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L’enquête Mâchurer est close sans qu’une seule accusation ne soit portée. 7 ans de travaux, près de 300 témoins et une facture de plusieurs dizaines de millions de dollars (nous ne connaissons pas le coût, mais la commission Charbonneau qui a été bien moins longue a coûté 50 millions de dollars).
L’enquête n’a jamais pu démontrer hors de tout doute que Jean Charest avait mis en place un système de financement de son parti par des entreprises recevant des contrats de l’État.
Mais était-ce possible ? Frédéric Gaudreau, le nouveau patron de l’UPAC dont tout le monde respecte le professionnalisme, pense que non. Il demande au ministère de la Justice de revoir le fardeau de la preuve exigé des enquêteurs avant de pouvoir porter des accusations.
Il déclare par ailleurs : « Nous avons affaire à des gens qui disposent de beaucoup de moyens, qui sont prêts à aller très loin dans les procédures judiciaires dans l’objectif que le dossier ne se rende pas à procès et que la preuve ne soit pas entendue ».
Un exemple parmi tant d’autres : trois dirigeants d’entreprise de construction et d’ingénierie bénéficiant de millions de dollars de contrats avec l’état ont déclaré que Marc Bibeau — présenté par plusieurs témoins comme le grand argentier du parti libéral — avait sollicité des dons auprès de leur entreprise. Les avocats de monsieur Bibeau rétorquent qu’il ne leur a pas demandé en tant que chef d’entreprise, mais en tant que personne. Il se trouve que cette personne était la chef de l’entreprise, mais c’est une coïncidence.
Par ailleurs, ces chefs d’entreprises ont, de leur propre initiative, demandé à des cadres et des membres de leur famille de donner généreusement. Mais rien ne permet de démontrer que ces dons étaient liés à l’entreprise d’une façon ou d’une autre.
La preuve ne peut pas être établie hors de tout doute que l’entreprise X a bel et bien contribué à la caisse électorale et encore moins qu’elle l’aurait faite pour être dans les bonnes grâces de l’État.
Pour faire cette preuve, il aurait fallu forcer à comparaître chacune des personnes ayant signé ces chèques et leur faire admettre qu’ils ne l’ont pas fait de leur plein gré. Et même si cela avait été possible, la preuve n’aurait pas encore été faite que le don a été concédé pour obtenir des contrats.
Concédons qu’il n’y ait pas de preuve de cause à effet. Il reste tout de même la preuve qu’un collecteur du parti libéral peut convoquer des PDG ayant des contrats avec le gouvernement et leur demander de l’argent sur-le-champ.
Ce fait ne suffit pas à condamner l’ex premier ministre. Mais il suffit à nous faire comprendre comment se réalisait le financement de ce parti ; auprès des entreprises et à coups de milliers de dollars. Immédiatement après l’abandon des procédures, Dominique Anglade a déclaré que le temps était venu de faire des excuses au premier ministre et à ceux et celles qui ont été salis dans la foulée de ces accusations. Je vois les choses autrement.
Je pense que c’est Jean Charest, en son nom et en celui du parti libéral, qui devrait s’excuser. Pas d’avoir été coupable puisque nous n’en avons pas la preuve. Mais d’avoir fait régner un tel cynisme que des dirigeants d’entreprises ont cru qu’il était nécessaire de verser des dizaines de milliers de dollars pour faire progresser leurs dossiers auprès du gouvernement.