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Les parents sont moins aidés et moins entourés qu’avant – et ce, qu’ils soient nés ici ou ailleurs.
Plus éduqués, plus riches et moins stressés qu’il y a dix ans, les parents de jeunes enfants sont plus isolés, moins soutenus et plus seuls aujourd’hui. C’est ce qui ressort d’une publication de l’Institut de la statistique du Québec qui compare la situation des parents en 2015 et en 2022.
Le portrait comparatif est clair: les parents d’enfants âgés de 1 à 5 ans ne vont pas bien.
Parmi les faits saillants de l’étude, je retiens que les parents de tout-petits sont plus âgés (ils sont plus nombreux à faire partie des 40-44 ans et des 50 ans et plus qu’en 2015), ils sont plus souvent nés à l’extérieur (ceux nés au Québec représentaient 72 % en 2015 comparativement à 67 % en 2022), ils sont davantage diplômés à l’université (47 % en 2022 vs 41 % en 2015) et ils travaillent plus (88 % vs 79 %).
Ils sont aussi mieux nantis: les résultats de l’enquête démontrent que la proportion de parents vivant avec un faible revenu est passée de 25 % il y a dix ans à 20 % aujourd’hui.
Autre bonne nouvelle, les parents semblent mieux gérer les aléas de la vie quotidienne. Ils ont été moins nombreux à déclarer que leur rythme de vie était «très exigeant» et qu’ils «manquaient de temps pour eux et leurs enfants» (28 % en 2022 vs 31 % en 2015).
Est-ce l’heure de se réjouir?
Pas vraiment. Parce qu’on apprend aussi que les parents sont moins aidés et moins entourés qu’avant – et ce, qu’ils soient nés ici ou ailleurs.
Dans le cadre de l’étude, les parents ont indiqué que leur entourage était «peu disponible» dans une proportion de 29 %, soit dix points de plus qu’en 2015.
C’est donc dire que près du tiers des parents de tout-petits du Québec se sentent seuls!
Tous les indicateurs des sources de soutien possibles, comme les grands-parents, les membres de la famille, les amis, les collègues et les gens du voisinage, sont en baisse. La différence la plus importante? La présence et l’aide des grands-parents.
Les parents de jeunes enfants considéraient en 2015 pouvoir «toujours» compter sur leurs propres parents dans une proportion de 45 % en 2015; cela a chuté à 32 % en 2022. Aussi, 23 % des parents disent qu’ils ne peuvent «jamais» compter sur leurs parents en 2022 comparativement à 15 % il y a dix ans.
Est-ce parce que les grands-parents appartenant à la génération des baby-boomers sont en santé, actifs et occupés? Ou au contraire, faut-il pointer les lacunes du système de santé qui négligent les aînés à coup de délais, de retards, de manque de personnel et de soins?
Quand on attend pour se faire opérer à la hanche ou au genou, c’est difficile de s’agenouiller pour jouer aux petites autos avec Mathéo et libérer deux heures aux parents épuisés…
Je ne blâme pas les papis et les mamies, comprenez-moi bien.
J’en veux à une société plus individualiste, plus performante, plus stressée et plus à la course que jamais. On n’a jamais autant travaillé: la semaine de travail s’est allongée en moyenne de 3,3 heures par semaine depuis la pandémie1.
J’en veux aux horaires chargés, bourrés de réunions en visioconférence à la chaîne, qui empêchent de respirer, de jaser avec les collègues, de prendre le temps de faire une pause (même pour aller aux toilettes).
J’en veux au télétravail et à l’hyperconnexion qui créent un flou entre la vie professionnelle et la vie personnelle. On ne décroche donc jamais? On travaille partout, tout le temps, comme si on n’acceptait plus les temps morts.
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J’en veux (beaucoup) aux écrans qui empoisonnent la vie. Ils gâchent la vie de famille, de couple, le sommeil, le temps de loisir, la communication, les relations amoureuses et sexuelles. Parents accros, enfants accros…
Tout cela s’additionne. S’entasse. S’accumule. Et ça fait des victimes. Lesquelles? Celles qui sont forcées de ralentir, d’être en marge, de prendre le temps…
Je parle des nouveaux parents, de ceux qui doivent veiller, soigner, soutenir et élever des tout-petits. Ils paient le prix de la vitesse effrénée de nos modes de vie surchargés.
Ajoutez à cela le manque de ressources, de services, d’infrastructures et de politiques, et vous obtenez la recette catastrophe pour une génération de jeunes parents à bout de souffle — et seuls.
Est-ce qu’on les a abandonnés? Dans le tourbillon du quotidien, les a-t-on oubliés?
Si l’indice du bonheur repose sur les relations et les connexions, il est peut-être temps de tendre la main et d’écouter : si vous avez un nouveau parent dans votre entourage, c’est peut-être un premier pas à faire.
Parce que oui, chaque geste compte. Et ça commence autour de vous.
1. Source : Étude de la chercheuse Caroline Biron, du Centre d’expertise en gestion de la santé et de la sécurité du travail de l’Université Laval
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