Le Canadien, y est mort. Ou c’est peut-être moi qui achève. Je me méfie toujours de ceux qui annoncent l’apocalypse, mais qui la confondent avec leur mort. Toujours est-il que j’ai compris que je ne comprenais rien aux Canadiens le soir de l’hommage à Guy Lafleur. C’est ce soir-là qu’il est mort le Canadien.
J’ai compris en lisant les chroniques, en écoutant les hommages, en entendant les Messieurs pleurer à la radio… Que le Canadien, au fond, je ne l’ai jamais connu.
On peut bien rire de Québec avec sa « pas d’équipe » et son amphithéâtre vide, le nôtre est plein, mais surtout de fantômes. Ce n’est pas le Canadien qui joue, c’est une franchise dont il ne reste que le nom. En fait, je regardais quoi ? Je regardais un souvenir. Je dois faire pile partie de la génération qui est fan d’un rêve, qui pense que le Canadien va redevenir le Canadien.
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J’ai l’impression que croire en cette équipe en 2022, c’est comme croire en l’indépendance. On se souvient qu’il n’y a pas si longtemps, c’était encore possible. Ça passait si proche, allez il suffisait d’encore un petit effort, l’étoile était juste là, il fallait tendre la main.
Et puis, depuis, on fait quoi ? On attend, fort encore de ce souvenir, fort des histoires. Mais la nostalgie, ça ne peut pas être un plan de société. Bien sûr, c’est triste. C’est triste de te réveiller un matin et de te dire que certaines choses auxquelles tu rêvais n’arriveront pas. La vie est rarement ce que l’on pense qu’elle sera.
Mais c’est triste d’enterrer nos idoles et se rendre compte que t’as beau te teindre les cheveux et la moustache, remettre ton manteau de cuir et te pavaner dans le quartier comme à 20 ans. La vérité c’est que le temps a passé. Le temps est mort. Il a filé. Tout a changé.
Canadien ne sera plus jamais ce qu’il a été. C’était peut-être naïf que ça me prenne autant de temps à m’en rendre compte, c’était peut-être d’autant plus bête que je le regarde comme si tout à coup, il allait soulever une coupe à l’ancien Forum. Mais la mort de Guy Lafleur et son époque m’ont forcé à voir que je m’abreuve de gouttes d’eau, là où d’autres se faisaient servir des lacs.
Bien sûr, j’aime encore voir mon fils se fâcher devant son sport préféré et se laisser emporter par l’histoire que raconte chaque année « ce » Canadien. Mais je crois que j’ai fini de rêver. Le Canadien existe désormais surtout en souvenirs. Bravo à ceux qui l’auront connu.

