque de spécialistes, manque de soutien, menaces de nouvelles coupures : il y a tant d’enjeux, en ce moment.

Et pourtant, les enseignants se lèvent tous les matins en pensant à leurs élèves, à nos enfants. Ils sont en pleine rentrée et ils se retroussent les manches malgré le bruit ambiant…

 À quel moment choisira-t-on, comme société, de mieux les reconnaître?

Pour recevoir toutes les chroniques de Maude Goyer, abonnez-vous à notre infolettre, Les débatteurs du samedi.