«Quiet, piggy». Je n’ai pas digéré la réplique de Trump à une journaliste, il y a une semaine. Mon éveil à la violence envers les femmes qui prennent la parole publiquement a été brutal avec les exemples qui se multiplient ici, chez nous, depuis quelques jours.
À bord d’Air Force One, la reporter du sérieux média économique Bloomberg, Catherine Lucey, a demandé au président américain pourquoi il n’avait pas encore autorisé la publication du dossier Epstein. Il a répliqué en lui lançant cette insulte au visage, devant son équipe et d’autres journalistes.
Le jour précédent, il avait fait preuve d’une remarque tout aussi éloquente en rabrouant la journaliste Mary Bruce qui tentait de creuser les circonstances entourant la mort d’un chroniqueur américain au consulat saoudien d’Istanbul en 2018. Flanqué du prince héritier Mohammed bin Salman, Donald Trump a écarté la question en la qualifiant d’«horrible, insubordonnée et vraiment terrible», venant d’un média «minable» dont « la licence devrait être retirée ».
Pour affirmer leur pouvoir, leur autorité, certains hommes, dont Trump, aiment rabrouer les femmes, surtout celles qui prennent la parole dans l’espace public, politiciennes, militantes et journalistes.
Et j’en suis.
Ces derniers jours, particulièrement.
Yasmine et Magali
Sur mes réseaux sociaux, en une semaine, j’ai relayé et critiqué l’événement «quiet, piggy». J’ai remis en question la position et la perspective du chroniqueur Mathieu Bock-Coté, de passage à Tout le monde en parle récemment. J’ai condamné la façon dont l’éditorialiste Franz Olivier-Gisbert a traité l’économiste Sandrine Rousseau sur le plateau de la chaîne de télévision française d’informations BFMTV.
Et hier, j’ai parlé de ce qui s’est passé ici, en vingt-quatre heures — et qui me laisse bouche bée.
À l’émission La Joute, sur les ondes de LCN, en plein débat avec Mathieu Bock-Coté, la panéliste Yasmine Abdelfadel s’est fait dire par l’animateur Paul Larocque «Attends, Yasmine». Elle devait attendre pour riposter alors que son vis-à-vis montrait son impatience et lui coupait la parole.
Le sujet? La stigmatisation de la communauté musulmane au Québec.
Et finalement, cerise sur le sundae, la présidente de la FTQ Magali Picard se fait traiter de vulgaire, d’impolie, de mal engueulée parce qu’elle dit, avec convictions je dois avouer, que le ministre du Travail, Jean Boulet, était « innocent ». Et elle ne lui a pas serré la main.
Mesdames et messieurs, scandale! Une femme en colère, en commission parlementaire.
Comme si ses prédécesseurs, qu’on pense à Michel Chartrand par exemple, étaient tous des modèles de bienséance, de modération et de délicatesse.
Dans ma messagerie
J’en suis, donc.
J’ai reçu des insultes non pas en plein visage, mais via mes réseaux sociaux. Des hommes (seulement) m’écrivent pour me traiter, de «frustrée» (un classique), de «grosse conne qui travaille pour les merdias» (chic) et d’«hystérique» (on n’y va pas de main morte!).
J’avoue, cela m’a impatientée. Ralentie? Pas vraiment. Au contraire. Mon irritation n’a fait qu’augmenter ma verve. Allez comprendre. Je dois être une hystérique pour vrai, ma parole!
Je me suis demandé si tous ces cas de propos misogynes, haineux, ces attaques personnelles, ces jugements gratuits, ces raccourcis qui, toujours, rabaissent les femmes, veulent les faire taire, n’avaient pas alimenté la haine en ligne.
Galvanisés par des hommes bien assis dans leurs privilèges, certains hommes se permettent des invectives en ligne. Gratuitement, sans détour, de purs inconnus débarquent dans ma messagerie pour répondre à mes publications.
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Alliés et dick pics
Sur la défensive et dans un style souvent passif-agressif, ils semblent partager un point commun : ils veulent montrer leur supériorité, renforcer leur idéal masculin, me faire rentrer dans les rangs.
Je réponds toujours grosso modo la même chose: essayez de faire mieux. Soyez des alliés. Forcez-vous.
En retour de ces mots bien inoffensifs, me semble-t-il, j’ai reçu non pas une, mais deux dick pics.
Me voilà calmée. Merci, les gars.
Et au fait: ça va, les gars?
Signification de mansplaining: Quand un homme explique à une femme quelque chose qu’elle sait déjà — souvent avec condescendance — simplement parce qu’elle est une femme.
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