Début du contenu principal.
Il y a à peine quelque temps, on annonçait la disparition de la chaîne télé VRAK, et voilà que cette semaine, c’est au tour de la chaîne Yoopa de prendre la direction du bac à recyclage télévisuel. Deux chaînes télé qui s’adressaient aux jeunes enfants et aux préados qui meurent de leur belle mort.
Ça commence à faire beaucoup de disparitions dans la cour de récréation en si peu de temps. Je ne suis pas psychologue, éducateur en CPE, ni spécialiste de la petite enfance. Je n’ai même pas d’enfant, mais je suis convaincu que ce n’est pas une bonne nouvelle. Je le sais, parce qu’un moment donné dans ma vie, j’ai été un enfant moi aussi.
Bien sûr, il y a d’excellentes propositions d’émissions sur d’autres chaînes, mais il reste que la jeunesse est le parent pauvre de la télé. Un auditoire trop souvent négligé à qui on attache plus ou moins d’importance. Sûrement en partie parce qu’il ne rapporte pas un sou ou si peu. Quelque chose me dit que les enfants sont moins réceptifs à ce petit couple qui se magasine un beau sofa payable en 16 versements ou cette infopub de lampe de jardin qui peut détruire l’iris de l’œil tellement elle inonde ton terrain de sa lumière sécuritaire. Et pourtant.
Les enfants ont besoin que leur créativité et leur imagination soient stimulées. Le plaisir de découvrir le monde, la vie et tout ce qui les entoure. D’apprendre des choses et des patentes. Le plaisir de juste avoir du fun et d’être émerveillé. Et la télé jeunesse fait un bon bout de ce boulot primordial.
Enfant, je revois madame Lise rouler la télé sur son gros chariot gris dans la classe pour nous ploguer Passe-Partout. On capotait de plaisir. On voulait apprendre, chanter les ritournelles de Grand-mère et aider Cannelle à retrouver Biscuit, son phoque toutou en poils drus. Assurément que ça donnait un un tit break à madame Lise de nous autres, mais on ne perdait pas au change, notre machine à imagination interne se mettait en marche pour créer notre propre univers. Tout le monde était gagnant.
Se lever aux aurores le samedi matin, se servir un bol de céréales sucrées zéro santé, ouvrir la télé et s’installer pour regarder des dessins animés jusqu’à 10 heures. J’ai combattu les envahisseurs de l’espace au côté de Goldorak, j’ai pleuré parce que Candy était une orpheline, j’ai appris à chanter avec Gronigo et compagnie, j’ai eu envie de me gosser un pétard à la farine grâce à Bobinette. C’est avec Lison, la madame qui venait nous jaser entre les émissions du samedi matin à Radio-Canada, que j’ai appris à faire un pot à crayons avec une canne de bines et des cure-pipes. Ce n’est pas rien. Un petit monde parallèle où les enfants se découvrent et se forgent l’intérieur. Et ça peut nous suivre longtemps.
On a tous été des ados de Watatatow, Randam, Tactik, Radio-Enfer et j’en passe. Je ne dis pas que la télé jeunesse change nos vies, mais il y est sûrement pour petit quelque chose dans la formation de notre personnalité et de ce que nous deviendrons plus tard. Si en tant qu’adulte, on tripe collectivement en regardant de nouveaux épisodes de La petite vie, pourquoi ce même processus de plaisir et de sentiment d’appartenance ne serait-il pas présent chez des enfants qui regardent des chiens polices qui parlent.
Et de façon plus pratico-pratique, ce sont aussi des boulots qui disparaissent. Des concepts télé d’ici qui se terminent. D’autres qui ne verront pas le jour, faute de budget et de case horaire. Ça aussi, c’est dramatique. Depuis des mois, on n’arrête pas de dire que c’est difficile de retenir le public plus jeune devant notre télé d’ici et comme solution, on réduit la proposition. Je ne suis pas un fin stratège, mais j’ai comme l’impression que ça ne va pas aider. C’est l’œuf et la poule. Dans le sens que plus on aura d’œufs, plus de poules resteront devant leurs écrans.
Bon, mon image n’est pas parfaite, mais vous comprenez le principe. Nos jeunes ont aussi envie de se reconnaître dans ce qu’ils regardent. De se voir dans un contexte bien de chez nous. Dans notre environnement. Nos propres enjeux. Et ce n’est pas une question de se refermer sur soi, c’est une question d’appartenance.
Bien sûr qu’on peut avoir du fun à regarder la sombre Mercredi dans son école de l’horreur. Mais on peut aussi avoir ben du fun avec Luka et Léo à Télé-Québec. Tout est possible!
Je souhaite à tous les enfants de trouver son Capitaine Flam, sa Pouliche intérieure ou son Bizarrosque de fun. Mais pour ça, encore faut-il que nous les adultes, on leur en donne la possibilité.
«Pour recevoir toutes les chroniques d'Alex Perron, abonnez-vous à notre nouvelle infolettre, Les débatteurs du samedi.»