Société

Sur les bancs de l'école, les jeunes Québécois manqueraient de motivation

45% des personnes interrogées pour un sondage estiment le niveau de motivation des enfants de leur entourage faible, voire très faible.

Mis à jour

Publié

Des sacs à dos sont accrochés dans une école élémentaire à Toronto le mardi 9 janvier 2024. Des sacs à dos sont accrochés dans une école élémentaire à Toronto le mardi 9 janvier 2024. (Chris Young/La Presse canadienne)

Les jeunes Québécois manqueraient de motivation face à l’école. C'est ce que révèle un sondage commandité par le Réseau québécois pour la réussite éducative (RQRE) pour l'ouverture, lundi, des 21e Journées de la persévérance scolaire.  

Le sondage transmis par le RQRE à La Presse Canadienne montre que 45% des personnes interrogées estiment le niveau de motivation des enfants de leur entourage faible, voire très faible, contre seulement 39% la trouvant élevée ou très élevée. Pourtant, l’écrasante majorité des personnes interrogées, soit 85%, se disent concernées par le décrochage scolaire. À plus forte raison dans les ménages aisés et chez les francophones.   

Ils sont encore plus nombreux à se préoccuper de la santé mentale des élèves (89%), et s’accordent à 80% pour dire que la santé mentale des jeunes s’est dégradée depuis 5 ans.  

À VOIR ÉGALEMENT | De nouveaux projets pour la persévérance scolaire des jeunes du CSS des Rives-du-Saguenay

La santé mentale est effectivement un facteur de décrochage scolaire, comme le confirme Andrée Mayer-Périard, la présidente du RQRE. Le rapport aux écrans est aussi un facteur important, selon elle. Elle indique qu’un quart des adolescents québécois passe plus de quatre par jours devant les écrans. Un chiffre en augmentation. Les interruptions scolaires, notamment liées à la pandémie de Covid-19 et aux grèves, contribuent aussi à ce résultat. «Maintenant, tout ça, ce n'est pas une fatalité, rassure Mme Mayer-Périard. Il faut les entourer, puis il faut travailler avec eux.» 

Elle explique d’ailleurs que ce ne sont pas nécessairement les grands gestes qui vont faire la différence. Elle mentionne également que le décrochage scolaire est un phénomène qui prend beaucoup de temps à s'installer et donc qui demande une réponse dans le quotidien et sur la durée.»"

«Il ne faut pas sous-estimer l'importance des encouragements. On a sondé des jeunes il y a plusieurs années, des jeunes qui avaient songé à décrocher et des jeunes qui avaient décroché, puis avaient raccroché. Plusieurs d'entre eux nous avaient dit que ce qui avait fait la différence, c'était des encouragements des adultes qui ne les lâchent pas et qui sont présents pour eux.» 
- Andrée Mayer-Périard, directrice générale du Réseau québécois pour la réussite éducative

Elle mentionne également que le décrochage scolaire est un phénomène qui prend beaucoup de temps à s'installer et donc qui demande une réponse dans le quotidien et sur la durée. 

Travailler plutôt qu’étudier 

Le sondage montre également que seuls 73% des Québécois s'inquiètent du fait que le manque de main-d'œuvre auquel est confrontée la province puisse inciter les jeunes à travailler au lieu de terminer leurs études. Paradoxalement, ils sont pourtant 90% à considérer que la place d’un jeune est à l’école.  

Mme Mayer-Périard n’est pas trop inquiète sur ce point, car, explique-t-elle, l’attrait du monde du travail créé par la rareté de main-d'œuvre «a tendance à s'apaiser un peu» depuis deux ans.  

«Actuellement, on ne peut pas dire que le marché du travail est favorable aux jeunes, on est comme dans une espèce de ressac, analyse-t-elle. Il y a deux ans, c'était la folie. Les salaires qui étaient offerts aux jeunes (pour des jobs) qui ne demandaient aucune qualification étaient très élevés. Ces salaires-là n'ont pas baissé, donc, pour certains jeunes, ça va demeurer quelque chose d'attractif.» C’est plutôt ce dernier point qui la préoccupe. « On ne pense pas que, quand on n'a même pas notre diplôme de secondaire 5, on a ce qu'il faut dans notre sac à dos pour survivre dans les 10 prochaines années sur le marché du travail qui est devant nous, à cause du contexte économique.» 

Une étude de l’économiste Pierre Langlois sur la grande vulnérabilité socio-économique mettait en avant, l’an dernier, que le niveau de littératie, soit la capacité d’un individu à lire, écrire, travailler à partir d’un texte et à partir de données chiffrées, était trop faible dans la province. On parle de grande vulnérabilité lorsque l’évolution socio-économique d’une personne est freinée par des revenus limités combinés à des compétences de base insuffisantes. Or, selon M. Langlois le niveau de littératie, acquis par l’éducation, est un élément clé pour se sortir, ou simplement éviter, la grande vulnérabilité socio-économique. 

Trois grandes causes perçues 

Pour les sondés, trois problèmes pèsent particulièrement sur le système éducatif québécois: des classes surchargées (45%), un manque de financement public (34%) et le décrochage scolaire (34%). Presque tous soutiennent qu’il faut un effort concerté du milieu éducatif et de la société pour favoriser la réussite éducative et qu’il faut en faire plus pour favoriser la persévérance scolaire.  

C’est dans cette optique que le Réseau québécois pour la réussite éducative organise du 10 au 14 février les Journées de la persévérance scolaire. Selon les données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), le taux de sorties sans diplôme ni qualification au secondaire chez les jeunes en formation générale est de 16 % pour l'année scolaire 2021-2022, alors qu’il était de 13,5% deux ans plus tôt. 

À l’occasion de cette semaine dédiée à la persévérance scolaire, le RQRE invite chaque adulte ayant un jeune dans son entourage à adopter une attitude positive en lui montrant son soutien, en l’écoutant et en valorisant chaque progrès et chaque tentative. «La réussite de nos jeunes, c’est l’affaire de tous», insiste Andrée Mayer-Périard. 

Le Dr Égide Royer, psychologue et spécialiste de la réussite scolaire, pointe un facteur clé qui peut faire une différence considérable: celui de l’apprentissage de la lecture. Selon l’expert, c’est à l’étape de l’apprentissage de la lecture que la plupart des difficultés peuvent être évitées. «Si vous ne savez pas lire, dépassé la troisième année, vous allez avoir de la difficulté dans toutes les autres matières», soutient-il. 

Il ajoute que les tous les parents ne sont pas égaux face à l’éducation de leurs enfants, chacun a ses lacunes. Les encouragements que peuvent apporter tous les parents doivent être accompagnés d’un encadrement adapté du côté des institutions pour éviter d’accumuler les retards. 

Le sondage commandité par le Réseau québécois pour la réussite éducative a été réalisé par la firme Léger entre le 9 et le 22 décembre auprès de 1 567 Québécois entre 18 et 59 ans pouvant s’exprimer en français ou en anglais via un questionnaire en ligne. Il n'y a pas de marge d'erreur pour les sondages non probabilistes. Toutefois, Léger indique à titre indicatif que pour un échantillon probabiliste de même taille, la marge d’erreur maximale est de 2,5 points de pourcentage, 19 fois sur 20.

Caroline Chatelard

Caroline Chatelard

Journaliste