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Le président de la fertilité

«Je suis celui qui va protéger les femmes… qu’elles le veuillent ou non.»

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(The Associated Press)

À quatre jours de la dernière présidentielle américaine, Donald, sachant que l’appui de l’électorat féminin s’avérait crucial, lance un spectaculaire « je suis celui qui va protéger les femmes… qu’elles le veuillent ou non. »

Protéger autrui malgré le consentement de la personne concernée? L’ironie, paternalisme et paradoxe du propos, même après une seule écoute, auraient de quoi décourager la moins féministe d’entre elles.

Kamala Harris devait d’ailleurs ipso facto répliquer, avec une acuité futuriste : «Il ne nous protège pas, il nous contrôle. S’il l’emporte, nous perdrons nos droits, nous les femmes. Quiconque n’est pas un homme blanc et riche comme lui perdra ses droits. Alors, j’ai très peur, s’il gagne, nous allons avoir de gros problèmes.»

Au diable, la mise en garde de Harris. Un monstrueux 44% du vote féminin (dont 52% chez les femmes blanches) ira tout droit se jeter dans la gueule du loup.

Assez fantastique de voir, par divers reportages ou vidéos sur les réseaux sociaux, la multitude de femmes justifiant fièrement leur vote pro-Trump au motif que celui-ci, effectivement, soit le seul assurant la protection des droits de la femme: «I have a daughter, you know, and I am afraid that the Democrats could rip her fundamental rights, you know?» ce que l’on pourrait traduire par «J'ai une fille, vous savez, et je crains que les démocrates ne lui arrachent ses droits fondamentaux, vous savez?»

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Spectaculaire.

Étiez-vous au courant, madame, avant de voter, des condamnations de Trump pour agressions sexuelles et diffamation envers la victime ayant osé dénoncer le viol?

Vous souvenez-vous du légendaire «grab them by the pussy»?

Aussi, que Donald s’était donné la mission de faire renverser par la Cour suprême (maintenant paquetée de trumpistes) l’arrêt Roe c. Wade, assurant le droit à l’avortement?

Que mission réussie, bravo aux Cro-Magnons, vingt-six États prohibent maintenant totalement ou partiellement ce même avortement, allant parfois jusqu’à prévoir des peines d’emprisonnement afférentes?

Qu’en Ohio, une femme aura été accusée au criminel aux suites d’une fausse couche dans sa salle de bain, pointée du doigt pour «profanation de cadavre»?

Qu’au Texas, une autre serait décédée en plein hôpital, devant les yeux de médecins qui refusaient d’effectuer le curetage nécessaire à sa survie?

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Donald, bref, comme protecteur des droits de la femme? 

Bien entendu.

Un peu comme le Colonel Sanders défend les poulets, probablement.

On le constate bien, d’ailleurs, à la lecture des événements de ce deuxième mandat. De quoi faire rougir les suffragettes, Simone de Beauvoir, Thérèse Casgrain et autres Jeannette de jalousie.

En faisant congédier toute femme haute-gradée de l’armée américaine, par exemple.

En exigeant à la NSF (National Science Foundation), l’agence scientifique gouvernementale par excellence, le retrait de ses études et rapports des mots « femme » et « femelle », notamment.

En faisant de même pour les sites web, mémos, directives et documents officiels gouvernementaux, bannissant également au passage les termes «femmes enceintes », «femmes et sous-représentées», «féminisme» et «violence basée sur le genre».

En adoptant récemment un décret sur le «mérite», lequel vient contredire une loi dûment votée visant à interdire aux institutions bancaires la discrimination envers les femmes, fléau auparavant bien connu.

En permettant aux macaques du ICE de procéder, habillés en civil et donc non identifiés, à des arrestations en pleine rue aux allures de kidnapping, ceci encourageant divers groupes criminels à faire de même.

La meilleure pour la fin: après s’être autoproclamé le «président de la fertilité» (quand même assez culotté, venant d’un violeur condamné), Donald s’est aujourd’hui mis en tête de repeupler les É.-U. À la recherche d’idées innovatrices, sont ainsi actuellement convoqués divers groupes (aux postures moyenâgeuses) afin de conseiller le Star Buck politicien.

Parmi les éclairs de génie, sont considérés ceux de verser des bonus de 5000 $ pour tout nouveau bébé, soit une parcelle des frais de l’accouchement et surtout, de décerner des «médailles d’honneur» à celles qui auront la bravoure de mettre au monde six morveux ou plus.

Et d’où émane cette fantastique idée de décoration post-partum ? D’une certaine Allemagne nazie, où les médailles de bronze, argent et or étaient attribuées par le Furher aux méritantes, aux conditions préalables d’être de «sang allemand», «respectables», «avoir de bons gènes» et «en bonne santé.»

À voir aller Washington ces temps-ci, côté suprémacisme et eugénisme, voilà des conditions qui sauront séduire.

Repeuplons, donc, comme le chantait Rock et belles oreilles.

En (beaucoup) plus drôle.

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