Décrocher. Ralentir. Faire une sieste. S’étendre au soleil, regarder les nuages, sans but. Ne rien faire. S’ennuyer même. Y arrivez-vous?
Suis-je la seule à avoir du mal à ne pas être dans l’action? À ne pas organiser mon horaire, planifier, réserver des activités, me faire un plan de match, avoir certains objectifs dans ma journée, dans ma semaine?
Même en vacances, loin de la routine et des obligations personnelles et professionnelles, je l’avoue: j’ai du mal à me détendre. Adopter le farniente, passer en mode ralenti, en mode paresse, ça me demande un effort.
Bien sûr, je m’y efforce — mais ça demeure un défi, comme si c’était contre nature.
Je ne dois pas être la seule à devoir apprendre à me déprogrammer. Je ne me qualifie pourtant pas d’hyper active ni d’accro à l’adrénaline ou la dopamine. Alors c’est quoi cette manie? Ça vient d’où?
Peut-être que toutes ces années à vouloir être performant, déjà enfant, à l’école, dans les études, dans les premiers emplois, à se dépasser, à répondre à toutes les attentes, à avancer, à progresser, font de nous des machines à performer.
Réapprendre
Quand on performe, on existe. Ce n’est pas «je pense, donc je suis», mais «je fais, donc je suis». C’est non seulement attendu, dans notre société — c’est valorisé. Être occupé, c’est bien. Être très occupé, débordé, c’est mieux.
Et quand on veut sortir de ce tourbillon infernal, quand on a envie de décompresser, de lâcher l’accélérateur, de souffler, ça prend de la volonté. Et probablement de la connaissance de soi.
Ne ralentis pas qui veut. Avec la multiplication des écrans, la tendance à la polyvalence, aux multitâches, aux listes interminables de choses à faire, ça prend plus qu’un vœu, ça prend une détermination folle, un esprit tourné vers les solutions qui appellent au ralentissement.
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Sortir son téléphone de la chambre à coucher. Pour apprendre la déconnexion.
Faire une marche sans téléphone, sans écouteurs. Pour réapprendre à observer, en silence.
Se concentrer sur une seule tâche. Pour développer le goût d’apprécier le moment présent et peut-être, qui sait, revenir à une certaine simplicité.
Manque de concentration
Lire. Je veux dire : lire un livre. Combien sommes-nous à avoir plus de difficultés à lire depuis la pandémie ? Je le confesse : si je n’ai pas un page-turner entre les mains, les chances sont fortes que j’abandonne.
Mon cerveau est en ébullition et mes pensées s’enchaînent, à une vitesse effarante, me laissant dans un état semi concentrée, semi éparpillée. Je dois éliminer tous les stimuli autour de moi pour passer le cap des premiers chapitres d’un livre.
Je n’en suis pas fière. Mais je sais que cela vient de l’hyper connexion constante dans laquelle je suis plongée et cette obsession à scroller, à passer d’un réseau social à l’autre, d’un sujet à un autre, dans l’ordre et le désordre, à un rythme insensé.
Ne sommes-nous pas tous accros à nos téléphones ? Stressés et pressés, nous consommons du junkfood sur internet. La preuve ? Essayez de vous rappeler ce que vous avez regardé hier soir, avant de vous coucher, ce qui vous a tenu réveillé jusqu’à minuit…
Vous vous en souvenez? Je gage que non. Parce que c’est du vide. On ne retient pas ce qui ne nous nourrit pas.
Sacré
Certains luttent contre ces patterns devenus «naturels» : ils font le choix de laisser le téléphone derrière, de se débrancher un certain temps, de ralentir, se reposer, développer un nouveau hobby, savourer un café seul pendant dix minutes chaque matin…
Certains revendiquent ce droit de ne rien faire. Ils le protègent, car ils savent pourquoi ils le font. C’est devenu une valeur, c’est devenu non négociable, c’est devenu sacré.
Ils ne le font pas par paresse — mais par respect de soi.
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