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Il y a quelques jours à peine, le gouvernement fédéral a mis à jour sa page destinée à informer les Canadiennes et Canadiens des précautions à prendre lorsqu’ils voyagent à l’étranger. Pour celles et ceux qui se rendent vers les États-Unis, on peut dorénavant y lire que « certains États ont adopté des lois et des politiques qui pourraient affecter les personnes 2ELGBTQI+. Vérifiez les lois locales et celles de l’État concerné».
En effet, en mars dernier, l’Union américaine pour les libertés civiles (American Civil Liberties Union) répertoriait 426 projets de loi qui attaquent directement les communautés LGBTQ+ aux États-Unis au cours de cette année. Nous sommes en septembre et rendus à près de 500 projets de loi, qui se répartissent dans la vaste majorité des États américains, toujours selon la même source.
Ceci est fort alarmant. Cela devrait tous nous interpeller.
L’exceptionnalisme canadien, soit cette tendance collective à croire que nous sommes mieux que nos voisins du Sud en matière du respect des droits de la personne, est un mythe bien tenace. Il nous donne le « beau rôle » tout en offrant celui de repoussoir aux pays que l’on considère comme étant « pires » que nous. En outre, il a aussi comme fonction d’invisibiliser les combats qui sont menés à l’échelle locale en plus de nous maintenir dans une apathie politique. Pourtant, le glissement que nous voyons se dérouler aux États-Unis sous nos yeux a des échos ici également.
Je vous donne trois exemples très récents pour illustrer mon propos.
Premier exemple :
Le premier ministre du Nouveau-Brunswick a annoncé son intention de mettre en place une politique qui obligerait les écoles à obtenir le consentement des parents pour que les élèves de 16 ans et moins puissent utiliser le prénom et le genre de leur choix. Le gouvernement de la Saskatchewan a emboîté le pas. L’Ontario pourrait être la troisième province à faire de même, après des propos tenus par son ministre de l’Éducation, Stephen Lecce.
À première vue, cela peut sembler inoffensif. Or, nombre d’enfants des communautés LGBTQ+ n’ont pas le soutien de leurs parents, voire, se font rejeter et mettre à la porte de leur foyer en raison de leur différence. C’est d’ailleurs pour cela que plusieurs d’entre eux ne font pas leur « coming out » à leurs familles. Considérant que le fait d’« outer » ces enfants à leurs parents constitue un déni de leurs droits fondamentaux et de leur dignité, voire même une « question de vie ou de mort » dans plusieurs cas, Ottawa dit surveiller la situation de près.
Deuxième exemple :
Pas plus tard que cet été, une triple agression au couteau, motivée par la haine, est survenue à l’Université de Waterloo, en Ontario. Un ex-étudiant de l’Université a fait irruption dans une salle de cours en études féministes et de genre qu’il a ciblé de manière spécifique. Il a blessé la professeure et deux étudiant-es. En août dernier, de nouvelles accusations ont été portées contre ce jeune homme de 24 ans, dont celle de tentative de meurtre. Autrement dit, ce jeune homme avait l’intention de faire beaucoup plus de dégâts que ce qui est arrivé. Pourtant, malgré les similitudes avec la tuerie de Polytechnique, on en a très peu entendu parler au Québec.
Et troisième exemple : la controverse au Québec dans le monde de l’éducation entourant Mx Martine. Pour ça, Céleste Trianon a écrit une lettre ouverte qui mérite d’être lue et partagée.
Pris ensemble, ces exemples font partie d’une toile dont le portrait aux ramifications complexes a déjà des conséquences concrètes dans la vie d’individus qui ne demandent qu’à vivre en paix. Et lorsque des dirigeants s’attaquent à des groupes minorisés et les érigent en boucs émissaires pour nous distraire de ce qui compte vraiment, l’Histoire nous a démontré que les avides de pouvoir n’en restent jamais là.
Au Mémorial de l’Holocauste des États-Unis, on peut lire une version altérée d’un poème ayant été popularisé dans les années 1950 intitulé First they came… qui se traduit en « Quand ils sont venus chercher… »
Ce poème illustre très bien l’essence de ma chronique. Il vise à nous avertir de ce qui nous attend lorsque l’on ne s’indigne pas suffisamment des injustices subies par nos pair-es.
Je vous copie-colle la traduction ici :
« Ils sont d’abord venus chercher les socialistes, et je n’ai rien dit, parce que je n’étais pas socialiste.
Puis ils sont venus chercher les syndicalistes, et je n’ai rien dit parce que je n’étais pas syndicaliste.
Puis, ils sont venus chercher les Juifs, et je n’ai rien dit parce que je n’étais pas juif.
Puis ils sont venus me chercher, et il ne restait plus personne pour me défendre. »